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Une fuite à la centrale de Penly - qui a attendu une réparation pendant des semaines...

Avec des photos exclusives et rares.


Décidément, les fuites dans les centrales nucléaires ne sont pas aussi rares que la doctrine de la sûreté nous l’avait jusqu’ici enseigné. A la suite de nos révélations sur des incidents en série à la centrale de Paluel, Mediapart a reçu des photos d’une autre fuite, vieille d’un an et réparée celle-là, chez sa voisine, la centrale de Penly : on y voit la tuyauterie du circuit primaire du réacteur n°2 de cette centrale crachant des jets de vapeur d’eau.

Ces images sont inhabituelles. Les installations nucléaires françaises ne sont pas avares en clichés d’elles-mêmes – il suffit pour s’en rendre compte de se reporter à leurs sites internet, par exemple celui de Penly ici. Mais elles s’y montrent sous un tout autre visage : celui de cathédrales contemporaines, dotées de cheminées triomphantes rappelant les tours de nos châteaux forts les plus majestueux, bâties selon de grandes lignes géométriques impeccables et équipées de piscines au bleu scintillant.

Les photos que nous publions aujourd’hui ont été prises par des agents lors d’une de leurs interventions. Elles documentent la fuite du robinet d’une vanne du circuit primaire.

Nous sommes ici au cœur de la centrale nucléaire : le circuit primaire est un circuit fermé – en théorie parfaitement étanche – qui contient de l’eau sous pression. Ce liquide s’échauffe dans la cuve du réacteur au contact du combustible, et, par l’intermédiaire des générateurs de vapeur, cède sa chaleur à l’eau du circuit secondaire dont la vapeur fait tourner la turbine qui produit l’électricité. Sur nos photos, le circuit primaire est soumis à une très forte pression, environ 155 bars, et à une chaleur intense, entre 200 et 300°.

Ces images offrent une rare occasion de jeter un œil à l’intérieur de l’enceinte de confinement du réacteur d’une centrale nucléaire. On y découvre ses tuyaux soumis à rude épreuve par la très forte température. La mousse blanche autour de la vanne est du bore, qui sert à contrôler la réactivité du réacteur. Des chaînes, des grillages et des boulons : c’est aussi une scène d’usine à l’ancienne.

« Comme devoir revenir chez le garagiste après la révision de sa voiture »

C’est à la toute fin du mois de décembre 2009 que des travailleurs de la centrale de Penly se sont rendu compte de l’existence de cette fuite. Elle ressemble à celle qui est toujours en cours sur la tranche n°3 de la centrale de Paluel, à la notable différence qu’à Paluel, elle se double de la présence de gaines de combustibles défectueuses. A Penly, le débit de la fuite était compris entre 60 et 80 litres par heure, précise aujourd’hui Simon Huffeteau, chef de la division régionale de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN) à Caen. C’est moins que la fuite du circuit primaire du réacteur n°3 de Paluel, estimée à environ 100 litres par heure par l’ASN. Doté de deux réacteurs de 1300 MW, le site de Penly est deux fois moins puissant que celui de Paluel. Il fut mis en service au début des années 1990.

La fuite de décembre 2009 à Penly fut réparée en janvier 2010. Elle fut signalée à l’ASN, qui dans ses échanges avec la centrale de Penly fait référence à plusieurs reprises à une autre fuite sur le circuit primaire, cette fois-ci sur le réacteur n°1 du site. La fuite primaire « n’a pas conduit à des rejets dans l’environnement », précise Simon Huffeteau.

L’autre point de comparaison entre le problème de circuit primaire à Penly et Paluel, c’est le délai entre la découverte de la fuite et sa réparation. Le syndicat Sud Energie s’en était alors inquiété. « Au départ, la direction de la centrale nous a dit que cela ne serait pas raisonnable de laisser le réacteur fuir plus d’une semaine », rapporte un militant de Sud Energie. Mais il a finalement fallu attendre la fin du mois de janvier pour qu’elle soit réparée.

Dans un tract de janvier 2010, le syndicat, très minoritaire dans les centrales nucléaires, interroge : « Faut-il plusieurs semaines pour constituer une équipe d’intervenants, préparer l’intervention et la réaliser ? Un tel délai de réparation est-il acceptable ? » La tranche venait tout juste d’être remise en marche après un arrêt. Dans le journal Les Informations dieppoises, le responsable de la communication de Penly explique alors : « Lorsque l’on remet la centrale en route à l’issue d’un arrêt de tranche après l’arrêt de l’unité de production, on procède à des examens complets. » Mais « c’est un peu comme si après avoir fait réviser votre voiture chez le garagiste on trouvait ça normal de la lui rapporter pour la faire de nouveau réparer », réagit un militant syndical.

Sur l’état général de la centrale de Penly, l’ASN concluait, fin 2010, qu’elle n’y décelait pas « de difficulté particulière », mais que « le domaine de la surveillance des équipements sous pression a fait l’objet d’une attention particulière ».


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