Obama cède aux pollueurs
Durée de lecture : 4 minutes
Le président des Etats-Unis, qui s’était présenté comme meilleur défenseur de l’environnement durant sa campagne, cède aux industries polluantes.
A l’aube de la campagne pour sa réélection en 2012, Barack Obama a-t-il perdu sa base électorale écologiste ? Le gotha écologiste commence à lâcher le président américain. A commencer par l’acteur Robert Redford, qui vient de publier une tribune militante sur le Huffington Post où il s’interroge sur la priorité de l’administration Obama : « Les profits des entreprises ou la santé publique ? » Les raisons de cette colère : une série de mesures jugées anti-écologistes qui ont été adoptées au cours du mois d’août.
La dernière date de ce vendredi 2 septembre. Barack Obama a retiré un projet de réglementation prévoyant des normes de qualité de l’air plus strictes, arguant que la mesure aurait pesé trop lourd sur l’industrie dans une période de forte incertitude économique. Le président a toutefois tenu à renouveler son engagement envers la défense de l’environnement.
Mais pour les écologistes, cette décision marque un virage. « L’administration Obama cède face aux gros pollueurs au détriment de la protection de l’air que nous respirons », a déclaré Gene Karpinski, président de la League of Conservation Voters, un lobby environnementaliste.
Dans sa tribune, Robert Redford ne cache pas non plus son amertume : « Une raison pour laquelle j’ai soutenu le président Obama, c’est parce qu’il disait que nous devons protéger l’air pur, l’eau et les terres. »
Mais c’est surtout le projet d’oléoduc Keystone XL de l’entreprise TransCanada qui cristallise la défiance des écologistes envers Obama. Ce projet porte sur le transport, vers des raffineries au Texas, du pétrole brut produit à partir des sables bitumineux de l’Alberta au Canada. D’une longueur de plus de 2 700 km, il serait parmi les plus longs oléoducs au monde, après ceux de Chine et de Russie.
Le département d’Etat a donné son aval fin août pour la réalisation de ce projet de 7 milliards de dollars. Ce qui a provoqué l’îre des associations écologistes, qui accusent Obama de « céder aux lobbyistes de l’industrie pétrolière ». Le président américain a 90 jours pour approuver ce projet.
Des centaines de militants écologistes campent depuis le 20 août devant la Maison Blanche pour protester contre cet oléoduc. Et près de 275 ont été arrêtés par la police au cours de cette « campagne de désobéissance civile » de deux semaines.
Parmi les interpellés, une image a fait le tour des médias : celle de l’actrice hollywoodienne engagée Daryl Hannah, menottée et souriante, qualifiant le projet Keystone XL « d’épouvantable farce écologique ». La journaliste et militante canadienne Naomi Klein a également été interpellée, de même que des dizaines de jeunes leaders bénévoles de la campagne Obama 2008.
Dans son édition du 21 août, le New York Times a consacré un éditorial à Keystone XL et a clairement pris position contre ce projet. « Nous avons deux principales inquiétudes : le risque de marée noire autour de l’oléoduc qui traverserait des zones hautement sensibles. Et le fait que l’extraction du pétrole des sables bitumineux produise plus d’émissions de gaz à effet de serre que la production conventionnelle ».
Dans une lettre adressée mercredi 24 août au président Obama, les leaders des principales associations écologistes, telles que Greenpeace et Sierra Club, avaient qualifié ce projet d’oléoduc comme le « plus important test sur le changement climatique d’ici les élections ». Ajoutant : « Si vous bloquez ce projet, vous allez déclencher une vague d’enthousiasme de la base écologiste qui vous a fortement soutenu lors de la dernière élection ».
Autre figure de ce mouvement de contestation : l’écologiste influent Bill McKibben. Pour cet expert et militant, « le dernier mot revient à Barack Obama, qui a déclaré le soir de sa nomination au Parti démocrate en juin 2008 que sa victoire marquerait ’le moment où la hausse du niveau des océans commencerait à ralentir et où notre planète commencerait à guérir’. Il a désormais la chance de le prouver », écrit-il dans une tribune publiée par le Washington Post.
D’autant que, selon une enquête menée par l’université de Yale, 91 % des Américains, toutes tendance politiques confondues, pensent que le développement d’énergies propres devrait être une priorité. Et 71 % perçoivent le réchauffement climatique comme un dossier prioritaire pour la Maison Blanche et le Congrès.
Pour Nicholas Dungan, conseiller spécial à l’Institut des relations internationales et stratégiques, le réflexe écologique aux Etats-Unis « s’affaisse et s’efface » notamment à cause de la crise économique et financière. « Il y a un profond désenchantement du côté des supporters d’Obama, y compris des écologistes, ce qui renforce l’opposition farouche des républicains à Washington. Obama va devoir y faire face », observe cet expert.