Des grandes villes testent des voies de covoiturage... et leurs radars dédiés

À Rennes, la voie de droite aujourd'hui réservée aux transports en commun sera ouverte aux covoitureurs. - © SDAGT / RENNES
À Rennes, la voie de droite aujourd'hui réservée aux transports en commun sera ouverte aux covoitureurs. - © SDAGT / RENNES
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Transports AlternativesSix villes de France expérimentent des voies dédiées au covoiturage. Et pour faire respecter ce nouveau partage de la route, elles installent des radars capables de compter le nombre de passagers dans les voitures.
Et si covoiturer permettait d’échapper aux embouteillages quotidiens ? Pour lutter contre la pollution, plusieurs métropoles françaises expérimentent des voies réservées au covoiturage, aux entrées et sorties des villes : une façon de privilégier ceux qui polluent moins. Après Lyon, Strasbourg et Grenoble, c’est au tour de Rennes d’ouvrir une nouvelle voie réservée au covoiturage.
Ces voies de covoiturage sont indiquées par un panneau carré, avec un losange blanc sur fond bleu. Cette nouvelle signalisation, encore peu connue des automobilistes, pourrait bientôt entrer dans le Code de la route si la phase d’expérimentation s’avère concluante. À Rennes, elle concernera un tronçon de 4 km à l’entrée sud de la ville (sur la RN 137). L’expérimentation démarrera à l’automne, selon la Direction interdépartementale des routes de l’ouest (DIR Ouest).
« On attend 500 véhicules supplémentaires sur ces voies »
La voie réservée au covoiturage sera l’actuelle voie réservée aux transports en commun (VRTC), aménagée sur la bande d’arrêt d’urgence : « On ne souhaitait pas construire de nouvelles infrastructures », dit Mathieu Theurier, vice-président mobilité à Rennes Métropole.
Les bus, les cars, les véhicules de secours et ceux de la DIR Ouest pourront continuer de l’emprunter, de même qu’elle conservera sa fonction d’urgence en cas de panne ou d’accident. Mais désormais, les véhicules ayant au moins deux occupants à bord pourront aussi y circuler, y compris lorsque le deuxième occupant est un enfant.
La vitesse sera néanmoins limitée à 50 km/h, car « on attend 500 véhicules supplémentaires sur ces voies en les ouvrant aux covoitureurs », indique Fabrice Chagnot, chargé de mission au service mobilité et trafic de la DIR Ouest.

« Le gain de temps sera d’environ sept minutes pour les covoitureurs, estime Mathieu Theurier. Pour cent voitures, il y a cent-deux passagers aux heures de pointe sur la rocade de Rennes : on se rend bien compte qu’il y a un problème ! En développant ces voies réservées au covoiturage, l’objectif est d’encourager à mieux utiliser la voiture en réduisant l’autosolisme ». Il se dit satisfait du dialogue avec l’État pour parvenir à lancer cette expérimentation sur des axes nationaux.
Du côté des associations de covoiturage, la mesure est très bien accueillie : « Installer des voies réservées au covoiturage, ça montre que des gens l’utilisent quotidiennement. C’est un signal fort de la part des collectivités », se réjouit Emmanuelle Fournil, chargée de communication chez ehop, une association de covoiturage rennaise qui œuvre pour le développement du covoiturage en Bretagne.
L’expérimentation rennaise n’est ni unique, ni nouvelle. À Lyon, les voies réservées au covoiturage existent depuis décembre 2020. Mais la mesure n’est efficace que si les conducteurs respectent bien le partage des voies.
IA, 3D et infrarouges
« Globalement, ce n’est pas bien respecté, observe Jean-Charles Kohlhass, vice-président de la Métropole de Lyon. En l’absence de contrôle et de sanctions dissuasives, les gens empruntent la voie réservée au covoiturage même lorsqu’ils sont seuls dans leur voiture. »
Mais comment s’assurer que des autosolistes, c’est-à-dire les automobilistes voyageant seuls, ne soient pas tentés d’emprunter la voie réservée au covoiturage ? Grâce à des radars qui contrôlent non pas la vitesse, mais le nombre de personnes dans la voiture.
Ces « radars de covoiturage » se présentent sous la forme de « bornes cylindriques de 1 m 50 de hauteur », décrit Fabrice Chagnot, de la DIR Ouest. Équipés de plusieurs caméras, ils photographient la plaque d’immatriculation du véhicule et prennent des images en 3D de la voiture, qui sont analysées par un logiciel d’intelligence artificielle capable de compter le nombre de passagers.
« Ensuite, il y a un contrôle humain effectué par un agent de police pour vérifier les résultats de l’intelligence artificielle », précise le chargé de mission de la DIR Ouest. Les boîtiers sont aussi équipés de capteurs à infrarouges permettant de détecter la chaleur du corps humain. Inutile donc d’essayer de frauder en plaçant un mannequin ou une poupée gonflable à la place du passager, comme on l’a vu faire en Californie.
Pour l’instant, ces radars doivent encore être homologués par l’État : « Normalement, on devrait les recevoir au deuxième semestre 2023, mais on ne pourra les activer que lorsqu’on aura le feu vert de l’État, probablement en novembre-décembre », dit le vice-président de la Métropole de Lyon qui en a commandé deux.
« On ne va pas verbaliser dès le début »
Au total, une douzaine de radars devraient être répartis entre les six métropoles qui participent à cette phase d’expérimentation, à savoir Lyon, Grenoble, Lille, Strasbourg, Rennes et Nantes.
À Rennes, un seul boîtier sera installé selon la DIR Ouest. Pour les autosolistes qui se feraient pincer sur la voie réservée au covoiturage, l’amende sera de 90 €.
« On ne va pas verbaliser dès le début, temporise Fabrice Chagnot de la DIR Ouest. Il y va y avoir un temps d’adaptation. Pour l’instant, on va surtout faire de la pédagogie pour que les gens comprennent bien la nouvelle signalisation. »