Accord sur le climat à Cancun
Echec à Copenhague, surprise à Cancun : la conférence des Nations unies sur le climat a adopté une décision ouvrant la voie à un traité sur le climat en 2011
AFP - Copenhague s’était achevé dans la tristesse et les invectives, Cancun s’est achevé samedi 11 décembre dans les rires et des applaudissements : les grand-messe internationale sur le réchauffement climatique se suivent et ne se ressemblent pas.
Vendredi fin d’après-midi dans l’hôtel Moon Palace de la gigantesque station balnéaire : la ministre mexicaine des Affaires étrangères, Patricia Espinosa, qui vient de présenter un texte de compromis, reçoit une ébouriffante ovation debout. A l’issue d’une brève interruption de séance, la plénière reprend sous les mêmes applaudissements nourris.
Des larmes aux yeux, épuisée mais rayonnante, la ministre reste de longues minutes debout, les mains croisées sur le coeur, remerciant les délégués.
Contraste saisissant avec l’ultime séance plénière dans la capitale danoise, un an plus tôt : impuissant, les yeux rougis de fatigue, le Premier ministre danois Lars Loekke Rasmussen qui présidait les débats en est réduit, de sa tribune, à passer le micro pour une litanie d’invectives.
A Cancun, prenant la parole un à un pour appuyer le texte, les délégués saluent l’honnêteté, la finesse, l’esprit d’ouverture et de transparence de la présidente mexicaine de la conférence. Plusieurs délégués concluent leurs interventions d’un "Gracias Patricia".
Le texte n’est pas parfait, bien sûr, reconnaît un autre délégué. "Mais s’il l’était, nous ne serions pas humains et vivrions probablement en un lieu céleste à le changement climatique n’existe pas". Rires dans l’assistance. "Merci de nous avoir redonné le moral et nous avoir fait sortir de la dépression de Copenhague", lance la délégué zambienne.
Lorsque le négociateur Pablo Solon, seul à s’opposer au texte, reprend la parole, un murmure de mécontentement parcours l’assistance comme si elle redoutait de voir cet accord au goût de "renaissance" lui échapper.
Prenant le micro à son tour, le ministre indien de l’Environnement Jairam Ramesh, figure charismatique des négociations, se lance, avec un plaisir évident, dans une évocation historique. "Le grand révolutionnaire mexicain Porfirio Diaz a dit que le grand défi du Mexique est qu’il est très proche de son voisin du Nord mais très loin de Dieu", raconte-t-il. "Mais ce soir, Dieu était très proche du Mexique. Et, si je puis me permettre, puisque je viens d’un pays qui compte plus de déesses que de dieux, non seulement Dieu était présent, mais une déesse était aussi parmi nous", en regardant la ministre mexicaine.
Et Ramesh d’appeler la présidente de la conférence à se laisser emporter par l’enthousiasme et à prononcer l’adoption du texte sur le champ.
"Jamais dans ma vie je n’avais vu deux ovations debout avant même que le spectacle n’ait commencé (...) Il y a des occasions dans la vie où l’humeur des lieux doit l’emporter sur la procédure...".
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Les points essentiels de la décision de Cancun :
- Le texte indique qu’il faut limiter la hausse de la température globale à 2° par rapport aux niveaux pré-industriels. C’est la première fois que cette valeur de limitation du réchauffement planétaire à 2°C par rapport à l’époque pré-industrielle est inscrit dans une décision de conférence de l’ONU.
- Pour atteindre les objectifs préconisés par la science, les pays industrialisés doivent réduire leurs émissions de 25 à 40% d’ici à 2020, par rapport à 1990.
- Le texte prévoit de revoir « périodiquement » les objectifs à long terme (limite de 2°C) en fonction : des connaissances scientifiques, notamment des rapports du Groupe intergouvernemental d’experts de l’ONU sur l’évolution du climat (Giec) ; de l’observation des impacts du changement climatique et de la possibilité de renforcer cet objectif à 1,5°C. La première révision démarrera en 2013 et devra être achevée en 2015
- Protocole de Kyoto : Les travaux doivent se poursuivre pour « s’assurer qu’il n’y aura pas de délai entre la première période d’engagement » qui s’achève fin 2012, et la deuxième. Le texte ne dit néanmoins pas clairement qu’il y aura une prolongation après 2012.
- Les pays en développement, « en fonction de leurs capacités », soumettront des rapports tous les deux ans avec leurs inventaires de gaz à effet de serre, et des informations sur les actions entreprises pour les réduire. Ces rapports seront soumis à une analyse par des experts indépendants, de façon « non intrusive, non punitive, et dans le respect de la souveraineté nationale ». Pas majeur : les grands émergents acceptent d’entrer dans un processus mutuel de contrôle des actions de réduction de chacun.
- Création d’un Fonds vert climat pour « soutenir des projets, programmes, politiques des pays en développement ». Les pays développés ont promis à Copenhague (1) de mobiliser 100 milliards de dollars par an de 2012 à 2020, mais l’origine de ces fonds n’a pas encore été identifiée. Le Conseil d’administration du Fonds comptera 24 membres, douze désignés par les pays développés, douze par les pays en développement.
- Création d’un Centre de technologie pour le climat (ensemble d’experts chargés de faire des propositions) et d’un réseau (qui sera au plus près des projets sur le terrain) pour développer le savoir-faire sur les nouvelles technologies vertes dans les pays du Sud afin de réduire les émissions de GES et s’adapter aux impacts inévitables du changement climatique.
- Déforestation : Le texte pose l’objectif de « ralentir, arrêter et inverser la perte du couvert forestier », à l’origine d’environ de 15% à 20% des émissions globales de GES. Il prévoit « la participation » des parties impliquées dans la gestion de la forêt, dont les populations autochtones, mais les mécanismes de contrôle sont plutôt faibles. La possibilité d’utiliser le marché du carbone pour financer ce coûteux mécanisme n’apparaît pas dans le texte - une concession obtenue par la Bolivie.
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Note :
(1) Texte de l’accord de Copenhague : page 4 et suivantes de ce document : http://unfccc.int/resource/docs/200...