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Climat : de COP en COP

Clé de l’accord de Paris sur le climat, l’aide aux pays pauvres reste trop faible

Réunies à Lima, les banques multilatérales de développement ont promis 15 milliards de dollars de financements climat supplémentaires d’ici à 2020. Mais le chemin est encore long pour arriver aux 100 milliards promis aux pays en développement.

Un obstacle supplémentaire a-t-il été franchi dans la course aux financements climat ? L’enjeu est de taille : les pays en développement attendent des clarifications sur les 100 milliards de dollars annuels à partir 2020 promis par les pays développés en 2009 pour aider les pays pauvres à faire face au changement climatique. L’absence de garanties sur ces soutiens financiers pourrait compromettre l’adoption d’un accord lors de la COP21, qui démarre dans six semaines.

Vendredi 9 octobre, plusieurs banques multilatérales de développement se sont engagées à mettre 15 milliards de dollars supplémentaires sur la table d’ici 2020. La Banque mondiale a promis de faire passer ses financements climat de 21 à 28 % du total de ses investissements d’ici 2020 ; la Banque asiatique de développement, de 18 à 30 % ; la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) et la Banque africaine de développement, de 20 à 40 % ; la Banque interaméricaine de développement, de 14 à 28 % ; et la Banque européenne d’investissement (BEI), de 25 à 35 %.

La France réduit son aide en développement !

Ces annonces ont été faites au cours d’un déjeuner des ministres des Finances et des dirigeants des principales institutions financières internationales, en marge de l’assemblée annuelle de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) qui s’est déroulée du 9 au 11 octobre à Lima (Pérou).

La question des financements climat n’est pourtant pas réglée. Première interrogation, comment atteindre la somme de 100 milliards de dollars d’ici 2020 ? D’après un rapport de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) publié mercredi 7 octobre, les financements climat s’élèvent annuellement à 61,8 milliards de dollars en 2014. Il reste donc plus de 38 milliards de dollars à trouver.

Par ailleurs, trente-cinq pays ont déjà promis près de 10,2 milliards de dollars au Fonds vert, créé pour administrer une partie des 100 milliards. Mais à ce jour, seules 42 % de ces promesses ont fait l’objet d’engagements écrits, d’après un rapport d’information rédigé par les sénateurs Fabienne Keller et Yvon Collin publié le 30 septembre.

Sécheresse en Mauritanie.

Présidente de la COP21, la France ne montre pas l’exemple. Lundi 28 septembre, François Hollande s’est engagé à la tribune de l’assemblée générale de l’ONU à augmenter les financements climat français de 2 milliards d’euros en 2020. Pourtant, dans le projet de loi de finances 2016 présenté deux jours plus tard, l’enveloppe consacrée à l’aide publique au développement était en baisse de 6 %, avec 170 millions d’euros en moins par rapport à 2015.

Autre sujet de préoccupation : la proportion, dans ces aides financières, de financements dédiés à l’adaptation (16 %, selon le rapport de l’OCDE). En effet, les pays en développement, en particulier les pays les moins avancés (PMA), sont déjà lourdement touchés par le changement climatique alors qu’ils ne sont que faiblement émetteurs de gaz à effet de serre. Ils réclament donc aux pays développés, historiquement responsables du changement climatique, une aide financière pour s’adapter aux sécheresses, à la montée du niveau de la mer, aux ouragans, etc.

Près de 400 milliards de pertes en 2030 pour les pays les plus vulnérables

En ce sens, plusieurs pays parmi les plus vulnérables ont créé le V20 jeudi 8 octobre. Et leurs besoins sont considérables : « Les pertes économiques annuelles dues au changement climatique pourraient dépasser 400 milliards de dollars en 2030 pour le V20, avec des impacts qui surpassent de loin nos capacités locales et régionales », d’après Cesar Purisima, ministre des Finances des Philippines.

L’aide actuelle ne se fait d’ailleurs pas sous la meilleure forme : « Actuellement, seuls 10 % environ des financements sont sous forme de dons analyse Romain Benicchio, conseiller à Oxfam France. Or, les prêts sont adaptés pour aider les pays émergents à financer des projets d’atténuation, mais inadaptés pour aider les pays les plus vulnérables parfois trop pauvres pour emprunter. »

« Les aides climatiques vont plutôt aujourd’hui aux émergents, car ils sont en forte croissance et ont des besoins en équipements, a répliqué le ministère des Affaires étrangères lors d’un point presse. Si on les aide à investir dans des mix énergétiques bas carbone, ces investissements auront un impact massif sur la réduction des émissions. On peut le regretter - les pays africains et les petites îles le regrettent - il va falloir le corriger à Paris. Mais ce n’est pas idiot. »

Pourtant, les sénateurs Fabienne Keller et Yvon Collin, insistent sur la nécessité de tenir compte des PMA, arguant que le changement climatique risque d’entraîner des « pressions migratoires importantes que l’ONU estimait à 250 millions de personnes d’ici 2050 » et que « la COP21 ne pourra pas être un succès sans l’adhésion de ces pays ». Les sénateurs proposent donc un objectif plus ambitieux : « Consacrer au minimum 20 % des financements climat à des actions d’adaptation au changement climatique, et, d’autre part, consacrer au minimum 20 % des financements climat aux PMA. »

Campagne de l’ONG Oxfam pour promouvoir l’idée d’une taxe Robin des Bois sur les transactions financières afin d’abonder le Fonds vert des Nations unies.

Reste à trouver l’argent pour que les pays développés puissent honorer leur engagement des 100 milliards annuels d’ici 2020. Pour cela, plusieurs mécanismes sont envisagés aux niveaux international et national : entre autres, la mise en place d’une taxe sur les transactions financières (TTF), l’établissement ou le renforcement de marchés du carbone et de taxe carbone, ainsi que diverses taxes (transport aérien, maritime). Là aussi, les choses bougent, mais lentement.

Élargir la taxe française sur les transactions financières

Les députés français ont décidé d’avancer sur la TTF nationale, mise en place en août 2013, qui prélève une taxe de 0,2 % sur les achats d’actions d’une centaine de grandes entreprises françaises dont la capitalisation boursière dépasse le milliard d’euros. En 2014, cette taxe avait rapporté 700 millions d’euros à la France, dont 140 millions avaient été reversés à l’aide publique au développement.

Mercredi 7 octobre, la commission des Finances a adopté un amendement proposant l’élargissement de cette taxe aux transactions « intra day » - qui consistent à acheter et revendre des titres au cours de la même journée. Cet élargissement pourrait rapporter un milliard d’euros supplémentaires à la France, d’après une estimation du ministère de l’Économie. Pourtant, Bercy pourrait repousser cet amendement.

En effet, onze États-membres de l’Union européenne, parmi lesquels la France, tentent depuis 2011 de s’accorder sur la mise en place d’une TTF. Mais les négociations ont pris du retard. Les ministres des Finances concernés devront se réunir une fois de plus en novembre.

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