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Un trésor aquatique dans le sous-sol du Niger


BOULAKOURATÉGUI (Niger) ENVOYÉ SPÉCIAL

La mare, paisible, surprend dans l’environnement aride du Niger : l’eau est limpide, la végétation et les manguiers abondent, les chèvres et les vaches viennent boire à satiété - ainsi que les girafes, tôt le matin, paraît-il. « On l’appelle ’la mare où l’on plonge’, parce que les enfants s’y baignent souvent », dit Issifou Moumouni, un paysan de Boulakouratégui. Ici, l’eau ne manque jamais.

Ce petit lac, situé à 70 kilomètres de la capitale du Niger, est l’illustration d’un phénomène que les hydrologues ont baptisé « le paradoxe de Niamey ». Alors que les précipitations dans le Sahel ont baissé de 25 % entre 1968 et 1995 et que le débit du fleuve Niger a connu une diminution moyenne encore plus importante, le niveau de la nappe phréatique située sur sa rive gauche, de Niamey à Tahoua, ne cesse de monter : « Le mouvement s’accélère, constate Luc Descroix, de l’Institut de recherche pour le développement (IRD). La nappe, appelée Continental Terminal 3, gagnait 1 à 2 cm par an avant 1980, 5 cm par an dans la décennie suivante, 10 cm dans les années 1990, et on en est maintenant à 20 cm par an. »

Comment ce paradoxe de Niamey, mis en évidence par un autre chercheur de l’IRD, Christian Leduc, s’explique-t-il ? Par le changement du mode d’occupation des sols depuis un demi-siècle, sous l’effet de la croissance démographique, le Niger a vu sa population quadrupler depuis 1950. Ainsi la brousse a-t-elle progressivement été remplacée par l’agriculture et la jachère.

Or celles-ci retiennent beaucoup moins l’eau - qui tombe à verse pendant la saison des pluies - que la brousse. Au lieu de s’infiltrer, l’eau ruisselle donc en suivant la pente. Comme la région est constituée d’une multitude de petits bassins versants autour de mares, l’eau de ruissellement alimente celles-ci et s’infiltre dans la nappe phréatique sous-jacente.

Ainsi, écrit Christian Leduc, « l’influence positive - bien qu’involontaire - de l’homme sur la recharge de la nappe phréatique a largement permis de contrebalancer près de Niamey la chute de la pluviométrie observée depuis vingt-cinq ans au Sahel ». Le Continental Terminal couvre une région d’environ 200 000 km2, où l’agriculture dispose donc d’une ressource en eau importante : « La nappe n’est pas exploitée, dit Luc Descroix. Or elle recèle de l’ordre d’un milliard de mètres cubes, mille fois plus que ce qui en est tiré chaque année. »

L’irrigation pourrait donc être développée, permettant d’accroître la production agricole, un enjeu crucial pour un des pays les plus pauvres de la planète. Le Niger dispose dans son sous-sol d’un atout important pour l’avenir.


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