Tribune —
Ô Zeus, retiens-les !

“Les mesures imposées par le Fonds monétaire international (FMI), la Banque centrale européenne et la Commission européenne, desserrent tous les freins à la destruction de l’environnement."
« C’est une descente aux enfers, un cauchemar, parce qu’on voit un avenir de plus en plus sombre auquel on ne pourra rien changer. » A Athènes, la journaliste Hélène Ceresole décrit au téléphone une atmosphère de tristesse et de souffrance. En Grèce, la situation économique est toujours plus mauvaise. Chacun tire la queue d’un diable de plus en plus insaisissable, sans espoir d’améliorer la vie quotidienne.
Dans ce climat, la destruction organisée de la politique de protection de l’environnement passe inaperçue. Or, les mesures imposées par la « troïka » - Fonds monétaire international (FMI), Banque centrale européenne et Commission européenne - desserrent tous les freins mis ces dernières années à la destruction de l’environnement. C’est ce que vient d’écrire le Fonds mondial pour la nature (WWF) à Christine Lagarde, directrice générale du FMI, et à José Manuel Barroso, président de la Commission européenne.
En application de leurs prescriptions, explique-t-il, le principal instrument de politique environnementale, le Fonds vert, voit l’essentiel de ses ressources détournées vers le budget général de l’Etat. Les effectifs des fonctionnaires chargés des ressources naturelles et de l’environnement, déjà insuffisants, vont diminuer d’un tiers. Une loi vient de légaliser toutes les constructions illégales, tandis que les règlements visant à protéger les zones naturelles sont affaiblis. « Presque n’importe quoi est autorisé n’importe où », écrit l’organisation écologiste.
Rien n’interdit plus la construction de complexes touristiques sur les côtes et les îles les plus belles. Même le mont Olympe, demeure de Zeus - et parc national - pourrait se voir envahi par les résidences de luxe. La « troïka » pousse aussi à la vente des terres publiques et à la privatisation du secteur de l’énergie. Et la Grèce se voit promise à la colonisation énergétique, avec Helios, un immense projet de centrale solaire sur 20 000 hectares, dont le courant serait exporté vers l’Allemagne. Où trouver ces terres sans détruire l’agriculture ?
« On ne peut pas continuer à consommer les ressources naturelles comme on a consommé les ressources monétaires », déplore Demetres Karavellas, du WWF Grèce. Le creusement de la dette écologique servira à combler la dette financière, ce qui ne résout rien à terme. Un système économique qui détruit l’environnement quand il est en croissance et qui le détruit aussi quand il est en crise est décidément insoutenable.