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Tribune

L’imposture croissanciste


Après avoir ingurgité divers pamphlets dénonçant « l’imposture » et le « mythe » climatiques, le chroniqueur s’est intéressé au colloque du conseil scientifique du Front national sur le réchauffement climatique, qui s’est tenu à Nanterre, le 30 janvier. On doit à la journaliste Jade Lindgaard, qui l’a signalé sur Médiapart, de ne pas avoir ignoré cette nouvelle aventure de la pensée.

Jean-Marie Le Pen a conclu le colloque. Citant Claude Allègre, il a exposé combien était fausse la théorie selon laquelle l’activité humaine causait le changement climatique en cours. « Il s’agit d’un dogme. Un dogme, par définition, se passe de toute preuve rationnelle. »

Mais plus intéressant que ce renfort de poids aux climato-sceptiques est que M. Le Pen a révélé l’enjeu idéologique de l’affaire : « Sachant que la dépense d’énergie est à la base de la croissance économique, la recherche de la croissance entraîne donc le réchauffement climatique », a-t-il expliqué. En effet, « il ne peut y avoir croissance s’il n’y a pas développement de l’économie, et donc de l’énergie qui la sous-tend ».

Conclusion implicite : comme il ne faut pas remettre en cause la croissance économique, il est nécessaire de ne pas reconnaître la responsabilité de la consommation d’énergie dans le réchauffement climatique.

Par coïncidence, c’est la semaine où les climato-sceptiques occupaient micros et caméras que Nicolas Sarkozy a relancé la Commission pour la libération de la croissance française , présidée par Jacques Attali. Il faut, indique l’Elysée, le 23 février, que la France « s’inscrive sur un chemin de croissance forte et durable ».

La croyance dans les bienfaits de la croissance est-elle un dogme ? Je laisse ce point à la sagacité des lecteurs.

En tant qu’objecteur de croissance, notons que deux illusions animent les croissancistes.

La première est de croire que l’on peut revenir à une croissance forte du PIB (produit intérieur brut). Comme le montre bien Pierre Larrouturou (Crise, la solution interdite, éd. Desclée de Brouwer, 2009), le rythme de la croissance, en France, diminue régulièrement depuis 1960, c’est une tendance historique de fond dont rien ne permet de penser qu’elle peut s’inverser.

La seconde illusion est de croire que la croissance entraîne nécessairement une baisse du chômage. Au contraire, l’économiste Jean Gadrey démontre dans Alternatives économiques de février qu’il faut découpler ces deux grandeurs. « Produire des biens (ou des services) de façon écologiquement durable ou socialement préférable exige plus de travail que produire les »mêmes« biens en détruisant les ressources naturelles et le climat, ou en industrialisant les services. »

Eh oui : on créera plus d’emplois en accordant plus d’importance à l’écologie. Encore faut-il reconnaître la gravité du changement climatique et la crise écologique.

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Références :

-  M. Le Pen au Colloque du conseil scientifique du FN : http://www.frontnational.com/?p=3720

-  Article de Jean Gadrey : http://www.alternatives-economiques...


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