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En Nouvelle-Zélande, une marée de conteneurs

L’accident maritime en Nouvelle-Zélande révèle un nouveau type de pollution hors de contrôle : les « marées de conteneurs ».


L’échouement du Rena le 5 octobre et l’incapacité de l’armateur et des services maritimes néo-zélandais à dégager le navire, à colmater les fuites de fuel et à éviter les pertes de conteneurs préfigurent la grande catastrophe à venir dans le trafic maritime de marchandises conteneurisées.

En 1980, les plus gros porte-conteneurs transportaient 2.000 conteneurs ; en 1991 le record était de 4.400 ; en 2003 de 8.800 ; en 2007 de 14.500 conteneurs.

A partir de 2013, des porte-conteneurs de la compagnie danoise Maersk pourront transporter 18.000 conteneurs. Ils seront servis par un équipage « normal » de 19 marins pouvant être réduit à 13. Ils mesureront 400 mètres de long, 59 mètres de large et les piles de conteneurs culmineront à 73 mètres de hauteur. Ils emporteront 15.000 à 20.000 tonnes de fuel de soute. Le chiffre exact reste confidentiel. Les assureurs, les sauveteurs, les acteurs portuaires, les experts maritimes et des ONG environnementales s’inquiètent de la course sans fin au gigantisme des porte-conteneurs.

Déjà, le petit monde des porte-conteneurs s’est signalé par plusieurs accidents majeurs :

En novembre 1997, le MSC Carla s’est brisé en deux au large des Açores ; en novembre 1997 encore, le MSC Rosa M a été sauvé d’extrême justesse dans le port de Cherbourg après une avarie en baie de Seine. En 2006, le Rokia Delmas s’échoue sur la côte sud de l’île de Ré. En janvier 2007 c’est au tour du MSC Napoli d’être en grande difficulté dans la Manche avant d’être échoué dans la baie de Lyme en Grande-Bretagne.

Les incendies qui se propagent de conteneur en conteneur et dégagent pendant plusieurs jours des fumées et des suies toxiques sont très difficiles à maîtriser même avec des aides extérieures. Les cas du Hanjin Pennsylvania dans l’océan Indien en novembre 2002, du Hyundai Fortune dans le Golfe d’Aden en mars 2006 et du Charlotte Maersk dans le détroit de Malacca en juillet 2010 en témoignent.

Les pertes de conteneurs sont fréquentes pendant les tempêtes : le Perintis perd en mars 1989 des conteneurs d’insecticides dans la Manche, le Sherbro perd 88 conteneurs en décembre 1993 au large de Cherbourg, le Lykes Liberator perd 60 conteneurs en février 2002 au large de la Bretagne. En février 2006, le CMA-CGM Verdi perd 85 conteneurs au large du Cap Finisterre, le Nedlloyd Mondriaan 58 conteneurs en mer du Nord et l’Otello 48 conteneurs dans le Golfe de Gascogne.

A l’échelle des plus grands, l’échouage du Rena sur les récifs de l’Astrolabe (1) avec ses 1.351 conteneurs déclarés par l’armateur et ses 1.700 tonnes de fuel est un amuse-gueule. Il n’empêche qu’ajoutées aux dommages de la marée noire, la dérive et la dislocation des conteneurs perdus vont poser des problèmes pour la sécurité de la navigation et disperser en mer des milliers de déchets nuisibles pour la faune marine. L’extraction des conteneurs dans les cales du navire, le démantèlement et le bilan final des pollutions et des nuisances vont prendre des années. En Australie, à l’approche du port de Cairns, le porte-conteneurs Bunga Teratai Segu s’est échoué sur un récif corallien en novembre 2000 ; tous les polluants ont été pris en compte y compris les particules de peintures au tributylétain qui ont été arrachées pendant l’échouement. Un suivi environnemental de 10 ans a été prescrit par le gouvernement australien.

Il est urgent que l’Organisation Maritime Internationale et toutes les autres parties prenantes imposent de nouvelles règles et de nouvelles précautions aux constructeurs, aux armateurs et aux équipages des porte-conteneurs.

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Note :

(1) Les récifs de l’Astrolabe ont été ainsi baptisés après que le navire de Dumont d’Urville, découvreur français de l’Antarctique, ait failli s’y échouer en 1827.

Sources : CEDRE et archives Robin des Bois.


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