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Tribune

Taxe carbone et inégalités


C’est un président de la République. Il prononce un discours. Date : 10 septembre 2009. Lieu : Artemare, dans l’Ain. Voici : « Je ne comprends pas comment on peut avoir signé le pacte de Nicolas Hulot, au printemps de 2007, et aujourd’hui renier sa parole et ne pas faire ce que l’on a dit que l’on ferait. Je l’ai signé. Je le fais. C’est une question d’honnêteté. Si l’on ne le fait pas, on n’est pas honnête. La démocratie républicaine et parlementaire ne peut pas continuer à fonctionner avec des gens qui ne respectent pas la signature qu’ils ont donnée. »

La taxe carbone est un des deux grands engagements pris par le président dans le fameux pacte et cités dans son discours. Six mois plus tard, il renvoie aux calendes grecques, ou plutôt européennes, ladite taxe. Le président de la République ne respecte pas sa signature.

La démocratie peut-elle continuer à fonctionner avec « des gens qui ne respectent pas la signature qu’ils ont donnée » ? On ne sait. Mais il y a bien, dans cet écart devant l’obstacle, dans ces petites manoeuvres après tant de grands mots, un problème de démocratie, c’est-à-dire de fiabilité de la parole dans l’espace de la délibération collective.

Indépendamment de ce que l’épisode révèle du caractère de M. Sarkozy, l’abandon de la taxe carbone est la conséquence logique d’une contradiction fondamentale : on ne peut pas mettre en oeuvre une fiscalité environnementale quand la fiscalité générale des revenus est inégalitaire.

Certes, il est d’utilité publique de renchérir par l’impôt le coût de l’énergie, afin d’en réduire la consommation. Le produit doit en être redistribué par des mesures d’accompagnement environnemental, afin d’aider à la transformation des habitudes de vie et de façon que la charge soit nulle pour les classes les plus pauvres. Mais cette redistribution ne peut pas compenser totalement l’effort fourni par les classes moyennes.

Dès lors, cet effort ne sera admis et compris que si les citoyens ont le sentiment qu’il est partagé par l’ensemble de la société, et en particulier par les classes dirigeantes. Or celles-ci s’attribuent une part exagérée du revenu collectif. Cela constitue une situation d’autant plus insupportable que les difficultés entraînées par l’affaissement du système capitaliste s’accroissent pour tous sauf pour elles.

Faute de vouloir mettre en cause la position anormale des classes privilégiées, le gouvernement ne pouvait qu’attirer l’hostilité des populations à l’égard de la nouvelle taxe. Le principe est simple : il n’est pas possible de mener de politique écologique dans l’injustice sociale.

C’est une leçon à retenir pour la gauche et les écologistes, qui aspirent à reprendre les rênes d’une République mal-en-point. Dont une version positive s’énoncerait ainsi : l’impératif écologique doit être le moteur d’une politique sociale renouvelée.

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Référence :

-  La vidéo du discours de M. Sarkozy à Artemare le 10 septembre 2009 : http://www.liberation.fr/politiques...


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