Tribune —
Énergie : décadrer le débat, d’urgence, un pas de côté !
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Dérèglement climatique, pic de pétrole, épuisement des ressources, extraction des gaz de schiste, dangers du nucléaire : la transition énergétique n’est plus un "défi" mais une absolue nécessité. Pour y répondre, il faut sortir du discours dominant et d’urgence faire un pas de côté... Et un pas en avant.
Un pas de côté : dans nos débats sur l’énergie, il est trop souvent question de trouver la « meilleure » source d’énergie, question qui nous mène au mieux droit dans le débat d’experts, au pire dans l’échange de noms d’oiseaux. Or la vraie question porte non sur la production, mais sur la demande : tant qu’on persistera dans le système productif actuel, la demande continuera à croître, et la machine infernale à polluer, à détruire, à aller forer la dernière goutte d’hydrocarbure, la dernière bulle de gaz, toujours plus profond, plus dangereux et plus autoritaire. Cette machine à faire des profits sur le dos des peuples et de la nature trouvera de nouvelles aberrations pour faire des profits. Hydroaisen au Chili, Schuepbach en Ardèche, BP en Louisiane, Tepco au Japon... Les exemples ne manquent hélas pas de la cupidité prenant le pas sur le plus élémentaire souci de préservation de l’humanité.
Or la seule source d’énergie réellement propre, et les plus grosses réserves aujourd’hui inexploitées, c’est l’énergie qu’on ne consomme pas ! Trop souvent on s’empresse dans les sphères politiques et économiques, de vanter les mérites du développement des énergies renouvelables, sans poser la question de nos consommations. Et pour cause : voilà un nouveau marché juteux, qui permet au capitalisme vert de faire de nouveaux profits sans remettre en cause le système. Touchez à la demande, en revanche, et ce sont tous les rouages productivistes qui sont menacés.
Les énergies renouvelables doivent être développées, certes. Mais via des unités de production décentralisées, pilotées dans un cadre national garantissant l’égalité d’accès, et uniquement pour satisfaire les besoins restant une fois actionnés au maximum les deux leviers de réduction de nos consommations : la sobriété et l’efficacité énergétiques. C’est, après le pas de côté, le pas en avant. Ce que nous appelons au PG la planification écologique. Pas une planification de retour aux soviets, évidemment, mais une planification démocratique et décentralisée, qui englobe la question de l’énergie dans un plan de rupture plus vaste. Car on ne peut pas parler sérieusement de transition énergétique sans poser la question de ce qu’on consomme, de ce qu’on produit et de comment on le produit. En couplant systématiquement les trois critères qui devraient guider toute politique de gauche aujourd’hui : utilité sociale, impact environnemental et démocratie réelle.
La planification écologique que propose le Parti de gauche est un processus permettant de planifier, sur le long terme et en dehors des logiques marchandes, cette transition. En matière énergétique, cela passe par un pôle public de l’énergie avec EDF, GDF, Areva et Total à 100% publics. Mais le retour au public ne suffit pas. Un déchet nucléaire, même public, reste radioactif. Une pollution de la nappe phréatique, même causée par un opérateur public, reste inacceptable. Il faut donc que ce pôle public soit placé sous contrôle citoyen. Comme l’a démontré Elinor Ostrom, prix Nobel d’Economie, l’implication des usagers dans la gestion des biens communs est non seulement gage de démocratie, mais également d’efficacité économique, bien plus que les intérêts capitalistes qui ont largement démontré leur incapacité à gérer les ressources et infrastructures, que ce soit dans le domaine de l’eau, de l’électricité ou du rail.
Ce pôle public de l’énergie doit être mandaté pour engager des mesures de rupture fortes. Le scénario Negawatt démontre qu’il est possible sur une trentaine d’années de sortir du nucléaire (avec pour le PG une décision immédiate d’arrêt de tous les projets de type EPR et la fermeture des centrales arrivées en fin de vie), et de diviser par 4 nos émissions de gaz à effet de serre. Et c’est possible sans perdre en qualité de vie, bien au contraire. Cela passe pour nous par une politique volontariste de rénovation thermique, par la suppression des mésusages tels que les écrans de publicité lumineux, par le ferroutage, par le développement de l’agroécologie (permettant également de réduire la dépendance au pétrole), par la réindustrialisation sous des formes coopératives, ou encore par la recherche dans le rendement énergétique. Toutes ces mesures permettront à la fois de créer des emplois, de combattre la mondialisation libérale, et de changer de modèle pour aller vers une société du buen vivir.
C’est possible, si cela s’accompagne de ruptures quasi civilisationnelles : réduction drastique de la publicité, ce moteur du consumérisme, lutte contre l’obsolescence programmée, adoption de nouveaux indicateurs au delà du PIB, mise à bas du sacro-saint diptyque croissance-redistribution, mesures de protectionnisme social et écologique, extension de la gratuité et fiscalité plus progressive, et enfin par une politique courageuse face à une classe de mégariches afin de remettre l’argent là où il n’aurait jamais du cesser d’être : au service du peuple.
Il faut enfin faire preuve de cohérence et dire clairement que toutes ces mesures ne seront possibles qu’en acceptant de rentrer en résistance face aux directives européennes lorsqu’elles sont contraires à l’intérêt général : privatisation du rail et de l’énergie, interdiction des mesures de relocalisation et des barrières douanières... alors que cette institution ne bénéficie d’aucune légitimité populaire et dépend d’un traité de fonctionnement qui nous a été imposé malgré le non au référendum de 2005 ! Elles impliquent enfin également de s’affranchir des carcans de la « concurrence libre et non faussée » et des politiques libérales de l’OMC, du FMI et de la Banque Mondiale. La transition sera internationaliste et solidaire ou ne sera pas. L’écologie sera radicale et sociale et vaincra.