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Tribune

Un milliard cash pour un milliard d’affamés !


APPEL A DISTRIBUER UN MILLIARD DE DOLLARS CASH AUX AFFAMES DU MONDE CHAQUE JOUR PENDANT UNE GENERATION

Vingt-cinq mille à trente mille personnes meurent chaque jour de faim et d’autres causes connexes (eau, carences, etc.). Un milliard d’humains vivent dans la pauvreté extrême, l’angoisse du lendemain, affamés, « au dessous du seuil de un dollar par jour ».

Le premier des « Objectifs de développement du millénaire » – l’objectif de référence que nous nous sommes fixés collectivement à l’ONU à travers nos gouvernements - est de réduire de moitié d’ici à 2015 le nombre de ceux qui vivent dans la faim et la pauvreté extrême. Au train où vont les choses, avec la crise économique et financière (qui se répercute dramatiquement au Sud, réduit les envois d’argent par les émigrés, mine la viabilité des économies les plus vulnérables et fait baisser les investissements, etc.) et la crise alimentaire de 2008 (émeutes de la faim dans quarante pays, hausse durable des prix des denrées alimentaires), cet objectif ne sera jamais atteint.

Ce que l’on propose ici, c’est que soit multiplié par deux le revenu monétaire du milliard des plus pauvres de la planète. Que cet argent leur soit distribué cash, directement : remis aux bénéficiaires à fréquence fixe (par mois ou par trimestre ou par an), sur la longue durée (trente ans), et en priorité, nominalement, aux femmes et aux familles mono-parentales.

Il y a pour cela des moyens simples, c’est une affaire de volonté politique et d’organisation. Il faut une table et une chaise, un ordinateur portable, une liste de noms, un sac de billets de banque. Une distribution qui fasse appel aux grandes ONG qui ont du savoir-faire en la matière (CARE, OXFAM, Concern, etc.) et aux expériences gouvernementales qui ont fait leurs preuves (Afrique australe, Amérique latine, Bangladesh, Indonésie, Inde, etc.)

Les bienfaits de tels programmes ont déjà été étudiés. Les transferts sociaux cash sortent du gouffre ceux qui s’y trouvent, et « boostent » les économies locales et les marchés locaux, avec des effets multiplicateurs importants (sur la croissance, la cohésion sociale, la sécurité des Etats, le développement du capital humain, la résistance et la résilience aux chocs aussi bien au niveau des ménages qu’à celui des économies nationales, les marchés locaux du travail, la gestion des risques et l’augmentation des investissements , etc.), et créent un terrain propice au décollage de l’efficacité des autres programmes d’aide au développement.
Une telle initiative garantirait que les nouvelles ressources financières débloquées arrivent effectivement et directement aux populations ciblées.

Une bonne organisation peut permettre que soient contrôlées les fuites et la corruption, et ceci plus facilement que dans les dispositifs classiques de l’aide.
Dans nos pays développés, nous avons les moyens de faire en sorte que les transferts Nord-Sud au titre de l’ « aide publique au développement » soient fixés à 2% ou plus de notre produit intérieur brut. Ces transferts représentent actuellement 0,5% de notre PIB (pays de l’OCDE), soit 100 milliards de dollars par an....

Nous pouvons multiplier ce chiffre par quatre, le porter à 400 milliards par an. En dépit de la crise économique, nous avons les ressources financières pour le faire. C’est une affaire de volonté citoyenne et de volonté politique, une question d’opinion publique, de pression sur les gouvernements, de décision de nos gouvernants et de résolution du G8. Une question de cohérence politique.

Ceci en est un appel à ce que le scénario ci-dessus soit pris en considération et débattu par les instances de la FAO, puis par celles du G8, de l’OCDE, du G20 et de l’Assemblée générale de l’ONU.

Les arguments contre ? La plupart ne tiennent pas la route.

Le premier : « C’est trop cher »… Macroéconomiquement, c’est supportable, quoique important. La difficulté relève de l’économie politique : comment faire payer le contribuable ? Il faudra d’abord satisfaire aux urgences domestiques – les SDF, les sans-emplois, les victimes de la crise et des délocalisations, etc., ce qui n’est en rien incompatible avec l’action proposée.

Regardons d’un peu plus près maintenant la question coûts/bénéfices.

L’addition des coûts financiers, sociaux, politiques, moraux et même environnementaux d’une continuation du scénario actuel pourrait être beaucoup plus salée que le coût de l’opération proposée : crises alimentaires, émeutes de la faim et conflits, réfugiés, instabilités et troubles sociopolitiques, plans d’urgence internationaux et nationaux, épidémies et coûts de santé structurellement durables, émigration chaotique, urbanisation sauvage, criminalité et « assainissement » des bidonvilles, pertes de capital humain par maladies, par décès, et par défaut de bonnes conditions de scolarisation, pertes considérables de productivité du travail, dégradation de l’environnement du fait de la pression sur les ressources naturelles exercée comme ultime recours de survie - déforestation, épuisement des sols et des ressources en eau.

Et quid du droit humain à l’alimentation qui est nié à un sixième de l’humanité, quid du droit à la vie qui est bafoué dans une sorte d’étouffement collectif permanent : un mort de faim par seconde, nous y sommes, quel est le coût, quel est le prix de cela ?

Le second argument : « Les effets pervers de l’aide »

Parmi ceux-ci, citons au plan économique la réduction de la compétitivité des secteurs productifs et de la capacité à exporter, et désincitation des populations locales (et entre autres celle des agriculteurs). Citons encore les détournements institutionnels majeurs et la corruption (l’argent n’arrive pas aux bénéficiaires), la dépendance des bénéficiaires, le soutien à des régimes politiques iniques, et enfin la transformation de formes de pauvreté dignes, solidaires et conviviales en misère crasse.

Mais observons et rétorquons : premièrement, que les critiques d’inefficacité économique visent avant tout les formes conventionnelles de l’aide mise en place au cours des cinquante dernières années (y compris l’aide alimentaire en nature), et non pas les transferts sociaux cash massifs dont il est question ici, et pour lesquels les expériences de ces dernières années montrent qu’il y a tout a parier qu’ils auront des effets économiques (macro et macro) particulièrement positifs ; ce n’est pas une désincitation des acteurs, mais au contraire une stimulation à l’initiative, à l’investissement et à la recherche d’emploi qui est observée, suivie d’effets multiplicateurs sur la productivité.

Deuxièmement, ces expériences montrent que l’usage de registres nominaux centraux uniques (des bénéficiaires) et les possibilités de recours en cas de défauts de paiement permettent de limiter la fraude et la corruption, laquelle trouve dans les autres formes d’aide un terrain beaucoup plus propice et opaque.

Troisièmement, la « dépendance » est une notion discutable.
Répondons qu’un transfert ancré dans le Droit remplace l’idée de dépendance par celle d’une garantie fiable, et que cette assurance elle est fondatrice d’autonomie.

Deux critiques restent pertinentes :
-  a) la paix sociale facilite la tâche des gouvernants dictatoriaux et cyniques (dont acte, mais est-ce une raison pour la non-ingérence humanitaire, qui dessert les indigents ?) ;

-  b) il y a risque de dégradation de la pauvreté et de déstructuration des tissus sociaux (il faudra contourner ce risque par des approches judicieuses, avec respect et méthode, en impliquant pleinement les collectivités locales). Ces dernières critiques n’invalident pas la proposition dans son ensemble : elles indiquent un problème politique qu’il faudra aborder par d’autres voies (les « régimes »), et un problème de méthode (le ciblage, la définition de critères et la gestion locale de l’outil).

Le troisième argument : « Il y a eu des échecs avec les filets de sécurité sociaux… ». Diverses modalités de filets sociaux existent et restent pertinentes (déjeuners scolaires, alimentation contre travail, distribution d’aliments et aides en nature, etc.), et certaines (l’aide alimentaire en nature en particulier) ont pu avoir des effets pervers décriés, mais les transferts sociaux cash dont il s’agit ici sont devenus techniquement plus simples, moins coûteux, moins risqués et plus réalisables que jamais . Leur principal problème, c’est la colossale insuffisance des moyens qui leur sont consacrés.
Il faut une rupture, un saut drastique dans notre vision des choses, un changement d’échelle. Où est le réalisme, où, la realpolitik ? Dans le status quo, ou dans la décision de transférer cash 365 milliards de dollars par an, qui ne seront pas une panacée, mais simplement un investissement intelligent et substantiel, une base décente pour faire un peu de place à l’espoir et un tremplin pour permettre aux effets positifs de certaines autres formes d’assistance d’émerger, peut-être, enfin, et durablement ?

IL EST TEMPS QUUN TEL SCENARIO SOIT SERIEUSEMENT ENVISAGE
POUR NE PAS AVOIR A DIRE : « ON SAVAIT ET POURTANT ON N’A RIEN FAIT ».

HALTE A LA NON-ASSISTANCE A UN MILLIARD DE PERSONNES EN DANGER !


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