Nouveau gouvernement : les associations écolos dépitées
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Remaniement du gouvernement le 14 novembre, départ de Borloo, arrivée de Nathalie Kosciusko-Morizet. Commentaires.
..................................Le texte commun de FNE, LPO et CFDT :
Le ministère, jusqu’alors chargé de l’énergie et des négociations sur le climat, se voit dépossédé du portefeuille de l’énergie, hypothéquant potentiellement notre objectif de division par 4 de nos émissions de gaz à effet de serre. Qui représentera l’Etat français à Cancún dans moins d’un mois ? Pour y défendre quoi ? Pourquoi l’énergie doit-elle maintenant dépendre de l’industrie ? Le précédent gouvernement avait affirmé que l’environnement devait être au cœur de toutes les politiques publiques. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Pour la CFDT et FNE, il indispensable que le ministère de l’industrie ne cantonne pas l’énergie à des problématiques industrielles. L’énergie est le problème de toute la société et les solutions résident dans un meilleur équilibre entre productions locales et moyens centralisés et surtout dans la promotion des renouvelables et de l’efficience énergétique.
De même, la Mer a disparu de l’intitulé du nouveau ministère. Les grands engagements pris lors du Grenelle de la Mer pourraient-ils être balayés par la vague du changement de ministère ?
Pour la CFDT, les questions de l’emploi et de l’environnement pour une croissance durable doivent être articulées et prises en compte dans le cadre du dialogue social.
Bruno Genty, président de FNE : « Je souhaite bonne chance à la nouvelle ministre, Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, dont les compétences environnementales sont certaines. Je lui souhaite aussi beaucoup de courage et d’énergie pour faire face à ses nouvelles responsabilités. L’énergie est un enjeu important du Grenelle de l’environnement. FNE attend de la ministre de l’écologie qu’elle veille à l’application de tous les engagements du Grenelle concernant cette thématique même si celle-ci ne fai t plus partie de son ministère ».
La CFDT et FNE seront vigilantes quant à l’application stricte des engagements pris lors des « Grenelles », et en particulier ceux concernant l’énergie et la mer pour lesquelles les inquiétudes sont plus grandes que jamais. Nos organisations rencontreront dès que possible les nouveaux ministres de tutelle afin de leur faire part de leurs préoccupations. Le développement durable, ce n’est pas la cerise sur le gâteau, c’est le gâteau !
...................................Le texte de Greenpeace :
Depuis l’organisation du Grenelle de l’environnement, fin 2007, le tandem Sarkozy/Fillon n’a eu de cesse de revenir sur les promesses et les engagements en matière d’environnement. Et tout porte à croire que « Sarkozy/Fillon saison 3 » sera encore moins écolo que le précédent gouvernement.
« Tout cela ressemble aux séries télé : on est excité et plein d’espoir pendant la saison 1. Durant la saison 2, déception, il ne se passe plus grand chose. Alors la saison 3, on n’y croit plus, déclare Pascal Husting, directeur général de Greenpeace France. Nicolas Sarkozy s’est un temps servi de l’écologie en s’appuyant sur Jean-Louis Borloo. Puis, la même équipe s’est employée à complètement détricoter le Grenelle. Aujourd’hui, Jean-Louis Borloo part, Nathalie Kosciusko-Morizet revient, mais on ne voit pas bien pourquoi les choses s’arrangeraient. C’est comme si tout était à refaire. Et d’ailleurs, la seule chose qui nous retienne de proposer au "nouveau" gouvernement d’organiser… un Grenelle de l’environnement, c’est que l’expérience a déjà été tentée, avec, au bout du compte, très peu de résultats ! »
Le démantèlement du « grand » ministère
Plus que les personnes, c’est d’abord le périmètre diminué du ministère de l’Écologie qui inquiète. Disparu, le grand ministère dessiné par le candidat Sarkozy et mis en place en 2007. Exit la Mer et surtout l’Énergie, qui se trouve placée au sein du ministère de l’Industrie, et donc sous la coupe de Bercy, où elle va redevenir une variable d’ajustement de politiques productivistes.
« On sait à quel point Christine Lagarde, ministre de l’Économie pour la deuxième fois, a toujours été extrêmement hostile à la dynamique du Grenelle de l’environnement et aux décisions qui ont été prises dans la foulée, déclare Pascal Husting. Que l’Énergie échappe à l’Écologie pour rejoindre le giron de Bercy est très inquiétant concernant la capacité de la France à tenir ses objectifs de réductions de ses émissions de gaz à effet de serre et de développement des renouvelables. »
Le retour de NKM…
« Nathalie Kosciusko-Morizet hérite d’un ministère diminué et rétrogradé dans la hiérarchie gouvernementale, estime Pascal Husting. La nomination d’une telle personnalité ne saurait faire oublier ce périmètre rétréci. On ne peut qu’être sceptique sur la marge de manœuvre dont disposera Nathalie Kosciusko-Morizet, là où Jean-Louis Borloo a eu les coudées franches. »
… et des anti-écolos !
En matière d’environnement, le seul maintien de François Fillon suffit à donner… le ton. Le Premier ministre a entre autres œuvré pour délaver les engagements du Grenelle et pour faire capoter la taxe climat-énergie. Tout récemment, c’est lui encore qui a tranché concernant le thon rouge. En amont de la réunion de l’Iccat, l’organisme international censé gérer cette pêcherie (prévue à Paris du 17au 27 novembre), François Fillon a arbitré en faveur d’un quota de pêche de 13 500 tonnes de thon rouge pour l’année prochaine. Un chiffre qui, d’après les scientifiques, ne laisse que 30 % de chance de survie d’ici à 2020 à cette espèce menacée.
D’autres personnalités violemment anti-écolos rejoignent le gouvernement, comme Patrick Ollier, connu pour ses sorties anti-éoliennes et sa ferveur pro-nucléaire. Bruno Le Maire est maintenu à l’Agriculture, ce dont se félicitent déjà la FNSEA et les pêcheurs industriels de thon rouge. Quant à Thierry Mariani aux Transports ou Éric Besson à l’Énergie/Industrie, difficile d’en attendre beaucoup d’initiative en matière d’écologie, tant ces hommes se sont jusqu’à présent illustrés comme étant tout dévoués à Nicolas Sarkozy.
...................................Le texte d’Arnaud Gossement :
On se rappelle que Nicolas Sarkozy, en 2007, avant d’être élu à la Présidence de la République, avait signé le Pacte écologique de Nicolas Hulot, lequel prévoyait la création d’un poste de Vice Premier ministre à l’écologie. Nicolas Hulot a eu mille fois raisons de militer, ces jours derniers, pour la préservation du superministère et la désignation à sa tête d’un « poids lourd » politique, capable d’imposer des arbitrages favorables à l’écologie. Toutefois, force est de constater que l’animateur d’Ushuaia, reçu tous les 4 matins à l’Elysée lors du Grenelle, n’a plus autant l’oreille de Sarkozy.
Et sa présence à Lyon, aux assises d’Europe Ecologie/Les Verts prend une signification tout à fait intéressante dans ce contexte. Il n’est pas impossible que Nicolas Hulot doute désormais de la possibilité d’influer sur le cours de l’action gouvernementale et prenne donc moins de précautions pour afficher sa sympathie pour les amis de Cécile Duflot. Une page du Grenelle se tourne donc, même si l’on comprend bien que Nicolas Sarkozy lutte contre cette idée en nommant celle là-même qui lui souffla l’idée de l’organiser.
Le Superministère décapité
On imagine déjà l’ambiance lors de la cérémonie de passation des pouvoirs entre Jean-Louis Borloo et Nathalie Kosciusko-Morizet… Certes, Nathalie Kosciusko-Morizet bénéficie d’une compétence et d’une expertise incontestables mais sa promotion spectaculaire ne peut occulter le fait qu’elle est nommée à la tête d’un ministère qui vient de perdre de sa superbe. NKM n’est pas Ministre d’Etat, numéro 2 du Gouvernement, mais Ministre numéro 4 d’un Gouvernement dont le numéro 2 n’est plus le ministre de l’écologie mais celui de la Défense, tout un symbole… Surtout, surtout, surtout, le ministère de l’écologie perd l’administration de l’énergie, laquelle quitte l’Hôtel de Roquelaure pour rejoindre Bercy où elle sera pilotée par Eric Besson dont on a du mal à penser qu’il s’opposera au tropisme pro-nucléaire du Président de la République et du Premier ministre. Ce détachement de la Direction générale de l’énergie et du climat est la plus mauvaise nouvelle de ce remaniement et contrevient complètement à la logique du Grenelle qui avait au contraire permis ce rapprochement entre énergie et environnement.
Cette fracture est catastrophique alors que nombre de textes d’application de la loi « Grenelle 2 » du 12 juillet 2010 doivent être préparés par ces deux administrations d’ici à l’été prochain. Last but not least, NKM est flanquée de deux secrétaires d’Etat : Benoit Apparu qui reste au Logement et Thierry Mariani aux Transports qui s’est surtout illustré par ses prises de position sur le dossier de l’immigration. Mais la pêche, l’alimentation et l’aménagement du territoire restent ou partent chez Bruno Lemaire, Ministre de l’Agriculture. Autre grand ami du développement durable : Patrick Ollier. Ce grand pourfendeur des éoliennes, entre au gouvernement comme ministre en charge des relations avec le Parlement. Les énergies renouvelables ont du souci à se faire mais… n’en jetez plus, la coupe est pleine…
Mais le meilleur est pour la fin : tous les responsables politiques et administratifs qui souffraient de voir Borloo obtenir des arbitrages pro-Grenelle au dessus de la tête de Fillon et des responsables de Bercy vont pouvoir prendre leur revanche. La confirmation de François Fillon et le départ de Jean-Louis Borloo vont sans doute renforcer l’autorité du Premier ministre au sein de l’exécutif. Pas certain que les écologistes pourraient encore obtenir l’abandon d’un projet comme celui d’un circuit de formule 1 à Flins.
Borloo outragé mais Borloo libéré
Jean-Louis Borloo a clairement reçu plusieurs gifles qui, au-delà de sa personne, sont de nature à braquer les centristes. Le Chef de l’Etat l’a encouragé à concourir pour Matignon pour finalement, y confirmer le locataire actuel. De plus, c’est Nathalie Kosciusko-Morizet qui succède à Jean-Louis Borloo. Celui-là même qu’elle avait accusé de « lâcheté » en 2008. On comprend dans ces conditions que l’ancien maire de Valenciennes ait souhaité annoncer lui-même son départ sans attendre la proclamation du nouveau gouvernement par le Secrétaire général de l’Elysée. Reste à savoir ce que fera Borloo de cette liberté.
...................................Le texte des Amis de la Terre :
Alors que la composition du nouveau gouvernement vient d’être annoncée, les Amis de la Terre sont inquiets du nouveau champ de compétences, plus réduit, du ministère de l’écologie. L’énergie disparaît du nom de ce ministère et est reprise à Bercy. Par ailleurs, la mer n’est plus citée alors que les menaces sur les ressources halieutiques n’ont jamais été aussi fortes.
Nathalie Kosciusko-Morizet, dont les compétences et le courage politique avaient été remarqués notamment lors du débat parlementaire sur les OGM, héritera t’elle d’un ministère réduit ? Le ministère de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de la mer change une nouvelle fois de nom pour devenir le ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement. Si les Amis de la Terre se félicitent du maintien des transports et du logement confirmé par la nomination de deux secrétaires d’état, ils s’inquiètent de voir l’énergie passer à Bercy, dans le giron d’Eric Besson, chargé de l’industrie, de l’énergie et de l’économie numérique.
Pour Anne Bringault, directrice des Amis de la Terre, « Alors que l’énergie est au cœur des changements de sociétés auxquels nous sommes confrontés et alors que la réduction de la consommation d’énergie devrait être une priorité pour des raisons sociales, économiques et écologiques, la reprise en main de ce secteur par Bercy laisse présager une relance décomplexée de la production avec davantage de nucléaire et davantage d’énergies fossiles, satisfaisant ainsi de grands lobbies aux dépends de l’intérêt des citoyens ».
La protection de la mer et du littoral pourrait, d’après le nouveau nom du ministère de l’écologie, avoir également été amputée de ses compétences. Si ceci était confirmé, ce serait un très mauvais signe alors que les quotas de pêche restent un sujet de tension avec le ministère de l’agriculture. Il pourrait s’agir d’une confirmation de ce qu’avait annoncé Nicolas Sarkozy lors du salon de l’agriculture : L’environnement, ça commence à bien faire !
Pour Anne Bringault : « Les tensions entre le ministère de l’écologie et celui de l’agriculture ont toujours été fortes, que ce soit au sujet des OGM, de la pêche ou de l’avenir de la PAC. Si la disparition probable de la mer des compétences du ministère de l’écologie était la marque d’une volonté affirmée de donner dorénavant la priorité au ministère de l’agriculture dans les arbitrages concernant les questions agricoles et marines, ce serait la victoire des lobbies contre la préservation de la biodiversité et la lutte contre les pollutions. »