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Sur l’aéroport de Nantes, les compagnies low-cost surexploitent les travailleurs précaires

Les compagnies low-cost qui font la fortune de l’aéroport de Nantes Atlantique usent et abusent de travailleurs précaires et sous-payés. Exemple : Aviapartner.


Pas déçues du voyage, Carole et Émilie. L’été dernier, elles sont devenues hôtesses au sol après avoir répondu à une petite annonce publiée par le site Leboncoin.fr. C’est comme ça qu’on recrute les saisonniers pour neuf mois, chez Aviapartner. À Nantes-Atlantique comme dans une trentaine d’aéroports européens, ce groupe belge* assure les embarquements des passagers et des bagages pour les compagnies low cost. La chasse aux dépenses inutiles imprègne aussi Aviapartner. Les salaires plein pot, par exemple...

Alors qu’on peut payer les saisonniers en contrat de professionnalisation, 60% du Smic pour les moins de 21 ans comme Carole, 80% pour les moins de 26 comme Émilie. « Sur un effectif de quelques 80 personnes, on a 50 % de contrats de professionnalisation de mars à mi novembre », concède Patrick Hémery, le « station manager » d’Aviapartner.

La formation ? Expédiée en un mois, plus quinze jours de pratique sur le tas pour se retrouver à gérer sans filet des passagers à enregistrer. À 25 ans, ces « agents de passage » côtoient des gens plus âgés, plus expérimentés, mais payés un cinquième de moins. Epuisement garanti, quand on fait plus de six heures à flux tendu debout au comptoir, enchaînant les procédures d’embarquement de trois ou quatre vols d’affilée, le plus souvent sans un instant pour manger, sans la pause légale de vingt minutes toutes les six heures.

La direction du travail a été alertée. « Sur ce sujet, je ne peux pas vous répondre », dit Hémery. Et tant pis s’il n’y a pas de salle de repos, juste un siège dans le bureau des chefs, avec interdiction de manger tout comme dans le zones recevant du public. À peine le temps d’aller pisser vite fait, une perte de temps reprochée par l’encadrement.

Comme les autres, Émilie bricole : « J’avais des gâteaux dans les poches pour les manger dans les toilettes ». Pour le reste, c’est le bonheur. « C’est arrivé souvent à deux heures du mat’, un vol pas préparé, je veux dire sans savoir le type d’avion, le nombre de sièges, s’il y a des handicapés à placer, des bébés, des animaux... Le tout avec un ordi qui beugue, et en plus sans superviseur ! Génial ».

Valait peut être mieux d’ailleurs, certains superviseurs, à peine payés plus que leurs subalternes, se révélant de vraies peaux de vache, convoquant les hôtesses au sol dès que le rendement faiblissait, ou à la moindre paperasse pas bien remplie, à la plus petite erreur de procédure.

« Convocations sur le champ au bureau, réprimandes, dénigrements, menaces de licenciements, regards méprisants, avertissements. Traitées comme des moins que rien, alors qu’on était en sous effectif, sous pression... M’est arrivé de revenir du bureau en pleurs devant les passagers ».

Carotte et make up

Entre les hôtesses d’escale et les « pistards » qui enfournent les bagages dans les soutes des zingues, Aviapartner mobilise à Château-Bougon (ancien nom de l’aéroport Nantes Atlantique) une centaine de salariés, très peu en CDI - et encore, 25 heures, pas plus -, surtout en CDD, ou en contrat de professionnalisation au rabais. « La plupart des gens s’écrasent par peur de ne pas avoir de renouvellement de contrat, ou pour la carotte d’un hypothétique CDI », dit Carole.

Avec ça, uniforme obligatoire, mais pas fourni. Juste un chemisier déjà porté par d’autres, avant, et un vague remboursement de 30 euros sur présentation d’un ticket de caisse. Jupe, pull, chaussures, elles ont dû tout s’acheter. « Ce qui faisait un décalage par rapport aux permanents. Nous les saisonniers, on faisait un peu pouilleux. Et on se faisait reprendre sur les bijoux, la coiffure, le maquillage. Interdiction de mettre des bagues. J’ai ressenti ça comme une perte de personnalité », soupire Carole.

Les plannings fournis trois semaines à l’avance sont refondus et modifiés quelques jours avant en respectant quand même les onze heures de carence entre deux missions. Neuf mois sans vie sociale du matin ou du soir, horaires décalés, la nuit, le jour. « Je me suis vue débuter à une heure de matin, finir à 13 h, la musique à fond, fenêtre de voiture grande ouverte sur le périf’ pour pas m’endormir. Il y a d’ailleurs eu des accidents de voiture de collègues qui se sont endormis sur la route du retour ».

Un boulot vraiment cool : « J’ai fait une vacation de 3h du mat à 14 heures, sans manger, sans aller aux toilettes ! Je ne sais pas comment j’ai fait », ajoute Émilie. À verser au dossier des perspectives emplois vantées par les partisans de l’aéroport à ND des Landes. Le rêve cloué au sol.

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* 17 000 salariés depuis le mariage en juin 2012 avec le français WFS, Worldwide flight service.

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