Canada : « J’avais peur de rester coincée dans le feu »

De terribles feux embrasent le Canada comme à Hammonds Plains, Nouvelle-Écosse, visibles sur la photo de gauche et celle du bas à droite. - Montage Reporterre @BCGovFireInfoterre @shaunlowe
De terribles feux embrasent le Canada comme à Hammonds Plains, Nouvelle-Écosse, visibles sur la photo de gauche et celle du bas à droite. - Montage Reporterre @BCGovFireInfoterre @shaunlowe
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Incendies MondeLe Canada brûle toujours mais beaucoup de personnes évacuées ont pu retrouver leurs maisons. En Nouvelle-Écosse, au Québec... Des habitants racontent ces moments d’angoisse et leur crainte de l’avenir.
Montréal, correspondance
« On est revenus il y a quelques jours. C’était énormément de stress. Le feu s’est approché à moins de deux kilomètres de chez nous. » L’incendie qui a touché Hammonds Plains, une commune appartenant à la capitale de la Nouvelle-Écosse, Halifax, a réduit en cendres 150 maisons. Après des jours d’angoisse, Mélina Martin, elle, a finalement retrouvé la sienne intacte. Elle a hébergé quelques amis moins chanceux, le temps qu’ils se remettent sur pied. Plus de 450 feux sont encore en cours au Canada — 218 sont considérés comme « hors de contrôle » — mais beaucoup d’évacués ont pu retrouver leurs maisons ces derniers jours. Dans plusieurs régions, c’était la première fois que les habitants voyaient des incendies d’aussi proche.
« Je n’aurais jamais pensé que le feu allait venir si près, poursuit Mélina, jointe au téléphone par Reporterre. On faisait un barbecue, on était treize, c’était la fête. Puis on a vu de la fumée se rapprocher. Là, j’ai dit à mon chum [mon compagnon] : “va chercher les papiers importants”. »
Hammonds Plains, entourée de lacs, est une cité dortoir tranquille pour ceux qui travaillent à Halifax. Pour sortir de son quartier, Mélina n’avait qu’une seule route possible, prise d’assaut. « Ma sœur m’a dit : “Il faut que tu partes tout de suite. La file pour fuir va être super longue.” J’avais peur de rester coincée dans le feu, dans mon auto ! » Elle a finalement réussi à trouver refuge chez sa sœur. « On a eu peur pour les aînés car le feu est arrivé tout près de la maison de retraite. Les pompiers étaient postés devant. Le vent a fini par éloigner les flammes. » À son retour, elle a retrouvé Hammonds Plains transformé. « La garderie a brûlé, ça frappe. Des arbres sont noirs, réduits en cendres. Les maisons brûlées sont entourées d’un grillage. C’est traumatisant. »

Olivier Roy, membre des Forces armées canadiennes, habite aussi Hammonds Plains. Le feu monopolise toujours les conversations. « On parle beaucoup des assurances : qui pourra reconstruire facilement ? J’ai entendu dire que ça prendrait beaucoup de temps, deux à trois ans, avec le manque de main-d’œuvre. Et en attendant, ceux qui ont perdu leur logis vont avoir du mal à en retrouver un. On a un vrai manque de logements ici. » Il n’a pas perdu sa maison, et va proposer à un ami de l’abriter. Ce printemps inédit augure un été d’enfer, craint-il. « Ici avant, ça ne brûlait pas. Mais les étés sont plus secs, plus longs. Il y a des bois partout autour. Les feux vont revenir, on ne sait juste pas quand. »
« Les feux vont revenir, on ne sait juste pas quand »
Au dépanneur F Chouinard de Sept-Îles, petite épicerie bleue et blanche située à 900 kilomètres de Montréal, Manon Bouffard est soulagée. Le feu, qui a détruit presque 40 000 hectares et qui menaçait cette ville de la Côte-Nord, sur les rives de l’immense fleuve Saint-Laurent, leur a accordé du répit la semaine dernière. Depuis le 6 juin, l’avis d’évacuation a été levé et « tout le monde est retourné chez soi », explique-t-elle. En solidarité, elle a hébergé une dame et ses enfants chez elle. « Les personnes âgées étaient stressées à fond. On les comprend. » La pression est retombée, mais la fumée n’est pas si loin. « On a senti la boucane, le feu a repris. » Elle dit ne pas être inquiète outre mesure, même si un nouveau brasier a été confirmé à 100 kilomètres de Sept-Îles. « On a confiance en nos pompiers. Mais comme ça vient de nous arriver, c’est normal d’être stressé. »
À Roberval, ville de 10 000 habitants située sur le bord du Lac Saint-Jean. Marlène Boivin, propriétaire du dépanneur du Parc, se réjouit que les habitants de Chibougamau, à trois heures de route au nord, aient pu retrouver leur logis. Ils avaient été évacués, entre mardi 6 et lundi 12. Derrière les fourneaux, elle s’est activée pour cuisiner, avec d’autres bénévoles, entre 125 et 180 repas par service, pour les accueillir au mieux dans un complexe sportif. « On attendait 1 000 personnes… On n’a pas beaucoup dormi, mais c’était agréable ! On leur faisait de la tourtière du lac Saint-Jean, des spaghettis, du pâté à la viande, on les a gâtés le plus possible avec des choses réconfortantes ! À Roberval, on est dans une zone où il y a beaucoup de bois. Si ça arrivait, je serais heureux qu’on s’occupe de moi comme on l’a fait. »