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ReportageClimat

L’action d’Extinction Rebellion a eu lieu à Paris, au centre commercial Italie 2

[EN DIRECT] Un millier d’activistes pour l’écologie et la justice sociale ont envahi samedi matin 5 octobre le centre commercial Italie 2, à Paris. Ils l’ont quitté dimanche matin vers 4 h. Nos reporters étaient sur place. Récit.

  • Paris, reportage

• Samedi 5 octobre - 10h30 - Au Centre commercial Italie 2, à Paris, une action d’Extinction Rebellion vient de commencer.

Des centaines d’activistes entrent dans le centre, en chantant « So-so-solidarité avec les Rouennais ». Ils portent des parapluies noirs et des banderoles, « Rouen, pas de vérité, pas de paix ».

Les vigiles arrivent au bout de deux minutes, passablement énervés. La situation est tendue. « Travaille, consomme, et ferme ta gueule » chantent les activistes. Les agents de sécurité tentent de retirer les banderoles, mais les activistes sont trop nombreux. Les clients du centre commercial regardent la scène, incrédules. Les vigiles tentent de saisir les téléphones portables et les appareils photos des journalistes. Sans succès. « Les vigiles, doucement, on fait ça pour vos enfants », crient des activistes. Ils forment des chaînes devant les entrées et laissent sortir les clients.

Cette action est orchestrée par Extinction Rebellion, avec des Gilets jaunes, Youth for Climate France, les mouvements queer, Collectif Justice pour Adama, Cerveaux non disponibles, Désobéissance écolo Paris, Radiaction, la revue Terrestres.

• 10h50 - « On est là, on est là, même si Macron ne veut pas, nous on est là », s’époumonent les militants, dont une centaine bloquent l’entrée principale.

Leurs voix résonnent dans l’enceinte du centre commercial, dont les boutiques ferment les unes après les autres.

« Ce centre commercial symbolise le monde économique qui nous incite toujours à consommer plus de ressources dans un monde où elles ne sont pourtant pas infinies », explique Sarah, membre d’Extinction Rebellion. Elle porte un t-shirt où l’on lit : « Justice pour Adama, sans justice vous n’aurez pas de paix ». A quelques mètres d’elle, des activistes s’attellent à recouvrir des panneaux publicitaires numériques. « Le consumérisme ne profite qu’à une minorité de personnes, qui s’enrichissent inlassablement, et crée beaucoup de souffrance dans les pays du sud et les populations les plus pauvres des pays du nord, qui sont exploités et dont les terres sont massacrées. »

• 11h20 - « On en homard, le capitalisme », s’écrie un groupe facétieux, exhibant une demi-douzaine de homards en plastique. Des groupes d’une vingtaine d’activistes s’organisent en AG (assemblée générale).

Un cercle est formé dans le hall d’entrée d’Italie 2, des couples de danseurs se meuvent en son sein. Une grande banderole a été déployée sur la façade de l’entrée principale : « Détruisons les palais du pouvoir, construisons les maisons du peuple ».

• 11h40 - Les CRS et gendarmes mobiles arrivent nombreux devant l’entrée principale du centre commercial, à l’extérieur.

Une activiste exhorte les bloqueurs à s’y rendre. On voit aussi des CRS s’équiper à la porte ouest du centre.

• 12h00 - On peut estimer à un millier le nombre d’activistes présents dans le site.
Le Gilet jaune Jérôme Rodrigues figure parmi les bloqueurs, ainsi que le collapsologue Pablo Servigne ou la conseillère régionale Corinne Morel-Darleux.

Jérôme Rodrigues : « On nous endort en faisant de la société de consommation un idéal, quand nous voulons la justice. Nous sommes absolument en phase avec les luttes écologistes d’aujourd’hui. »

« Quelle que soit la couleur du maillot que l’on porte, on transpire pour la même chose : vivre mieux, ensemble, » dit à Reporterre Jérôme Rodrigues, qui se définit comme un témoin-acteur des Gilets jaunes. « Nous sommes ici réunis dans un temple de la consommation. On nous endort en faisant de la société de consommation un idéal, quand nous voulons d’une justice fiscale et sociale. Nous sommes absolument en phase avec les luttes écologistes d’aujourd’hui. Fini les corporations. »

• 12 h 30 - Une équipe de CRS a tenté d’entrer par le restaurant Hippopotamus. Les activistes ont poussé toute la terrasse — chaises, tables, plantes — du restaurant devant les vitres pour les empêcher d’intervenir.

• 12 h 45 - Difficilement incognito parmi les bloqueurs, le collapsologue Pablo Servigne est comblé de compliments sur ses livres. « Je suis venu du sud de la France [il habite dans la Drôme] pour soutenir et participer au blocage, explique-t-il à Reporterre. Nous bloquons la mégamachine capitaliste, et ce que je vois, aujourd’hui, ce sont des gens qui apprennent à être ensemble, à s’organiser, et développent des manières de se relier. »

Le collapsologue Pablo Servigne est venu de la Drôme pour soutenir le blocage.

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• 13 h 00 - Sur place, dans le centre commercial Italie 2 où se trouvent nos reporters, l’ambiance est détendue. Des activistes se restaurent, quelques uns tiennent les toilettes réquisitionnées du Théâtre de la Ville, d’autres discutent, posés sur les marches. Suspendus en hauteur, des cordistes installent des banderoles sur la devanture du centre commercial.

Les CRS sont toujours dehors. Dès que des policiers semblent bouger vers l’une ou l’autre des nombreuses entrées [le centre commercial, sur plusieurs étages, dispose de nombreuses portes], des groupes d’activistes sont appelés afin de courir renforcer les rangs des bloqueurs d’entrées.

• 13 h 05 - Sur Twitter, l’organisation Extinction Rebellion précise l’objectif de cette action de désobéissance civile : « occuper le plus longtemps possible un lieu symbolisant les dérives de notre système qui menace le vivant ». « Aujourd’hui, ce lieu va être transformé en un lieu de vie, de réflexion, d’organisation et de convergence, peut-on lire sur le réseau social. Cette action de désobéissance civile est non-violente et se passe dans la joie, la bonne humeur et la bienveillance. Les militants sont en train de s’installer sur place pour occuper l’espace le plus longtemps possible. »

• 13 h 15 - L’Assemblée générale des bloqueurs est désormais terminée. les idées qui en sont ressorties sont notées sur une affiche nommée « mur des idées ». Parmi celles-ci : « nommer les entrées pour mieux communiquer » ; « démonter le système anti-incendie de sortie de secours » ; « rejoindre Triangle de Gonesse si expulsion » [des opposants au projet EuropaCity marchent actuellement à travers la capitale, en direction de Matignon].

Sur cette affiche figurent les noms des avocats de l’anti-répression, les espaces de repas partagés, la localisation des toilettes et les noms des messageries sécurisées.

• 13 h 25 - « Justice pour Adama », clament les activistes à l’unisson [Adama Traoré est un jeune homme mort en 2016 lors de son interpellation par des policiers, à Persan dans le Val d’Oise]. Assa Traoré, du collectif Justice pour Adama, est parvenue à rejoindre le blocage. « On ne peut pas parler d’écologie et de climat sans parler des sécheresses en Afrique ou en Asie, des famines et des pillages de ressources au Congo, qui nourrissent ce système consumériste, dit Assa Traoré. On ne peu pas en parler sans dénoncer la répression que l’on subit depuis longtemps dans les quartiers populaires, qui tue nos frères, et qu’on subit désormais un peu partout. Nous faisons face à la même machine de guerre. Vous êtes tous des soldats face à elle et on pourra la faire tomber ensemble. ».

Assa Traoré, du comité Justice et vérité pour Adama, est venue soutenir le blocage.

• 13 h 40 - Les employés d’Hema [magasin d’articles pour la maison à bas prix], enfermés derrière le rideau de fer de leur boutique, située au sous-sol du centre commercial, demandent s’ils sont prisonniers. « Non regardez, on fait cette action à visage découvert et si vous ouvrez, on vous laissera partir », répond un activiste. Le rideau se lève et la promesse est tenue. Deux employés partent, puis le rideau se referme.

Deux employés d’Hema, retranchés derrière leur rideau de fer, repartent sans encombre du centre commercial.

• 14 h 00 - Un groupe d’une quarantaine de Gilets jaunes redonne du souffle aux chants, qui s’étaient interrompus depuis une bonne heure. « Macron nous fait la guerre, et sa police aussi, et on reste déter’, pour bloquer le pays », chantent-ils accompagnés par la batucada d’Extinction Rebellion.

Une partie du centre commercial n’est pas bloquée par les activistes. De l’autre côté de la grille qui sépare la partie bloquée de celle non bloquée, on aperçoit des clients qui font leurs emplettes.

• 14 h 15 - Les vigiles ont évacué tous les employés des magasins. Selon Camille, activiste, les forces de l’ordre pourraient intervenir d’ici une demi-heure.

• 14 h 45 - Membre de Youth For Climate France, âgé de 15 ans, Clément bloque Italie 2 « parce que les marches pour le climat c’est bien, mais il faut passer au niveau au-dessus pour être entendus  », dit cet élève en classe de première. Il n’a pas peur d’être évacué : « On savait qu’il y avait des risques, mais le plus important c’est d’avoir pu réussir ce moment d’émulation, de réflexion, même si nous sommes cernés par la police. »

• 14 h 50 - Au centre commercial Italie 2, l’occupation s’organise. Les rideaux de fer des magasins et les panneaux publicitaires sont couverts d’autocollants : « métro, boulot, black bloc » ; « interdiction des techniques d’immobilisation mortelle : la clé d’étranglement tue », en référence aux pratiques policières dangereuses. Dans le hall, des groupes qui discutent gaiement. Des équipes de médic sont présentes. Chacun vient avec son savoir-faire : des médiactivistes tournent des courts-métrages ; des gens parlent d’Aéroporst de Paris et invitent les gens à signer la pétition pour le référendum. Au sous-sol, une Assemblée générale (AG) a redémarré.

Des activistes ont inscrit avec du scotch bleu : « Métro, boulot, black bloc ».

• 15 h 00 - Un récit vidéo en direct
. Un reportage photo

• 15 h 00 - La pression monte. Des médiateurs d’Extinction Rebellion, avec leur gilet orange, exhortent les activistes à rejoindre les portes d’accès au centre commercial. Le passage d’un camion de pompiers crée un instant l’émotion, tout le monde croyant à l’évacuation.

• 15 h 25 - L’occupation se poursuit, des prises de parole sont en cours. Les activistes bloquent « entre la moitié et les deux tiers » du centre commercial Italie 2. Ce immense complexe de 120 boutiques, situé place d’Italie à Paris, est la propriété de la société Hammerson. Cet été, un fonds d’Axa a signé un protocole visant l’acquisition de 75 % du centre commercial et de ses extensions pour 473 millions d’euros. L’an dernier, les Amis de la Terre ont dénoncé les investissements climaticides d’Axa, l’assureur continuant d’investir dans les centrales à charbon.

• 15 h 35 - Deux manifestants venus de Hong-Kong prennent la parole sous les acclamations et évoquent la répression qu’ils subissent depuis des semaines [le 2 octobre, un jeune homme a été grièvement blessé par une balle tirée par un policier]. Ils sont couverts de masques pour ne pas être reconnus. « Merci à tous d’être là, de nous soutenir et nous sommes ici pour vous soutenir à notre tour, disent-ils. À Paris comme à Hong Kong, nous faisons face à une même répression policière qui veut taire la colère citoyenne. Ne cédons pas, tous ensemble, face à ces gouvernements qui ne veulent pas entendre nos revendications. »

Les parapluies, symboles des manifestations hong-kongaises, sont de sortie.

• 15 h 55 - Dans les sous-sols du centre commercial, certains font une sieste tandis que d’autres évoquent la future intervention des forces de l’ordre. Que faire ? Un « die-in » ou un « grand silence » font partie des pistes évoquées.

Sieste en cours dans le centre commercial.

• 16 h 00 - Christophe Bonneuil, directeur de recherche au CNRS, fait partie des activistes présents : « Depuis un an, il y a des manifestations régulières pour le climat, qui n’aboutissent à rien. Il y a maintenant une demande autre que “cher prince, faites quelques chose” et ici on apprend nous-mêmes à nous organiser. »

• 16 h 15 - Des cordistes finissent d’installer quatre immenses banderoles, indiquant « la nature n’est pas à vendre. Écologie sociale et populaire ». Dehors, devant le centre commercial, la présence des forces de l’ordre est relativement discrète sur le parvis, mais une dizaine de camions de la gendarmerie sont postés tout autour. Des activistes côtoient les badauds.

• 16 h 45 - Au fil de l’après-midi, des centaines de personnes ont rejoint l’intérieur du centre commercial afin de participer au blocage.

Derrière la grille qui sépare la partie occupée de la partie non-occupée du centre commercial, des activistes crient aux badauds « ouvrez nous, laissez-nous consommer avec vous » puis de nouveau « travaille, consomme, et ferme ta gueule ». Un médic distribue des bonbons aux agents de sécurité, qui ont l’air plus détendu que ce matin.

• 17 h 00 - L’occupation se poursuit au centre commercial Italie 2. Des pissotières et toilettes sèches ont été installées, de même qu’un hamac, en hauteur, suspendu par les cordistes. Les activistes entendent passer le week-end ici, alors que les forces de l’ordre, présentes à l’extérieur, n’ont pour le moment tenté aucune expulsion. Sur place, certains activistes affirment que les gendarmes attendraient 20 h et la fermeture du centre commercial [dont une partie est toujours ouverte aux consommateurs] pour intervenir.
Cette opération, baptisées « Dernière occupation avant la fin du monde », se déroule alors qu’Extinction Rebellion organise à partir de demain, dimanche 6 octobre, des actions dans 60 villes dans le monde qui devraient rassembler des milliers de personnes, et notamment des actions de blocage à Londres, prévues pour durer plus de deux semaines.

Des cordistes ont installé un hamac.
Les activistes ont mis en place des toilettes.

• 17 h 30 - Arthur, ancien sauveteur en mer, porte le gilet orange des médiateurs. Depuis ce matin, il s’évertue à apaiser les tensions, les inquiétudes et à donner des informations aux clients et aux vendeurs : « Le premier magasin que je suis allé voir, c’était une boutique de lingerie, raconte-t-il. La dame était peinée car elle devait réaliser un chiffre d’affaire de 4.000 euros dans la journée. Finalement, elle n’était pas si mécontente d’être libérée par son manager pour la journée. Globalement les gens sont très réceptifs, semblent concernés par l’urgence écologique et sont rassurés quand on leur dit qu’on ne fera pas de grosses dégradations. Après, je ne sais pas s’ils seraient aussi compréhensifs si nous recommencions tous les jours. C’est pourtant ce qui permettrait de faire la différence... »

Les activistes ont apporté des homards, en référence à l’affaire de Rugy.

• 18 h 10 - Toujours pas d’évacuation. En attendant, les activistes participent à différents ateliers et discussions : « impérialisme et écologie », qui vise à mettre en parallèle les problèmes écologiques avec « la politique étrangère impérialiste » de la France ; « sexisme et patriarcat au sein des mouvements en lutte », afin de dénoncer « le virilisme et le masculiniser toxique » ; la répression ; le « municipalisme libertaire » ; « Zad de Notre-Dame-des-Landes » ; et les mouvements internationaux avec les manifestants de Hong-Kong.

Des cercles de discussion se sont constitués dans le centre commercial.

Le débat violence / non-violence est aussi présent, à travers les inscriptions sur les vitrines, les murs, les panneaux publicitaires. Devant une vitrine où a été marqué, rayé, puis re-marqué « nique la BAC » [la brigade anti-criminalité], un groupe discute vivement du bien-fondé de cette expression.


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• 19 h 00 - Au micro, un activiste annonce une intervention policière imminente. Il encourage les troupes à répondre par « des barricades » ou « la désobéissance civile », mais « pas d’affrontement direct avec la police ». « Si les CRS parviennent à briser une porte et entrent, dit l’un de ses camarades, laissez-vous porter lourdement, vous ralentirez leur intervention, sans agression ni dégradation matérielle. » Dehors, les gendarmes mobiles allument leurs gyrophares. Des palettes de bois et des chaises sont apportées sur les points d’entrée.

• 19 h 30 - Dans le hall attenant à l’entrée principale du centre Italie 2, des centaines de Gilets jaunes, de militants d’Extinction Rebellion, et même un homard, garnissent les rangs autour de l’entrée principale. « On est là, on est là, même si Macron ne veut pas nous on est là », chantent en chœur les bloqueurs. Dehors, des soutiens tapent sur les vitres au rythme des percussions.

La faim vient doucement. Dans l’après-midi, des personnes ont apporté de l’extérieur des fruits et des légumes : pastèques, tomates, courgettes, bananes, concombres... Tout a été stocké dans le sous-sol, puis monté dans un espace cantine, installé juste devant... l’Hippopotamus. Des palettes en bois servent de tables.

La cuisine est autogérée : des activistes coupent les légumes et les fruits et les préparent avec quelques condiments, d’autres se promènent avec des récipients de radis et en proposent aux gens. Fruits et légumes préparés sont mangés cru.

Par ailleurs, les toilettes fonctionnent bien : des pissotières ont été installées dans l’après-midi, les seaux sont vidés à intervalles réguliers dans les toilettes du centre.

Dans tout le blocage, pas de dégradation matérielle : il n’y a que des tags, des collages, des choses qui se nettoient facilement.

• 20 h 00 - Comme pressenti, les gendarmes attendaient 20 heures et la fermeture du centre commercial pour intervenir. Les gendarmes mobiles se rapprochent des entrées et testent la résistance des portes. Pour l’instant, les défenses tiennent. Cependant, les bloqueurs ne sont plus aussi nombreux que cet après-midi. Des centaines d’entre eux ont quitté les lieux au cours de la dernière heure, redoutant l’intervention.

A l’instant (19h57), les bloqueurs ont reçu la première sommation.

L’ambiance reste joviale. Un groupe danse sur Beat It de Michael Jackson et certains activistes parviennent même à trouver le sommeil.

• 20 h 20 - Les forces de l’ordre sont entrées dans la partie non-occupée du centre commercial. Là aussi, des manifestants sont là et qui chantent « On est là ».

A l’intérieur, la batucada leur répond.

• 21 h 00 - Selon des relais à l’extérieur du centre commercial, des béliers sont en approche pour ouvrir une brèche aux forces de l’ordre. La confusion règne, les cinq pôles d’entrée sont surveillés par les activistes.

C’est la panique, les CRS sont rentrés par le magasin Nature et découverte. Mais ils sont empêchés d’entrer par les activistes.

L’air est irrespirable, un gaz qui semblerait être du gaz au poivre a été dispersé sur les activistes. Les yeux brûlent, on tousse. Des explosions retentissent. La peau brûle.

• 21 h 10 - « CRS doucement, on fait ça pour vos enfants » continuent de chanter les bloqueurs, les yeux rougis et crachant leurs poumons.
La solidarité est de mise, les bloqueurs prennent soin les uns des autres : sérum pour les yeux, mots réconfortant, crème pour la peau.

La BRI (Brigade de recherche et d’intervention) a fait irruption, cagoulée, dernière un rideau de fer. Elle avait un vérin hydraulique dans le but de soulever la grille. Sans succès, pendant vingt minutes. La grille est désormais tordue et ne semble plus pouvoir s’ouvrir. La BRI est donc partie ailleurs avec son vérin.

• 21 h 20 - Xavier, les yeux rougis : « Les gendarmes mobiles ont tenté de s’introduire par une porte dérobée à côté de Nature et découverte. Face à la résistance des militants, ils ont gazé à plusieurs reprises. Ils ont été repoussés. »

• 21 h 35 - Les forces de l’ordre ont été repoussées, mais ils ont balancé énormément de gaz, pas le gaz habituel, mais un gaz poivré très irritant. Plein de bloqueurs étaient désorientés, ne savaient plus où ils mettaient les pieds. Plein de gestes de solidarité se déroulent, des paroles de réconfort, du sérum, prendre soin les uns les autres.

Depuis cinq minutes, c’est l’accalmie, on respire. On se demande quand sera plantée la deuxième banderille et où. De nouveau, des chants résonnent dans le hall, l’habituel "On est là, on est là, même si Macron ne veut pas, on est là". On voit de nouveaux véhicules de police arriver.

• 21 h 40 - Devant l’entrée du centre, sur le parvis, les gendarmes qui bloquaient l’accès ont libéré l’espace depuis une demi-heure et on peut entrer dans le centre et en sortir : à l’intérieur, ça pue le gaz ! Cela permet d’aérer et de respirer. Les gendarmes et les CRS sont dans leurs cars. Mais... les camions de gendarmes s’en vont !
A l’intérieur du centre, les pensionnaires de l’hôtel Les Citadines regardent le « spectacle » depuis leur fenêtre.

• 21 h 55 - Après s’être félicités d’avoir repoussé les deux premières tentative des forces de l’ordre, les bloqueurs se préparent à un troisième assaut.

• 22 h 00 - Dehors sur le parvis : Des fourgons de CRS sont là, et les CRS sortent et se ré-équipent avec casques et matraques. Ils se positionnent devant le parvis. Il y a plusieurs centaines de militants sur le parvis. On entend hurler les sirènes de sept fourgons qui arrivent. Mais ils repartent, onze autres s’en vont.

• 22 h 05 - Les fourgons qui sont arrivés repartent, onze autres s’en vont. Il n’y a plus de forces de l’ordre dehors. Mais à l’intérieur, on pense qu’un troisième assaut est imminent. La situation est confuse. Les forces de l’ordre sont positionnées dans leurs camions dans les rues voisines.

• 22 h 15 - Nos deux reporters, NnoMan et Alexandre-Reza Kokabi vont bien, « toujours entiers », mais se sont pris le gaz à plein nez. Ils sont là depuis ce matin. Une forte journée !

• 22 h 30 - Devant le centre commercial, 200 à 300 personnes sont sur le parvis, tandis qu’une dizaine de camions de gendarmes stationnent de l’autre côté de la place d’Italie. Une vingtaine de gendarmes sans casques ni boucliers se tiennent à 40 m de l’entrée. Pour le moment, tout est calme.

• 22 h 40 - A l’intérieur, des activistes entassent des vélos [des marques Uber et autres, en libre-service] et des trottinettes électriques dans un coin, en vue de former une barricade. Du mobilier urbain est également amené, afin d’ériger ou de renforcer des barricades devant les diverses entrées. D’après nos reporters, il reste toujours plusieurs centaines de personnes à l’intérieur. Malgré une présence relativement discrète pour le moment, les gendarmes sont disposés en nombre autour du centre commercial.

Une barricade.

• 23 h 15 - La plupart des activistes sortent et entrent alternativement du centre commercial, profitant que les portes soient ouvertes. Le cadre de centre commercial, avec une odeur poivrée tenace est oppressante pour certains. Des personnes s’affairent à rassembler le matériel afin de grossir les barricades. D’autres, allongées, se reposent, la tête sur le sac à dos. Pas mal de gens sont partis se ravitailler. Des agents de la sécurité incendie sont présents, et discutent avec les activistes. Les gendarmes se tiennent pour le moment à l’extérieur.

• 23 h 20 - Tous les camions de gendarmerie et de police sont partis. Les activistes de l’opération « La dernière occupation avant la fin du monde » ont donc réussi leur pari, et l’occupation pourrait tenir la nuit.

Après plus de 13 h d’occupation, le centre commercial porte les marques de cette journée. On voit des messages sur tous les murs, écrits au marqueur ou à la bombe. Des homards en plastique sont disséminés un peu partout. Des panneaux publicitaires numériques ont été recouverts, mais aucune casse pour le moment.

• Dimanche 6 octobre - 00 h 00 - L’occupation se poursuit. Une fête s’improvise dans le hall du centre commercial, où des enceintes ont été rapportées. Des gens dansent, le visage cagoulé. Au moins 200 personnes assistent toujours à l’Assemblée générale dans l’étage inférieur du centre commercial.

• 01 h 00 - Au 1er étage du centre commercial, une sono a été installée ; depuis une heure, l’enceinte crache du son — des tubes comme « I will survive » ou remix Gilets jaunes des « Démons de minuit » sur les violences policières. Un extincteur est utilisé pour mettre de l’ambiance. Beaucoup de Gilets jaunes sont présents.

Un extincteur est utilisé lors de la fête improvisée, dans le centre commercial.

L’AG s’est terminée, et les personnes sont remontées. Le débat qui s’est déroulé pendant l’assemblée, sur la question « Faut-il rester ou partir maintenant tous ensemble ? » a abouti : le blocage est maintenu cette nuit. Cette issue ne semble pas plaire à tout le monde, et de nombreux militants quittent le centre commercial.

Sept voitures de la Brigade anti-criminalité (Bac) sont stationnées sur l’un des côtés du centre commercial.

Les activistes sont prêts à passer la nuit dans le centre commercial.

• 02 h 00 - Malgré la volonté affichée lors de l’Assemblée générale de rester dans le centre commercial cette nuit, de nombreux activistes sont rentrés chez eux. Il reste encore 200 personnes, qui font la fête, discutent, se reposent. Des fausses alertes d’intervention policière se répandent puis s’infirment régulièrement.

• 03 h 40 - Les activistes ont décidé par eux-mêmes de quitter le centre commercial Italie 2. La sécurité a fermé la porte, point final de l’occupation. Le live est terminé, merci de nous avoir suivi pendant ces 17 heures de blocage.

• 09 h 00 - L’action d’occupation du centre commercial Italie 2, symbole d’une société de consommation émettrice de gaz à effet de serre, était l’introduction d’une semaine internationale d’actions pour le climat. Reporterre vous la racontera, avec ses journalistes en France et ses correspondants à l’étranger.

« À partir du 7 octobre », indique le mouvement, « Extinction Rébellion mène au niveau international une rébellion contre un système politique et économique qui nous propulse droit vers l’extinction du monde vivant. Extinction Rebellion France mènera dans Paris diverses actions et occupations à durée indéterminée. La cérémonie d’ouverture impulse cet élan. »

Cette « cérémonie d’ouverture » aura lieu dimanche 6 octobre, à partir de 17 h, au Parc de la Villette à Paris.

Alors que les alertes sur le front de l’environnement continuent en ce mois de septembre, nous avons un petit service à vous demander. Nous espérons que les derniers mois de 2023 comporteront de nombreuses avancées pour l’écologie. Quoi qu’il arrive, les journalistes de Reporterre seront là pour vous apporter des informations claires et indépendantes.

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