L’empreinte carbone par habitant des Français a augmenté de 15 % en 20 ans
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Si la France respecte ses engagements en matière de lutte contre les gaz à effet de serre, c’est essentiellement grâce à la crise, selon une étude du ministère de l’Ecologie.
Diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre (GES), d’ici 2050, c’est ce à quoi s’était engagée la France en 2005. Un objectif baptisé « facteur 4 » qui correspond à la part « équitable » du pays à l’effort de lutte contre le changement climatique.
Un peu plus de sept ans plus tard, le pays semble en bonne voie pour respecter cet engagement. Semble seulement, selon le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), une émanation du ministère de l’Ecologie, qui vient de rendre public un rapport très critique sur le bilan de la France dans ce domaine. Pour ce dernier, c’est essentiellement la crise qui explique les bons résultats français.
Ainsi le rapport attribue les diminutions, bien réelles, d’émissions de gaz à effet de serre dans l’Hexagone à deux facteurs : la stagnation économique et la délocalisation d’activités industrielles fortement émettrices. De quoi donner l’illusion d’une France fidèle à ses engagements internationaux, alors même que la part française dans les émissions de GES au niveau mondial est en fait en augmentation.
« La France respecte formellement ses engagements au titre du protocole de Kyoto, mais il s’agit d’un résultat en trompe l’oeil : l’empreinte carbone par habitant des Français a augmenté de 15 % en 20 ans si on prend en compte le solde des échanges extérieurs de GES », explique le CGEDD, qui plaide pour la prise en compte des importations dans le bilan des émissions de gaz à effet de serre.
Entre autres faiblesses, le rapport note que le faible coût de l’électricité hexagonale empêche l’émergence de nouvelles sources d’énergie « décarbonée » hors nucléaire. Avec un coût de deux fois plus élevé outre-Rhin, « l’électricité éolienne terrestre est pleinement compétitive sur le marché allemand » affirme le CGEDD, qui ajoute que « pour atteindre le facteur 4 en 2050, tous les experts s’accordent sur la nécessité urgente de donner une valeur au carbone ».
Sur ce point, le rapport propose plusieurs pistes, afin de renchérir le prix des énergies fossiles : par la fiscalité, par le système de quotas d’émission carbone ou encore par de nouvelles règlementations. Pas sûr qu’il soit entendu, dans un contexte économique et social tendu. La taxe carbone reste toujours taboue. Quant au marché du carbone, il vient de subir un sérieux coup d’arrêt au Parlement européen.
Si le CGEDD n’est pas tendre avec la France, il n’épargne pas pour autant l’Union européenne : « Le paquet climat-énergie européen, sur lequel la plupart des pays européens fondent leur programmation, reporte de manière injustifiée les efforts à plus tard. Il prévoit un rythme de diminution relative des émissions faible entre 1990 et 2020 (20 % en 30 ans soit 0,7 % par an) puis un rythme croissant de diminution de décennie en décennie pour imposer à nos successeurs des années 2040 à 2050 un rythme de 6% par an. Insoutenable, sauf miracle technologique. Rien ne justifie une telle préférence pour le présent. »
Au final, loin d’atteindre son but, la France pourrait revoir fortement à la baisse ses ambitions : « la plupart des exercices de prospective fondés sur des hypothèses raisonnablement optimistes aboutissent à un facteur de réduction des émissions de GES de 2 à 2,5 plutôt que 4 entre 1990 et 2050 », précise le rapport, sur un ton résolument pessimiste.
Pourtant l’Etat aurait tout intérêt à ne pas laisser tomber cet objectif, ne serait-ce que par patriotisme : « Dans un pays qui doute de lui-même, renoncer à un engagement que tout justifie serait une atteinte malvenue à l’image qu’il se construit de lui-même » conclut le CGEDD.