Risque de séisme sur le nucléaire à Cadarache
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L’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) enjoint au CEA de procéder à des travaux de sécurisation de ses installations de Cadarache en cas de séisme.
Au terme de plusieurs années de bras de fer, l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) s’est décidée à mettre en demeure le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) de réaliser un dispositif anti-sismique qui garantit, en cas de tremblement de terre, le confinement des matières nucléaires stockées au Lefca, une des dix-sept installations nucléaires de base de Cadarache. Un délai de deux ans lui est imparti.
Passée inaperçue, la décision prise par le collège de l’ASN, réuni à Paris le 29 juin 2010, est pourtant assortie de menace de sanctions administratives et pénales.
Mis en service en 2001, le laboratoire d’études et de fabrications expérimentales de combustibles avancés (Lefca) contient cent « boites à gants » de manipulation d’uranium, de plutonium, d’américium et de neptunium. Des ingénieurs y réalisent des études et des essais d’irradiation pour comprendre le comportement des combustibles dans les réacteurs nucléaires.
Un si long bras de fer
Jugé vulnérable en 2004 au risque sismique, des travaux de rénovation ont été réalisés en 2005-2006 mais sont insuffisants. « La remise à niveau concerne notamment l’ancrage et le renforcement des râteliers d’entreposage des matières nucléaires et des boîtes à gants, la mise en place d’un système de coupure des alimentations électriques en cas de séisme, le renforcement d’éléments du génie civil permettant de respecter les objectifs de sûreté en cas de séisme », explique-t-on à Cadarache. Le risque n’est pas vain au centre de Cadarache situé sur la faille de la Moyenne Durance. Une secousse de magnitude 3, le 7 juillet dernier, dont l’épicentre était à Manosque, l’a rappelé. La production de Mox a d’ailleurs été arrêtée en 2003 pour ce motif.
L’historique des échanges de courriers entre l’ASN et l’exploitant nucléaire révèle un vrai bras de fer, et une volonté manifeste de la part du CEA de différer au plus tard les nécessaires, et coûteuses rénovations techniques.
En janvier 2004, après avoir identifié des risques liés au séisme et à la liquéfaction des sols à l’aplomb de l’installation, le CEA s’était engagé à réaliser une étude et à réaliser le dispositif prévu de prévention du risque de liquéfaction avant mi-2006. Promesses vaines. En juin 2007, le CEA remettait en cause le risque d’effondrement de ses sols sur la foi d’investigations géotechniques, mais s’engageait à achever des travaux de renforcement du génie civil du laboratoire d’ici fin mars 2010.
L’année suivante, en juillet 2008, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) (l’expert technique du « gendarme du nucléaire ») déclarait qu’on ne pouvait véritablement exclure de risques en cas de séisme. Le CEA temporisait encore et estimait le délai de ses travaux à 24 mois, délai que l’ASN jugeait toutefois acceptable à condition de réaliser « sans délai » ce dispositif de prévention.
Risque réel de liquéfaction des sols
Le dialogue de sourds continuait et Cadarache s’engageait à transmettre d’ici septembre 2009 une étude confirmant… l’absence de risque ! Tenace mais diplomate, l’ASN soumettait alors au CEA des prescriptions techniques pour lui « imposer » la réalisation du fameux dispositif de prévention. Quelques joints de polystyrène étaient retirés entre les bâtiments de l’installation nucléaire de base n°123. Promis, tout devait être achevé d’ici le 30 mai 2011, jurait encore le CEA en février 2009, avant de revenir sur sa parole. Car le 1er mars 2010, le CEA faisait savoir qu’« il ne prendrait aucun engagement relatif à la réalisation d’un dispositif ».
L’heure n’est plus au dialogue. L’ASN a donc décidé de passer à l’étape supérieure, celle de la contrainte. Dans sa décision publiée, l’ASN impose au CEA de « réaliser avant le 29 juin 2012 le dispositif de prévention du risque de liquéfaction des sols ».
En cas de carence, l’Autorité brandit les articles 41 et 48 de la loi Transparence et sécurité nucléaire (TSN) du 13 juin 2006 qui l’autorise à mettre à l’arrêt l’installation. La loi énonce que l’exploitation d’une installation nucléaire de base « sans se conformer à une mise en demeure de l’autorité administrative de respecter une prescription » est passible de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende.
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Note :
- La décision de l’ASN : http://www.asn.fr/index.php/Les-act...