En Mongolie, l’extraction de terres rares détruit l’environnement
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En Mongolie, l’exploitation des terres rares - nécessaires pour les téléphones portables et autres outils électroniques - provoque d’importantes pollutions.
Baotou, en Mongolie intérieure
Bienvenue dans la capitale mondiale des terres rares. La moitié de ces métaux est extraite des collines de Baotou, ville du Nord de la Chine, à 650 kilomètres à l’Ouest de Pékin. Le lac de Baotou a une eau noire et épaisse. Il est gavé de produits chimiques particulièrement toxiques. La Mongolie intérieure paye le prix fort de la ruée mondiale vers les terres rares.
Alors que la Chine ne détient que 37% des réserves connues en terres rares, elle en produit 95%. Pourtant, des réserves importantes existent aux Etats-Unis, au Canada, en Australie ou encore au Brésil. Mais ces pays ont abandonné depuis longtemps l’extraction en raison des problèmes de pollution inhérents à ces grains de terre.
Taux de cancer importants, difficultés respiratoires
L’extraction des terres rares et son raffinage ont en effet un terrible coût pour l’environnement : poussières, utilisation de produits chimiques en grande quantité et même radioactivité pour ce qui est du thorium. La Chine est le seul pays à avoir accepté de sacrifier son environnement sur l’autel du profit.
La mine principale de Baotou est à ciel ouvert. On y croise des centaines de camions et de bulldozers géants qui transportent les tonnes de gravats en direction des raffineries. Les mineurs travaillent le plus souvent sans aucune protection, un simple masque leur barre le visage alors que l’air est saturé de poussières métalliques. Le raffinage se passe loin des regards extérieurs. Mais l’on peut voir les boues noires s’échapper des bâtiments et se déverser dans le grand lac du nord de la ville. On est ici à une encablure du fleuve jaune qui alimente en eau une partie du Nord de la Chine. Les digues construites à la hâte sont censées éviter les débordements de ces boues polluantes, mais rien contre les poussières radioactives.
Envolée des prix et mines sauvages
Les autorités locales refusent de commenter officiellement ces problèmes environnementaux, mais les habitants et les ouvriers sur place se plaignent de problèmes de santé avec des taux de cancer importants et des difficultés respiratoires.
« Nous prenons en considération les questions de pollution, se défend Zhang Peichen, directeur adjoint du centre de recherche de Baotou, le principal producteur chinois de terres rares. C’est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas augmenter aussi rapidement que nous le souhaiterions la production et répondre ainsi à la demande internationale. Il y a des questions environnementales que nous devons prendre en compte ».
Officiellement, les autorités expliquent vouloir attirer les investissements chinois et étrangers dans la région. « C’est en modernisant nos usines que nous limiterons les conséquences négatives sur l’environnement », explique Zhao Shuanglian, le représentant de la province de Mongolie intérieure.
Un vœu pieu, puisque depuis l’envolée des prix, la production chinoise s’est s’emballée. Des mines sauvages ont vu le jour notamment dans le sud du pays. La police tente de faire le ménage depuis mai dernier, mais en vain. Les terres rares représentent beaucoup d’argent. Et puis la Chine a une véritable boulimie. Elle consomme plus de terres rares que l’ensemble des pays du monde réunis. Ipod, Ipad, téléphones portables, batteries, lasers, radars, missiles militaires… Dans ces domaines également la Chine est l’usine du monde. Ces produits à haute valeur ajoutée sont gourmands en terres rares et la Chine veut donner la priorité à ses usines.
Qui voudra payer le prix environnemental des terres rares ?
Le secteur minier chinois ne compte qu’une poignée de géants comme le groupe Baotou. La grande majorité des exploitations est fragmentée et manque de capitaux pour moderniser l’extraction. « Le secteur chinois des terres rares est lucratif, mais il reste fragile, commente le magazine économique chinois Macroeconomics. Le pays tarde à en faire un secteur puissant et nous continuons à vendre ces terres qui valent de l’or au prix des carottes ».
La réponse des pays étrangers reste confuse et compliquée. Les Etats-Unis et l’Australie mettent les bouchées doubles pour prospecter de nouvelles mines. Mais le prix environnemental est tel, que ces pays ne pourront certainement pas le payer.
En Australie, avocats et ingénieurs travaillent depuis 30 ans pour tenter de mettre sur pied une production légale et sans risque de pollution. Les réserves sont importantes dans le centre du pays, mais pour l’instant seules de très faibles quantités de métaux peuvent être extraites sans risque.
Même casse-tête aux Etats-Unis où les mines de Molycorp, en Californie, ont du fermer en 2002 après des fuites radioactives. Molycorp a tenté de lever des fonds ces derniers mois et fait appel au gouvernement américain. Mais produire sans risque s’avère très coûteux. La production américaine ne sera jamais compétitive avec la Chine. A moins que les consommateurs occidentaux n’acceptent de payer plus chers leurs nouveaux gadgets électroniques.