Tribune —
Français, regardez l’Argentine !
Durée de lecture : 3 minutes
Avec dix années d’écart, l’Argentine et la France connaissent un scénario économique similaire. Si l’on souhaite une sortie de crise favorable aux travailleurs, il serait utile de tirer les enseignements des expériences argentines.
1 . Crise financière et récession économique
Déjà née des excès de la finance dérégulée dans le cadre de la mondialisation néolibérale, la crise de 1998 a confronté l’Argentine à une crise de liquidité sans précédent, plongeant le pays dans une récession de 4% de son PIB dès 1999. Pendant trois ans, les Argentins assistent à une cascade de fermetures d’usines et de licenciements, plongeant une grande partie de la population dans le chômage ou l’économie informelle.
En France avec une intensité moindre, la crise dite des subprimes de 2008 a déstabilisé l’ensemble du système bancaire, puis rapidement contaminé l’économie réelle. Elle se traduit par une hausse constante du taux de chômage sous l’effet de « restructurations » consécutives.
2. Crise de la dette publique et stratégie de choc
A la fin des années 1990, l’Argentine sort d’une décennie de politiques néolibérales sous l’égide du président Carlos Menem. La première réponse à la crise, insufflée par le FMI, a consisté à imposer des réductions de dépenses publiques drastiques, le pays étant accusé de « vivre au-dessus de ses moyens ».
C’est ce que Naomi Klein a qualifié de « stratégie de choc », qui se voit aujourd’hui transposée dans les pays du Nord – l’exemple grec en étant la parfaite illustration. Ainsi la France fait-elle aujourd’hui l’objet d’une « cure d’austérité » (réforme générale des politiques publiques, réforme des retraites…), menée dans le but de « rassurer les marchés financiers ».
3. Quelles résistances ?
L’Argentine a prouvé qu’une résistance était possible face à une telle agression, et que la détermination d’un peuple pouvait faire reculer la volonté des spéculateurs. Les 19 et 20 décembre 2001, le pays connaît une explosion sociale majeure qui conduira au départ forcé du ministre de l’économie d’alors, Domingo Cavallo, et empêchera l’ascension de trois présidents consécutifs. En février 2002, le rapport de forces s’inverse et l’Argentine déclare son insolvabilité face aux titulaires de sa dette souveraine. Dans tout le pays, des collectifs de travailleurs s’organisent pour reprendre le contrôle de leur économie. Alors que de nombreux chefs d’entreprise ont fait cessation de paiement ou ont simplement fui le pays, les collectifs choisissent de relancer la production sous contrôle ouvrier. Leur slogan : « occuper, résister, produire ». Ces expériences autogestionnaires se multiplient au cours des années suivantes. Aujourd’hui, en 2010, le pays compte plus de 200 entreprises récupérées rassemblant près de 10.000 travailleurs.
Au cours de l’année passée, l’actualité française a été marquée par de nombreuses luttes contre les « plans sociaux » et délocalisations. Mais rares sont celles qui ont débouché sur la sauvegarde des emplois. Les travailleurs de l’usine Philips de Dreux ont ouvert la perspective de la reprise ouvrière (1). Mais le manque de soutien et de combativité des syndicats et partis politiques a joué en leur défaveur.
L’Argentine n’est pas sortie du capitalisme. Elle a toutefois montré que des alternatives sont possibles face au chômage et aux délocalisations. Il est temps d’en étudier les forces et les faiblesses pour au plus vite engager la riposte.
......................................
Note :
(1) A Dreux, les travailleurs de Philips voudraient produire eux-mêmes http://www.reporterre.net/spip.php?...