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Enquête

L’explosion démographique continue : 11 milliards d’humains au XXIe siècle

C’est la nouvelle la plus importante du mois : les démographes révisent l’idée ancrée depuis une vingtaine d’années de stabilisation de la population mondiale. Une nouvelle méthode estime que les humains seront plus de onze milliards, notamment en raison de la poussée africaine.

« Le consensus au cours des vingt dernières années ou plus, c’était que la population mondiale, qui est actuellement d’environ 7 milliards, irait jusqu’à 9 milliards, se stabiliserait et même diminuerait très probablement, » dit Adrian Raftery, professeur de statistiques et de sociologie à l’université de l’état de Washington (WU à Seattle). « Mais nous avons constaté qu’il y a une très forte probabilité que la population mondiale ne se stabilise pas au XXIe siècle. La question de la population, qui semblait sortie de l’ordre du jour mondial, reste une question extrêmement préoccupante. »

Une nouvelle étude vient d’être publiée, basée non pas sur des hypothèses d’experts mais sur la statistique bayésienne, qui combine toutes les informations disponibles pour générer de meilleures prévisions. Menée par l’Université de Washington (WU) et les Nations Unies (DESA), elle estime que le nombre de personnes sur la Terre est susceptible d’atteindre onze milliards d’ici à 2100, soit environ deux milliards de plus que les estimations précédentes, et peut-être davantage.

« On a souvent reproché à l’ONU de ne pas faire de statistiques complètes à partir de leurs données mais cette fois-ci, c’est précisément ce qu’ils ont fait », dit le démographe John Bongaarts, vice-président du Conseil de la population à New York, qui n’a pas participé à cette nouvelle étude.

C’est la troisième révision des projections de probabilité sur la population mondiale de la Division de la population du Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies.

Les démographes des Nations Unies ont fait équipe avec Adrian Raftery et ses collègues de l’université de Washington ; ceux-ci ont développé des équations statistiques basées sur un historique en temps réel de données qui décrivent comment le taux de fécondité est en train de changer au fil du temps dans des lieux différents dans le monde entier.

« La nouvelle méthode n’est pas basée sur des hypothèses ou des scénarios, mais directement sur les données, et elle utilise les chiffres les plus récents sur l’Afrique. Cela aboutit à un grand changement des projections de la population globale de la planète », dit Raftery.

La population de l’Afrique continuerait de croitre fortement

Il y a une probabilité de 95 % que la population mondiale se situe entre 9 milliards et 13,2 milliards en l’an 2100, conclut l’équipe dans le journal scientifique Science.

C’est en Afrique que l’augmentation se fera le plus sentir, avec 80 % de probabilité que la population quadruple, passant d’environ 1 milliard aujourd’hui à entre 3,5 milliards et 5,1 milliards de personnes à la fin du siècle. La raison principale est que les taux de natalité en Afrique sub-saharienne n’ont pas baissé aussi vite que prévu, probablement parce que l’instruction, en particulier, l’instruction des femmes n’avance pas.

D’autres régions du monde devraient voir moins de changement. L’Asie, maintenant à 4,4 milliards, devrait culminer à environ 5 milliards de personnes en 2050, puis commencer à décliner. En Amérique du Nord, en Europe, en Amérique latine et dans les Caraïbes la population ne devrait pas dépasser le milliard .

« Ces chiffres confirment largement les projections de l’ONU de 2013, et ajoutent une plus grande précision statistique », a déclaré l’un des auteurs, Patrick Gerland, démographe à l’ONU « Les premières projections se basaient strictement sur des scénarios. Cette fois-ci nous avons un intervalle de confiance qui permet d’évaluer la précision de nos estimations. Ce travail fournit une évaluation axée statistiquement, ce qui nous permet de quantifier les prévisions. »

« Ce document est le fruit de sept ans de recherche, et apporte également des données récentes », a déclaré Raftery. « C’est important car l’augmentation de la population pourrait, par exemple, exacerber des problèmes mondiaux comme le changement climatique, les maladies infectieuses, la pauvreté... Des études montrent que les deux choses qui diminuent les taux de fécondité sont l’accès à la contraception pour les femmes et l’éducation des filles. L’Afrique, pourrait donc grandement bénéficier en agissant dès maintenant pour abaisser son taux de fécondité. »

Les nouveaux chiffres seront utiles dans les modèles créés par les économistes, les écologistes et les gouvernements qui se servent des estimations de population pour prédire les niveaux de pollution et de réchauffement climatique, pour se préparer aux épidémies, déterminer les besoins en matière de transport, d’éducation, ou autres besoins d’infrastructure et pour prévoir les tendances économiques à travers le monde.

Tous ces plans doivent être modifiés si la population augmente d’un supplément de quelques milliards de personnes. « Il faut absolument remettre la population à l’agenda mondial comme un problème majeur », dit Raftery.

Certains continuent à douter comme l’économiste démographe David Lam, de l’Université du Michigan, qui affirme : « La croissance de la population restera inférieure à ce que nous venons de vivre. La population mondiale a doublé entre 1960 et 1999 et cela ne peut pas continuer ! »

« Bien sûr, les chiffres ne sont que des projections », dit Bongaarts. « Il se pourrait très bien que des épidémies ou des guerres ou des troubles créent une mortalité massive. Mais pour être honnête, il faudrait quelque chose d’une immense importance pour modifier cette trajectoire. »

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