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Buen vivir

Le buen vivir – Pour imaginer d’autres mondes, Alberto Acosta


Apporter du grain à moudre au débat et suggérer quelques pistes d’action, telle est l’ambition de la contribution d’Alberto Acostar. En prenant appui sur les mobilisations et les soulèvements populaires, et en particulier des « peuples indigènes » en Équateur et en Bolivie, l’auteur discute d’alternatives possibles à l’ordre/désordre du monde. Comment construire collectivement une autre façon de vivre ?

L’auteur insiste, entre autres, sur le plurinational et l’interculturel, les formes actives d’organisation sociale, les discours contre-hégémoniques, les nouveaux imaginaires collectifs, l’autosuffisance, l’autogestion, la recherche de solutions mondiales urgentes…

Il critique la divinisation de l’activité économique, le modèle de la société nord-américaine, les politiques de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, les réformes néolibérales, le modèle d’accumulation extractiviste, la consommation à outrance.

Il analyse aussi les limites de la croissance, sa non-soutenabilité, en regard de l’environnement, le spectre du progrès, la domination des marchés, le racisme systémique, le mépris envers les pratiques et les cultures « indigènes »

Alberto Acostar détaille le Buen Vivir comme alternative au développement, les relations à la « Nature », la nécessaire démarchandisation des éléments de l’environnement…

Il souligne la responsabilité asymétrique dans les dommages causés et donc dans le paiement de la dette écologique

L’auteur indique « La constitution équatorienne de 2008, en reconnaissant les Droits de la Nature, c’est-à-dire en comprenant la Nature comme sujet de droit et en lui accordant le droit d’être intégralement restaurée après destruction, a établi un point de repère dans l’humanité. Tout aussi importante est l’incorporation de l’expression Pacha Mama, considérée comme synonyme de Nature, car elle marque la reconnaissance du plurinational et du multiculturel ».

Je ne suis pas sûr que le vocabulaire choisi soit le plus adéquat même si l’auteur souligne très justement la destruction des conditions biophysiques d’existence par le capitalisme.

Contre les visions anhistoriques, Alberto Acosta ajoute que « Il a fallu au cours de l’histoire faire reconnaître le droit d’avoir des droits, ce qui a toujours nécessité un effort politique afin de faire changer les opinions, les coutumes et les lois qui niaient ces droits ».

J’ai notamment apprécié les passages contre la marchandisation de l’eau, sur la souveraineté alimentaire et énergétique, l’approche transversale des Droits Humains sous l’angle écologique, l’initiative Yasuni-ITT. Sur ce dernier sujet un encart ajouté d’Alberto Acosta critique, à juste titre, les choix de Rafael Correa sur l’exploitation du pétrole et l’enterrement de cette initiative.

A noter que si l’auteur n’oublie pas le patriarcat, « il faut bien admettre que patriarcat et machisme sont profondément enracinés dans nombre des cultures indigènes », aucune piste de réflexion sur ce sujet n’est proposée.

De nombreux points me semble discutables, dont la valorisation unilatérale de certains pratiques, les rapports à l’État, la relativisation des rapports sociaux de classe et de sexe, une certaine essentialisation de la famille ou de la nature (même si l’auteur parle de construction sociale), l’absence de propositions « institutionnelles » pour rendre inclusive la démocratie. On pourra aussi discuter des notions de nation ou de culture peu historicisées ou celle de biocentrisme…

Une contribution intéressante aux nécessaires débats pour sortir du mode de production capitaliste, de l’extrativisme et du productivisme. « Le Buen Vivir est un chemin qui doit être imaginé pour être tracé ».

-  Recension par Didier Epsztajn


Le buen vivir – Pour imaginer d’autres mondes, Alberto Acosta, Traduit de l’espagnol par Marion Barailles, Les éditions Utopia, Paris 2014, 187 pages, 12 euros

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