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Au Québec, l’opposition contre un projet d’oléoduc pour les sables bitumineux se renforce


Alors que le gouvernement de Pauline Marois [premier ministre du Québec] manifeste une ouverture certaine aux projets de transport de pétrole albertain par oléoduc au Québec, une pétition exigeant le rejet des deux projets en développement vient d’être lancée sur le site de l’Assemblée nationale.

La pétition, parrainée par le député du parti Québec Solidaire, Amir Khadir, a été mise en ligne mercredi 18 septembre. Jeudi, en fin d’après-midi, 1200 personnes l’avaient signée.

Les signataires demandent au gouvernement du Québec de « s’opposer à tout nouveau projet d’oléoduc (construction, inversion, conversion) qui ferait transiter au Québec du pétrole des sables bitumineux ». Ils réclament du même souffle l’élaboration d’« un véritable projet de société ayant comme buts de réduire drastiquement notre dépendance aux hydrocarbures et promouvoir notre transition vers les énergies vertes ».

Dans le libellé de la pétition, les instigateurs affirment en outre que le pétrole extrait des sables bitumineux en Alberta « est un des modes de production émettant le plus de gaz à effet de serre au monde » et que la croissance de la production canadienne « retarde une transition vers les énergies vertes ». Or, une telle avenue serait selon eux susceptible de générer des bénéfices plus importants que l’arrivée de centaines de milliers de barils de pétrole brut chaque jour au Québec par pipelines.

Ils rappellent aussi que la Colombie-Britannique s’oppose pour le moment au projet d’oléoduc Northern Gateway, piloté par l’entreprise Enbridge, en raison des risques environnementaux. C’est cette entreprise qui souhaite inverser le flux de pétrole dans la ligne 9B — construite en 1975 — et en augmenter la capacité, de façon à acheminer quotidiennement 300 000 barils à Montréal. Enbridge espère pouvoir réaliser son projet d’ici la fin de 2014

Le gouvernement américain hésite pour sa part à approuver le projet Keystone XL, qui doit permettre de relier l’Alberta aux raffineries du Texas. Ce projet est développé par TransCanada, qui entend aussi construire un nouveau pipeline de plus de 1400 kilomètres pour relier le Sud ontarien à la raffinerie de Saint-Jean, au Nouveau-Brunswick. La vaste majorité de l’infrastructure à construire se trouve en sol québécois. La multinationale souhaite lui donner une capacité quotidienne de 1,1 million de barils.

Ouverture de Québec

Le gouvernement Marois ne partage absolument pas la vision des projets d’oléoducs exprimée par les signataires de la pétition. En entrevue récemment au magazine L’Actualité, la ministre des Ressources naturelles, Martine Ouellet, a insisté de nouveau sur les bénéfices économiques attendus. « Dans le cas du projet d’Enbridge, c’est clair qu’il y a un avantage économique pour les deux raffineurs du Québec, Suncor et Ultramar, qui ont beaucoup d’employés. On veut conserver le raffinage du pétrole au Québec, c’est un avantage. C’est aussi important pour l’industrie pétrochimique de Montréal, qui s’approvisionne auprès des raffineurs. »

Selon la ministre, il est possible d’aller de l’avant avec le projet d’Enbridge, mais aussi l’exploitation pétrolière au Québec, tout en respectant les objectifs de réduction de notre dépendance aux hydrocarbures fixés par le Parti québécois. D’ici 2020, Québec espère diminuer de 30 % notre consommation de pétrole et de gaz.

Le ministre de l’Environnement, Yves-François Blanchet, a pour sa part confirmé que le projet d’Enbridge ne sera pas assujetti au Bureau d’audiences publiques sur l’environnement. « Par contre, dans le cas de TransCanada, il pourrait l’être, puisqu’il y a une portion importante de nouvelles infrastructures », a-t-il précisé à L’Actualité.

Le président et chef de la direction d’Enbridge, Al Monaco, a salué la semaine dernière le préjugé favorable affiché par le gouvernement Marois face à l’arrivée par pipeline de pétrole albertain au Québec.

Un ancien haut dirigeant de la NASA, membre du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, James Hansen, estime pour sa part que l’exploitation des sables bitumineux pose un risque réel pour la planète. « Si le Canada va de l’avant, et si nous laissons faire, ce sera la fin pour le climat actuel », a-t-il affirmé l’an dernier en pressant le président Obama à rejeter le projet Keystone XL. Selon les données de l’Office national de l’énergie, la production pétrolière canadienne doit atteindre six millions de barils par jour d’ici 20 ans. Pas moins de 85 % de ce pétrole sera tiré des sables bitumineux.

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