Cantonales : le Front national a recueilli moins de voix qu’en 2004, les écologistes davantage !
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L’absention, les pourcentages, c’est très bien. Mais il est parfois utile de regarder les chiffres absolus : en nombre de voix, le Front national ne progresse pas par rapport aux élections cantonales précédentes, à l’inverse des écologistes.
Difficile de décrypter les dynamiques électorales à l’issue du premier tour des élections cantonales du dimanche 20 mars : elles ne portent pas sur l’ensemble du territoire mais sur la moitié des cantons. Sans compter la confusion entretenue autour des étiquettes des candidats. Tous les sympathisants UMP n’ont ainsi pas choisi d’arborer l’intitulé de leur parti, certains lui préférant « majorité présidentielle », voire « divers droite ».
Si elle n’est que théorique, les cantonales étant des élections locales, et si elle ne correspond pas à la lecture politique, qui se fait en nombre de départements gagnés ou perdus, regarder attentivement les dynamiques nationales des partis politiques apporte cependant plusieurs éclairages.
UNE ABSTENTION RECORD
L’abstention, on le sait, est largement plus élevée en 2011 (55,68 %) qu’en 2004 (36,09 %) ou en 2008 (35,12 %). Selon les derniers chiffres nationaux donnés par le ministère dans la nuit de dimanche à lundi, on comptait, en 2011, 9 364 451 votants.
C’est moins de votants que lors de l’élection de 2004, où l’on en avait recensé 12,81 millions, mais aussi par rapport aux cantonales 2008, qui concernaient 13,8 millions de votants. Ce plus faible nombre de votants doit être pris en compte dans les dynamiques électorales.
A qui profite cette abstention ? Au vu des scores des uns et des autres, il semble bien que ce soit l’électorat de droite républicaine (UMP, majorité présidentielle, divers droite) qui soit le plus représenté parmi ceux qui ont choisi de ne pas aller voter. C’est d’ailleurs là que l’UMP place ses espoirs d’enrayer au second tour une dynamique bien mal engagée.
LE PS STAGNE
Les scores des partis, eux, sont parfois trompeurs. Prenons le cas du PS : il se flatte d’avoir réuni, en 2011, 24,94 % des bulletins, ce qui représente 2,284 millions de voix. C’est en fait un léger recul par rapport à 2004, où il totalisait 26,25 % des bulletins et surtout 3,226 millions de voix, un million de plus.
De même en 2008, où le PS faisait 26,74 %, soit 3,56 millions de voix. L’abstention explique une bonne partie de ce million de voix en moins, mais pas seulement.
Comme l’a noté dimanche Martine Aubry, il faut tenir compte d’une part des radicaux de gauche, alliés traditionnels du PS, qui ont obtenu 135 958 voix, soit 1,48 %, mais aussi d’une autre catégorie, les « divers gauche », qui sont le plus souvent alliés au PS. Ceux-ci représentent en 2011 5,41 % des voix, soit 495 809 bulletins.
Là encore, c’est un recul par rapport à 2004, où les « divers gauche représentaient 6,03 %, soit 740 521 voix. En 2008, les »divers gauche" avait recueilli 4,19 % des voix, soit moins en pourcentage qu’en 2011, mais plus en nombre : 897 157 bulletins.
Le bon résultat du PS au premier tour de 2011 cache en fait une relative stagnation du parti, qui ne parvient pas à capitaliser sur la perte de crédibilité de l’UMP, et ne génère pas de dynamique électorale, celle-ci allant plutôt à ses alliés écologistes.
LES VERTS EN PLEINE DYNAMIQUE
Un parti voit ses chiffres progresser nettement par rapport à 2004 : Europe Ecologie-Les Verts (EELV).
En 2004, il obtenait 4,09 %, soit 502 142 voix. En 2008, le nombre de voix restait sensiblement le même (558 612), mais le plus faible taux d’abstention n’offrait aux Verts qu’un score de 4,18 % au premier tour.
A la lueur de cet historique, le score 2011 d’EELV marque une réelle progression : avec 753 097 voix, soit 8,22 %, les écologistes progressent d’environ un tiers, en voix, sur trois ans. Un taux d’autant plus fort que l’abstention est élevée. En pourcentage, les écologistes doublent leur score par rapport aux précédents scrutins. (12,5 % dans les cantons avec des candidats écolos sortants)
LE FRONT DE GAUCHE SE MAINTIENT
Né de l’alliance entre Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon et Parti communiste, le Front de gauche a obtenu en 2011 8,92 % des suffrages au total, soit 917 303 voix. C’est plus qu’en 2004, où n’existait que le PCF (957 223 voix), mais moins qu’en 2008 (1,175 million de voix).
En pourcentage, le Front de gauche est plus haut que le PC de 2004 (8,92 % contre 7,79 %), mais reste proche de son score de 2008, où le PC était à 8,82 %.
Il est cependant notable que la dynamique du Front de gauche enraye la tendance structurelle du PC à la baisse et permet un relatif maintien, d’autant plus fort que l’abstention atteint des records en 2011.
LE BLOC DE GAUCHE PROGRESSE
En additionnant les scores des Verts, du PS, du PRG, des divers gauche et du PCF ou Front de gauche, on a une idée de la progression de la « gauche plurielle » susceptible de se coaliser pour la présidentielle de 2012.
En 2004, ces forces réunies représentaient 45,43 %. En 2008, elles étaient au même niveau : 45,28 %. En 2011, elles atteignent 48,97 %. Le « bloc de gauche » est donc plus haut aujourd’hui.
LA DROITE REPUBLICAINE S’EFFRITE
Pour l’UMP, la dynamique est la suivante : en 2004, le parti avait réuni sous son nom 20,95 % des voix, soit 2,5 millions. En 2008, il obtenait 2,5 points de plus, soit 23,57 %, pour 3,14 millions de bulletins.
En 2011, le parti réunit sous son nom 16,97 %, soit 1,55 million de voix seulement. Toutefois, si l’on ajoute le score des candidats ayant choisi l’intitulé « majorité présidentielle » – soit 5,46 % et 500 031 voix – on obtient 2,04 millions. Moins qu’en 2004 ou en 2008.
Le ministre de l’intérieur, Claude Guéant, a joué avec les chiffres pour masquer le revers électoral de son parti, choisissant d’agréger l’intégralité de la catégorie « divers droite » aux résultats de l’UMP et de la « majorité présidentielle ». Calcul trompeur : la catégorie « divers droite » ne regroupe pas que des candidats soutenus par l’UMP.
Mais même en y ajoutant l’ensemble de cette catégorie, la droite « républicaine » obtient donc, en 2011, 2,908 millions de voix et un score de 31,75 %. En 2004, l’addition de l’UMP, de l’UDF (depuis fusionnée avec l’UMP) et des « divers droite » réunissait 37 % des suffrages, soit 4,55 millions de voix. En 2008, le même calcul « droite républicaine » donnait 5,15 millions de voix, soit 38,68 %. Le recul est donc net, même en comptant qu’une partie de l’UDF est allée au MoDem.
LE FN, UNE PROGRESSION RELATIVE
En 2004, le FN, présent dans 1 850 cantons sur 2 035 renouvelables, obtenait 12,13 % des suffrages exprimés avec 1,49 million de voix. En 2008, le parti avait investi nettement moins de candidats et obtenu seulement 644 239 bulletins, soit 4,83 %.
A la lumière de ces deux précédents, le score du parti de Marine Le Pen en 2011 est un succès : présent dans 1 440 cantons, il obtient 1,38 million de voix et 15,06 % des bulletins. Il améliore donc nettement son score par rapport à 2008, mais il fait en revanche moins de voix qu’en 2004, ce que l’abstention et le moindre nombre de candidats investis expliquent en grande partie.
Il n’en reste pas moins que le FN réalise un score historique sur un scrutin qui ne lui est traditionnellement pas favorable. Lorsqu’on compte de manière relative, le Front national obtient trois points de plus qu’en 2004, plus si l’on s’ent tient aux cantons où il présentait un candidat : il aurait fait en moyenne 19,2% selon OpinionWay, soit 5,4 points de plus qu’en 2004 où il obtenait autour de 15% là où il était présent, selon cet institut. Des voix dont on peut extrapoler qu’elles proviennent en grande partie de la droite républicaine.
Surtout, ces points lui permettent de se maintenir dans un grand nombre de cantons (394), où il vole souvent la place aux candidats de l’UMP. On aura ainsi 204 seconds tours entre un candidat socialiste et un candidat FN.