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Dans le Var, les déchets restent un casse-tête

Dans le Var, les mairies ont longtemps été complaisantes avec les entreprises responsables de décharges illégales. Les choses commencent à bouger et la justice à être saisie, mais il reste une quarantaine de décharges totalement illégales dans la région.


-  Marseille, correspondance

« Je détiens les preuves filmées que l’entreprise de travaux publics Christophe Massena […] a pollué le massif classé du cap Sicié en y déversant des milliers de mètres cubes de gravats. »

En juillet 2009, lors du conseil municipal de Six Fours, Erik Tamburi (UDI), élu d’opposition avait ainsi interpellé le député-maire Jean-Sébastien Vialatte (UMP) qui, au lieu de répondre, l’avait fait expulser par les forces de l’ordre. « Un maire qui n’a rien à se reprocher prend la vidéo et la regarde !, commente aujourd’hui Erik Tamburi. Je lui apporte la preuve filmée - chose rare - d’un camion en train de polluer avec des déchets publics. Il avait le pain et le couteau pour attaquer pour tromperie et il n’a rien fait ! »

La vidéo montre un camion du BTP déchargeant une colonne de l’ancienne passerelle de la mairie en pleine zone classée. Un flagrant délit d’infraction au code de l’urbanisme, code de l’environnement mais aussi un abus de confiance pour n’importe quel maire soucieux des deniers publics...

- Cap Sicié

« Théoriquement les mairies doivent attaquer ! Mais elles font souvent preuve d’indulgence envers les entreprises. Car une entreprise qui a un volume important de déchets à éliminer peut être la moins-disante si elle sait que les élus et l’administration vont lui permettre de s’en débarrasser au moindre prix », explique sans équivoque Ramon Lopez, président de l’UDVN 83 (l’Union départementale pour la sauvegarde de la vie, de la nature et de l’environnement).

Quatre ans après, l’affaire vient d’aboutir enfin à la mise en examen en juillet dernier, de Christophe Massena, entrepreneur majoritairement vainqueur des marchés publics six-fournais…

Mais le problème des décharges illégales est loin d’être réglé : on en dénombre une quarantaine dans le Var qui sont rarement inquiétées. « Le problème en matière de déchets inertes est qu’à partir du moment où une administration trop complaisante a délivré des autorisations de défrichement n’importe où et que des élus ne s’opposent pas à des déclarations de travaux bidons, la justice est bien obligée de s’en débrouiller », explique Ramon Lopez.

Les temps changent…

En juin dernier, Bruno Aycard, maire UMP de Belgentier, a été condamné par le tribunal de Toulon à 10 000 euros (70 000 étaient requis) d’amende concernant une parcelle lui appartenant, située en zone Natura 2000. Le maire avait reçu toutes les autorisations pour une soi-disant oliveraie qui comportait en fait des remblais de vingt mètres de haut sur trois hectares.

Elle accueillait environ cent cinquante camions par jour transportant des déchets du chantier d’Ikéa à La Garde mais aussi du Tunnel de Toulon, pour lesquels le sénateur-maire Hubert Falco n’a pas non plus attaqué en justice. Jean-Paul Goy, qui comparaissait au côté du maire en tant qu’entrepreneur, a écopé de 12 000 euros d’amende.

Changement de gouvernement, de préfet, et même de président de tribunal (1) ; voilà de nouveaux paramètres sur lesquels l’association Viva (Vivre installé en Val D’Argens) créée à la suite des inondations de 2010, pour faire avancer les dossiers. En juin, sur ordonnance du TGI de Draguignan, Viva se rend avec un huissier constater des remblais sur un terrain situé à côté de la zone souvent inondée de la Palud dont le locataire est l’entreprise RBTP, spécialisée dans le recyclage de matériaux inertes et gérée par le fils Barbero, famille omnipotente (2) de l’est Var.

Une visite suivie trois semaines après d’une perquisition diligentée par le parquet et la préfecture : des boues portuaires provenant de l’ancien port de St Raphaël auraient été trouvées mais l’enquête est encore cours.

« Nos maisons ont été construites là avec des certificats de conformité et en dépit de ça, ils ont continué à bétonner des montagnes de manière à les rendre imperméables et accroître notre inondabilité », s’indigne Jean-Noël Brandenburger, victime en 2010 et président de Viva.

Elsa Di Méo, conseillère régionale PS et élue d’opposition à Fréjus qui a dénoncé certains agissements peu scrupuleux dans le Var est confiante : « Je n’ai jamais eu autant d’espoir pour que ça avance dans le Var ! Jusqu’à présent, on sentait une chape de plomb dès qu’on évoquait certaines questions. Il semblerait qu’aujourd’hui l’Etat ait un volontarisme réaffirmé. »

Mais toujours pas de solution

Le traitement des déchets ménagers n’est pas en reste puisque la justice a récemment donné raison à deux maires du Var dans leur combat contre le tout puissant Pizzorno. La cour administrative d’appel de Marseille a annulé le programme d’intérêt général (arrêté préfectoral du 7 octobre 2008) concernant l’extension de la décharge du Balançan en pleine zone Natura 2000 que Jean-Luc Longour (UDI), maire du Canet-des-Maures combattait depuis quinze ans.

Du côté de Bagnols-en-Forêt, ce sont deux filiales du groupe - la SMA (Société moderne d’assainissement) et la Sovatram - qui ont été condamnées respectivement pour « infraction d’exploitation sans autorisation d’une installation de stockage de déchets inertes » et « délit de faux ». C’est une victoire pour Michel Tosan, maire PS de la commune qui a fait campagne contre la décharge.

- Décharge de Balançan

Concernant les déchets du BTP, l’UDVN 83 dénonce « une pénurie voulue et soigneusement entretenue » d’Isdi (Installation de stockage de déchets inertes) car « les entreprises préfèrent toujours payer 1,5 à 2 euros la tonne, souvent au noir […] que 4 à 10 euros la tonne en décharge contrôlée ». Du côté des déchets ménagers, la décharge de Bagnols-en-Forêt est fermée depuis le 1 juillet 2013, et l’arrêté préfectoral d’exploitation provisoire du Balançan est arrivé à échéance fin 2013…

Mais le Var n’a prévu aucun plan départemental des déchets. Michel Tosan comme Jean-Louis Longour ne refusent pas d’accueillir les déchets sur leurs communes, mais pas n’importe comment : ils veulent des déchets traités, valorisés et contrôlés dans le respect de l’environnement. « Mais pour ça il faudrait investir… Quand vous voyez ce que Pizzorno a détourné comme argent, le mot investissement est tout relatif ! », conclut le maire PS.


Notes

(1) Fabrice Adam, nouveau président du TGI de Draguignan depuis mars 2012 s’intéresse tout particulièrement au droit de l’urbanisme.

(2) Alex Barbero père a été condamné en mars dernier à 240 000 euros d’amende et à détruire une partie du domaine viticole du Clos des Roses à Fréjus pour construction illégale. L’oncle, Francis Barbéro est quant à lui adjoint à l’environnement à la mairie de Fréjus.

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