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Quand la police de M. Sarkozy utilise les méthodes des dictatures

A Lyon, le 21 octobre, la police a expérimenté des méthodes en usage dans les dictatures : enfermer les manifestants dans un lieu clos pour les contrôler, éventuellement, les matraquer et les gazer, avant de les ficher.


Ce qui c’est passé place Bellecour à Lyon, le 21 octobre 2010, ne peut pas être la simple décision d’un préfet. Le gouvernement est aux abois, et comme tout monstre à l’agonie, il peut être très dangereux. Ces gens qui nous gouvernent sont des malades, sans grande culture et pas très intelligents, mais ils ont un réflexe de survie et un pouvoir de malfaisance aigus. Le gouvernement a donc choisi que la grande leçon soit donnée à Lyon, place Bellecour le 21 octobre 2010. Alors, apprenons cette leçon, découvrons ce gouvernement dit d’ouverture qui enferme les jeunes tout un après-midi, pour les gazer, les matraquer, les affoler.

Le hasard ne fait pas toujours bien les choses, puisque nous devions nous retrouver, avec quelques collègues, dans un restaurant de la place Bellecour. À 20 heures, calme et désertée, la place était encore bloquée. Après avoir parlementé avec des robocops qui interdisaient l’accès, et ne semblaient pas comprendre grand-chose : oui, non, faites le tour, c’est aussi bloqué, l’un d’eux nous a accompagnés, un collègue et moi, jusqu’au restaurant, devant lequel était garée une fourgonnette d’autres robocops. Des collègues étaient déjà là. Nous avons trinqué, et de l’autre côté de la vitre, un robocops qui ôtait son harnachement, a symboliquement trinqué avec nous, brandissant une bouteille de vin presque vide, heureux.

jmw

Retour sur l’action des forces de l’ordre place Bellecour 21/10/10

Le témoignage de 5 étudiants parqués comme des bêtes

En ce 21 octobre, nous avons vécu ce que l’on pourrait appeler une garde à vue à ciel ouvert Place Bellecour à Lyon.

Tout commence en début d’après-midi, nous savons qu’un rassemblement pacifque est organisé place Antonin Poncet par l’UNL et la CGT (dans son petit break blanc). En tant que citoyens et concernés par l’amalgame jeune = casseur, il nous semble important d’aller manifester dans le calme avec les jeunes et les syndicalistes.

Le dispositif policier déployé est impressionnant et dès la rue Victor Hugo on assiste à des barrages fltrants. Les CRS nous laissent passer sans aucun contrôle à notre grand étonnement. Nous sommes donc sur la place Bellecour.

Un grand nombre de personnes tentent d’accéder à la place Antonin Poncet, nous avons le cortège en visu. Cependant, le GIPN est présent et lourdement armé. Une ligne de CRS bloque de tous les côtés l’accès à la place d’où doit débuter la manifestation. Nous pensons qu’il s’agit juste d’une mesure temporaire.

Nous tentons de regagner la place en passant par la rue de la Barre. C’est alors que nous découvrons deux blindés anti-émeutes armés de canon à eau placés respectivement à l’entrée de la rue du Président Édouard Herriot et à la rue Gasparin. Ça commence à chauffer là où les CRS bloquent l’accès à la manifestation : premiers tirs de gaz lacrymo sur les personnes agglomérées dans la place Antonin Poncet et celles de l’autre côté de la ligne de démarcation.

Nous demandons alors aux CRS disposés en ligne rue de la Barre si nous pouvons sortir de cette place. « On ne veut pas se prendre des cailloux, ni des gaz nous voulons juste manifester pacifquement de l’autre côté de la rue ». Réponse sèche nous disant que de toute façon le secteur est bouclé et que les ordres sont clairs. Personne ne sort. On nous dit alors d’aller nous mettre au fond de la place (côté Saône) pour éviter les gaz et que « peut-être » là bas nous pourrions sortir.

La situation est inédite, nous faisons le tour de la place, toutes les rues adjacentes sont bloquées, à chaque barrage où nous demandons de sortir on nous répond toujours que c’est impossible. Et pourtant nous voyons des personnes qui arrivent à passer sans problème les barrages de CRS. Les personnes de plus de 25-30 ans sortent sans problème de cette place. Il est clair que le mot d’ordre est de laisser entrer les « jeunes » dans la place et de ne pas les laisser sortir pour une durée indéterminée.

Nos inquiétudes sont confrmées par un CRS qui nous dit que de toute façon « vous les jeunes vous ne sortirez pas avant 20h et même 21h si cela est nécessaire ».

Cela fait déjà 1h30 que nous attendons. Pas de mouvement, on croirait que le temps s’est arrêté. Il semble que le commandement central soit muet, les CRS au milieu de la place en petits groupes sont plus que détendus, enlèvent leurs casques, fument et parlent même avec les jeunes. L’hélicoptère de la gendarmerie ne cesse de tourner au-dessus de nous, équipé d’une caméra, il passe et repasse au dessus des jeunes. Le climat est presque détendu. Mais il ne le restera pas longtemps : des groupes de CRS font des rondes, passent et traversent la place Bellecour pour « réveiller » les jeunes, peut-être trop calmes ? Deux policiers de la BAC tournent sur une moto depuis une bonne demi-heure dans la place.

Nous attendons, encore, toujours. C’est au bout de 3 heures que le harcèlement policier commence à porter ses fruits. Les jeunes au début très dispersés et calmes commencent à se rassembler et demandent à sortir.

Les jeunes sont pris dans un mouvement de foule, la police toujours en bloquant les sorties de la place, tire des grenades lacrymogènes sur le groupe nouvellement formé.

Des jeunes après s’être fait gazer se font matraquer. Il est impossible de sortir.

Les forces de l’ordre délivrent alors un message hallucinant depuis les fourgons blindés anti-émeutes : « Attention. Si vous ne vous dispersez par maintenant, nous allons devoir faire usage de la force ». Mais comment vont se disperser les jeunes alors que tout est bloqué ?

Au même moment, nous étions bloqués à un barrage en tentant de sortir pour la « 10e » fois. Les forces de l’ordre donnent l’assaut et balancent la sauce sur des jeunes non armés, totalement encerclés et sans aucune protection : canon à eau, gaz lacrymo sous toutes ses formes, matraquages, fumigènes, bangs, ...

Après cet assaut insensé il nous est ordonné de nous présenter à une sortie (enfn ouverte !) direction quai de Saône. L’humiliation continue : contrôle d’identité avec des agents recensant toutes les infos sur chaque personne présente, fouilles corporelles et photographies. De plus la presse est là pour flmer la prise du jour. Tutoiement et petites blagues racistes de rigueur. On fait passer tous les « beurs » chez le photographe des RG. Ceux qui n’ont pas de pièce d’identité seront systématiquement mis en garde à vue et « stockés » dans les cars que nous voyons au loin sur le pont Bonaparte.

Voici comment l’État français traite sa jeunesse et ne résout en rien les problèmes d’insécurité. Il faut noter que seulement FR3 Rhône-Alpes et TLM ont fait état de ce qu’il s’était passé (à demi-mot cependant). FR2, chaîne de service public, à quand même réussi à dire que la place Bellecour était prise « toute l’après-midi par des casseurs ».

J’hallucine, les casseurs il n’y en avait que très peu, le reste est resté bloqué sous l’œil des caméras qui ont pu tourner des images et contribuer à la désinformation gouvernementale.

Ce sont des méthodes dignes d’un régime fasciste :

Humiliation
Violence gratuite
Atteinte au droit fondamental d’aller et venir
Un seul mot me vient à l’esprit : RÉSISTANCE.

Sources et informations complémentaires :

De nombreux témoignages dans Rebellyon.info
Lyon info : Quelque 200 jeunes encerclés à Bellecour
Audioblog ARTE : Les yeux fermés
L’express : Manifestation à Lyon : « On était comme des rats dans une cage »
Rue 89 : Lyon : gardé à vue cinq heures en plein air près de la manif
Rue 89 : Comment la police empêche les journalistes de travailler en manif.


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