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À Orléans, le modèle agricole productiviste se prétend l’avenir

Sous le nom Open agrifood, les tenants de l’agriculture productiviste ont investi Orléans les 20 et 21 novembre. L’enjeu : promouvoir une agriculture orientée par l’obsession de l’exportation.


-  Orléans, reportage

Fauteuils verts lumineux, déco en sculptures de vaches, musique d’entrée des intervenants et animateur à l’enthousiasme débordant, digne d’un concours de Miss Camping 2014. Vous n’êtes pas devant un meeting électoral américain mais à l’Open Agrifood Orléans, forum international dont l’ambition n’est rien moins que de définir le modèle agricole de demain dans une troisième révolution agricole et alimentaire.

Encadrés par deux séances plénières, les deux jours proposent soixante ateliers, colloques et déjeuners pour aborder ce qui se veut l’intégralité des problématiques de notre modèle agricole actuel. Le tout dans une volonté proclamée d’ouverture à l’ensemble des acteurs de la filière, du champ à l’assiette.

L’écologie, c’est bien quand c’est loin

À l’initiative de ce grand raout rassemblant près de mille participants : Xavier Beulin, président de la FNSEA (Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles), et de Sofiproteol, leader français sur les huiles végétales et les agrocarburants. À ses côtés, Emmanuel Vasseneix, PDG de la Laiterie Saint-Denis de l’Hotel, groupe spécialisé dans le conditionnement de liquides alimentaires et société majeure de l’agglomération orléanaise.

Dans son discours introductif, Xavier Beulin pose le contexte d’une agriculture française dans sa diversité, qui doit participer au défi que représentent neuf milliards d’humains à nourrir en 2050 dans un contexte de changement climatique. Pour ce faire, il faut « que tous les maillons de la chaîne alimentaire s’en sentent responsables ».

C’est sur ce point que renchérit Philippe Vasseur, ancien ministre de l’agriculture, président du World Forum de Lille pour l’Economie Responsable, et à ce titre président du "comité d’éthique" de l’Open agrifood Orléans. Rappelant que 850 millions de personnes souffrent de sous-alimentation, il souligne la nécessité d’accepter la diversité des modèles, déplorant la tendance « à s’affronter plutôt que de se confronter ».

Suivent alors six présentations, à tous les échelons de la filière, du producteur au consommateur. Loin d’un modèle productiviste, ces témoignages font la part belle à l’agriculture familiale et biologique. C’est notamment le cas de Duck Rice, exploitation pionnière du riz biologique au japon. Takao Furuno, son fondateur, propose un modèle innovant qui utilise l’élevage des canards comme désherbant, fertilisant et contrôleur des ravageurs dans la culture en rizière. Très joli : mais les expériences présentées sont exotiques, et ne concernent pas la France. Comme si l’agriculture paysanne ne pouvait être possible que loin, très loin d’ici.

L’obsession : exporter

Car loin de cette image champêtre, c’est une agriculture française tournée vers l’export que promeut le plan Agrifood 2030, ensemble de propositions autour duquel s’articule l’Open agrifood. Ce plan vise à redonner aux filières agricoles en déclin un niveau d’activité au minimum égal à celui de l’année 2000. Piloté par le cabinet de conseil BeCitizen-Greenflex, il dresse l’état des lieux de sept filières agroalimentaires majeures, fait leur panorama rétroactif sur la décennie passée et envisage leur évolution pour les quinze années à venir.

Elaboré suite à une enquête auprès des directeurs généraux d’une quarantaine d’entreprises clés, le plan identifie les causes de ce déclin et propose huit axes d’action. Trois d’entre eux, retenus suite au vote des participants à la plénière de clôture de l’Open agrifood, seront remontés aux partenaires de l’enquête et à l’ensemble de la filière, pour application. Cette recherche de validation, Xavier Beulin la présente comme la « montée en puissance du citoyen comme acteur de sa consommation ». Mais au-delà de cette consultation, l’objectif évoqué par Emmanuel Vasseneix est d’influencer la future loi d’orientation agricole. D’où l’ambition affichée dès la séance plénière d’inclure l’ensemble des parties prenantes de la filière.

Un grand coup de "peinture verte" sur l’agriculture productiviste

Mais la mise en scène du consensus a tourné court : à la sortie de la séance plénière, plusieurs centaines de contestataires ont signifié qu’une autre vision de l’agriculture est possible. France Nature Environnement et la Confédération Paysanne en tête, une vingtaine d’organisations ont mené une procession funéraire pour enterrer l’agriculture locale.

Invités par un courrier tardif, le 13 novembre, à participer au forum comme représentants de la société civile, la Confédération paysanne s’insurge contre ce qu’elle considère comme un « déni de démocratie en agriculture » envers des acteurs qui ont toute légitimité à s’exprimer sur l’agriculture de demain.

Son porte-parole, Laurent Pinatel, reconnaît cependant qu’ils auraient sans doute refusé de cautionner par leur participation ce qu’il appelle « un grand coup de peinture verte ». Mais certains semblent ne plus trop savoir où ils sont, comme le mouvement Slow Food à la fois à l’intérieur du forum, en conclusion de la plénière d’ouverture, et à l’extérieur, parmi les manifestants.


UN FORUM SUR L’AGRICULTURE... SANS AGRICULTEURS

Près de 300 personnes sur 900 ont accepté de rendre publique leur présence en conférence plénière. On comptait parmi eux : 15 particuliers, 20 agriculteurs dont 17 producteurs et 3 éleveurs, 14 membres de banques, de très nombreuses collectivités et institutions, et une majorité de personnes venues des entreprises de transformation et distribution.

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