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Tribune

Pour un dialogue entre Europe Ecologie et Parti de Gauche

« Le Front de Gauche et Europe Ecologie partagent plus d’idées-force qu’ils le savent eux-même »


Deux formations se réclament ouvertement de l’écologie politique en France : Europe Ecologie et le Parti de Gauche. Aucune percée à ce jour pourtant, électorale ou dans la réalité politique, ne permet de la créditer d’une avancée significative : le score d’Europe Ecologie aux élections régionales de 2010, inférieur à celui des Verts et de Génération Ecologie il y a douze ans, n’a pas vérifié le triomphe annoncé, celui du Front de Gauche n’a pas créé de dynamique ; le Parti de Gauche campe sur un effectif militant et un poids réel insuffisants pour réellement décoller dans la société, malgré l’impact médiatique fort de son Président.

En dépit de leur affinité de fond, les deux structures ont évité tout rapprochement depuis leur émergence, hormis des discussions occasionnelles et des actions militantes ponctuelles ; une coïncidence malheureuse, sans doute, avec le taux d’abstention record reconduit aux élections régionales puis à Rambouillet, l’abandon de l’essentiel du « Grenelle de l’environnement » et une défaite cinglante et collective dans le dossier de l’aéroport de Notre Dame des Landes.

Par ailleurs la crédibilité des deux piliers écologistes est minée politiquement : Europe Ecologie, lancée un peu hâtivement comme antidote à tous les maux politiques, à gauche en particulier, a joué l’air du grand soir écolo, avant extinction des lampions dès la fin des régionales pour cause de dissensions lourdes entre Verts et « néo-écolos » ; et tous de traîner un boulet à retardement, le Traité de Lisbonne, que nombre d’entre eux ont combattu sous sa forme "TCE" en 2005, et qu’Europe-Ecologie a, ipso-facto, avalisé. Un corset économique redoutable et une hypothèque lourde sur la crédibilité sociale d’EE - quelques mauvaises langues y décelant la patte personnelle du « Lider Minimo » d’Europe Ecologie, et son rêve d’une gauche libérale-écologiste-hall de gare ouverte aux non-extrêmes de tous bords.

Bientôt deux ans d’existence du Parti de Gauche : une imposante production théorique, intellectuelle et politique, faiblement diffusée dans la société, un travail militant remarquable, un dévouement de chaque instant, un Président-fondateur de très haute volée mais seul représentant visible dans les médias, un effectif qui plafonnerait à 7 000 adhérents, peu d’élus et de moyens financiers, une participation cohérente et de raison au Front de Gauche sans circulation d’idées, en particulier sur l’écologie (si l’on excepte la candidature-surprise d’André Chassaigne aux présidentielles) ni aucun bénéfice politique significatif : la pérennité de cette entreprise politique ambitieuse et méritante mériterait une réflexion quant à sa stratégie.

Il y a un impératif de centrer le débat politique sur un socle prioritaire, l’écologie. Sur fond de démonstration quotidienne du saccage de la planète et des dangers de la gestion à court terme sur l’équilibre de la vie, le PG, toujours solidement ancré dans le Front de Gauche, et Europe Ecologie, qui balance entre écologie sociale et sociale-libérale, doivent prendre langue. Non pour des discussions d’états-majors ni des accords au sommet imposés à la base, non pour éloigner les uns du Front de Gauche quand les autres renonceraient à être
eux-mêmes ; une dialectique d’intelligences est à instaurer, indissociable d’un dialogue dans le temps long, volontaire, résolu, amenant Europe Ecologie à s’affranchir de son carcan libéral et le Parti de Gauche à mettre en débat le fameux thème de la « forme-parti ».

Un socle d’idées communes aux deux formations leur confèrerait ensuite une puissance de feu sans commune mesure avec celle d’aujourd’hui. Il attirerait toute l’autre gauche vers un projet écologiste, encore trop soupçonné d’être un cheval de Troie libéral ; d’un autre côté, une partie des sympathisants écologistes surmonterait des réticences parfois adolescentes face à cette autre gauche soupçonnée de quelques gros maux – centralisme, rigidité idéologique, sans trop savoir ce qu’il en est vraiment.

L’autre vertu d’une dynamique écologiste commune débarrassée des oripeaux d’antan, serait de faire la lumière sur une réalité que la tournure politique actuelle, électorale et « court-termiste », occulte dramatiquement : le Front de Gauche et Europe Ecologie partagent l’idée-force de l’alternative au productivisme. On ne pourra plus penser production sans lui accoler sa finalité économique, sociale et écologique ; aucune délocalisation n’est justifiable en l’état par un prétendu développement économique et social des pays de relocalisation ; des travailleurs menacés par des fermetures d’entreprises ont droit au soutien sans réserve de toute la gauche, qui doit autant faire la lumière sur les combinaisons actionnariales ou manageriales ayant conduit aux menaces de fermeture, qu’imaginer avec les salarié(e)s les solutions de redémarrage, de reclassements ou d’alternatives industrielles s’il y a lieu.

Une dynamique socialiste (au sens non-partidaire) et écologiste est déjà inscrite dans les idées et les têtes de toute la « gauche de la gauche ». La poursuite, pendant les assises d’Europe Ecologie, puis avec la rentrée sociale, du cloisonnement opaque entre Europe Ecologie et le PG diffère tout projet écologiste et social. Chacun continue de faire tourner son cerceau, autre mot pour « la roue tourne », mais avec cette particularité qu’elle tourne dans le vide.

Qu’il en aille autrement, que s’ouvre enfin un débat, conflictuel au besoin mais éclairant sur les engagements de chacune des formations, serait pour beaucoup le signal d’une certaine ré-incarnation de la gauche, attendue depuis vingt-cinq ans dans la désillusion et la démission politique générale. Une nouvelle qui, enfin, surprendrait agréablement.


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