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Tribune

Regarder la télévision est mauvais pour l’environnement

TF1 vante son « engagement » pour l’environnement, avec le concours de Jean-Marc Jancovici. Où l’on apprend que regarder la télévision produit du gaz carbonique - eh oui, comment croyez-vous que le poste arrive dans votre salon ? - et que surtout, surtout, il ne faut pas être « anxiogène ».


Pour ré-émerger des limbes de l’oubli, je n’ai rien trouvé de plus glorieux à me mettre sous la dent qu’une modeste conférence de presse à TF1 consacrée ce matin à l’indicateur CO2 de la chaîne. Chaque mois depuis un an, cela vous aura probablement échappé, Laurence Ferrari reçoit Jean-Marc Jancovici dans son 20 heures.

Jancovici, c’est l’expert du CO2 en France, le papa du Bilan Carbone, le consultant impérieux mais efficace, qui répète à l’envi que le problème qui nous fait face, c’est celui du carbone, qu’il faut diviser par 4 nos émissions si on veut continuer à vivre relativement confortablement dans une démocratie. Le métier de Jancovici consiste à prodiguer des pistes de solutions à un bon nombre de grands groupes. Dont TF1.

Chaque mois, les télespectateurs de TF1 apprennent donc quelles ont été les émissions de CO2 des Français dans le mois écoulé. En septembre, c’était 842 kilos (+0,6% par rapport à 2009) et Jancovici d’expliquer les raisons du pourquoi de la hausse, de la baisse, des résultats obtenus, etc.

Sur le site consacré à l’indicateur, certains commentaires tristement savoureux donnent une belle idée des télespectateurs que mérite cette chaîne, mais c’est un autre sujet... Ce que l’on dit moins à l’occasion de ce rendez-vous, c’est le nombre de kilos de CO2 que l’on émet quand on regarde TF1. Sans dévoiler le bilan exact de la chaîne, on retiendra que 80% des émissions proviennent de la fabrication des millions de téléviseurs allumés sur la Une. Soit plus de 190000 tonnes de CO2. En général le poste ordinateur + télévision représente 20% des émissions moyennes d’un Français.

Au cours de cette conférence de presse, j’ai appris que « l’environnement était une tradition chez TF1 », que l’agence de notation Média Tenor avait couronné deux fois la chaîne pour la place de l’environnement dans ses JT. « Nous sommes même la première chaîne qui cause d’environnement », a précisé Gilles Maugars, le directeur général adjoint de TF1, en charge du développement durable. « Avec les 4 à 5 millions de télespectateurs qui regardent Ushuaïa, nous représentons 90% des audiences de toutes les émissions environnementales. » En gros, le reste du monde n’existe pas, les documentaires d’Arte ou même la quotidienne de la même chaîne, Global Mag, 26 minutes entièrement consacrées à ces sujets, les docs de France 5, ..., tout ça compte pour du beurre. « Le documentaire d’environnement, c’est la compréhension du monde, des choses, ce n’est pas une cible de grande audience, ce n’est pas notre grille. »

Et Jancovici de voler au secours du DG de TF1 : « L’environnement est un sujet grave, anxiogène, et vous [sous-entendu, les médias], vous savez mieux que quiconque qu’on a du mal à traiter les sujets qui font fuir. Jusqu’où doit-on accepter de faire descendre l’audience ? Comment rendre le sujet attractif ? Les ventes chutent quand les journaux font leur une sur l’environnement... A un moment, tout le monde doit résoudre cette quadrature du cercle. »

Courage, fuyons, ne parlons pas de sujets anxiogènes. C’est vrai que la vie ne l’est pas, anxiogène, et qu’en regardant TF1, on n’angoisse jamais.


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