La COP 21, c’est parti ! Voici les clefs pour comprendre la négociation

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Climat : de COP en COPOn s’y prépare depuis des mois et cette fois, on y est ! La COP 21 a commencé ses travaux dimanche 29 novembre à 17 h, sur le site du Bourget. Elle a deux semaines pour finaliser un accord mondial visant à limiter le réchauffement climatique à 2°C d’ici la fin du siècle... Reporterre fait le point sur les enjeux et le programme.
La COP 21 a commencé ses travaux dimanche 29 novembre à 17 h sur le site du Bourget (Seine-Saint-Denis), vingt-quatre heures plus tôt que prévu. Elle devrait s’achever vendredi 11 décembre - ou vraisemblablement samedi matin 12. Pendant deux semaines d’intenses tractations, les 196 Etats-parties de la Convention-cadre des Nations Unies pour les changements climatiques (CCNUCC) devront définir ensemble un accord mondial visant à contenir le réchauffement climatique de 2°C d’ici la fin du siècle, par rapport à l’ère pré-industrielle.
Quels sont les enjeux et les sujets de désaccords ? Quel est le programme des négociations ?
Les enjeux

Les sessions de négociations qui se sont succédées depuis la COP 20 de Lima, n’ont pas permis de préciser le projet d’accord. Le texte issu de la dernière réunion de Bonn, du 19 au 23 octobre, compte toujours 55 pages et contient de nombreuses options contradictoires. Pays développés et pays en développement s’affrontent régulièrement sur le principe de « responsabilité commune mais différenciée ». Celui-ci exprime le fait que les pays du nord sont les responsables historiques des émissions de gaz à effet de serre et qu’ils doivent venir en aide aux pays du Sud, principales victimes du dérèglement du climat.
1 - Les financements climat accordés aux pays en développement
Lors de la conférence de Copenhague en 2009, les pays développés se sont engagés à apporter 100 milliards de dollars par an d’ici 2020 aux pays en développement, pour les aider à s’adapter aux impacts du changement climatique sur leurs territoires (sécheresses, inondations, phénomènes climatiques extrêmes, etc.). Une partie de cet argent devait transiter par un dispositif appelé le Fonds vert.
Où en est-on aujourd’hui ? D’après un rapport de l’OCDE publié début octobre, le total des financements climat déjà réunis s’élevait à 61,8 milliards de dollars en 2014. Mais ces financements sont en grande partie privés et accordés sous forme de prêts, ce qui les rend peu accessibles aux pays les plus pauvres.
L’effort financier des pays développés n’est pas à la hauteur. En effet, de nombreux pays en développement conditionnent le niveau d’ambition de leurs politiques climatiques à l’aide financière que les pays riches voudront bien leur accorder. Ils n’accepteront pas de signer un accord ambitieux à Paris s’ils n’obtiennent pas en retour de solides garanties financières.
Réunis en pré-COP du 8 au 10 novembre à Paris, les représentants de 70 pays auraient avancé sur le sujet. « Il nous a semblé que l’idée d’un plancher [à l’aide financière accordée aux pays en développement après 2020] était acceptée », a estimé le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius à l’issue des réunions. Mais au G20, les 15 et 16 novembre en Turquie, la question du financement de la lute contre les changements climatiques a été soigneusement mise de côté.
2 - Un mécanisme de révision à la hausse des contributions nationales
Les contributions nationales sont les feuilles de route que presque tous les pays ont remis à l’ONU avant le 1er octobre. Ils y détaillent leurs objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre d’ici 2025 ou 2030, les politiques qu’ils compte mettre en œuvre pour y arriver, et, pour les pays en développement, les mesures d’adaptation au changement climatique qu’ils entendent adopter. A ce jour, environ 170 pays ont remis leur contribution, ce qui représente plus de 90 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre.
Problème, d’après des études de l’ONU, de Climate Action Tracker, de l’Iddri et de l’Institut Pierre-Simon Laplace, ces contributions ne permettent pas de limiter le réchauffement climatique à 2°C d’ici la fin du siècle – à moins de changements de politiques extrêmement brusques à partir de 2030. Elles entraîneraient plutôt une hausse de température d’environ 3°C en 2100.
Pour rectifier le tir, les ONG plaident pour l’inscription dans l’accord d’un mécanisme de révision à la hausse des contributions nationales, tous les cinq ans. L’idée fait son chemin chez les négociateurs, mais des désaccords subsistent. Lors de la pré-COP, les Etats se sont mis d’accord sur la réalisation d’un « bilan » tous les cinq ans, « permettant de formuler des propositions à la hausse », rapportait Laurent Fabius. Bref, du très flou. Et le projet d’accord qui servira de base aux négociations pendant la COP 21, contient encore des propositions contradictoires sur ce point.
3 - La définition d’un objectif de long terme
L’objectif de rester en-dessous de 2°C de réchauffement d’ici la fin du siècle n’est plus contesté. Mais certains Etats insulaires souhaiteraient que cet objectif soit ramené à 1,5°C, pour les protéger d’un risque de submersion liée à la montée du niveau des mers. Et lors de la pré-COP, l’objectif de long terme évoqué était on ne peut plus vague : « low emission resilient pathway » (« trajectoire d’émissions basses adaptées au climat »). Rien sur la nécessité d’abandonner les énergies fossiles au profit d’énergies renouvelables. Au sujet des 450 milliards de dollars de subventions accordés chaque année par ses membres aux énergie fossiles, le G20 (dont fait partie l’Arabie saoudite) s’est contenté de déclarer, avec une prudence extrême, la nécessité de « rationaliser et lever progressivement à moyen terme les subventions inefficaces ».
4 - Un accord contraignant ?
La France défend l’adoption d’un accord juridiquement contraignant à Paris. Mais cet aspect ne fait pas l’unanimité. Le membre du Conseil sur le changement auprès du premier ministre indien, Chandrashekhar Dasgupta, déclare mi-novembre qu’« insister pour qu’un accord soit contraignant, c’est pousser les Etats à revoir à la baisse leurs ambitions puisqu’ils voudront minimiser les risques ». Dans un entretien publié le 12 novembre dans le Financial Times, le secrétaire d’Etat américain John Kerry a indiqué que l’accord « ne sera certainement pas un traité » et qu’il « n’y aura pas d’objectifs de réduction juridiquement contraignants, comme cela avait été le cas à Kyoto ». Des déclarations qui n’incitent guère à l’optimisme...
Le programme des négociations

Les négociateurs sont déjà à Paris depuis le lundi 23 novembre. Rassemblés à l’Unesco, ils coordonnent leurs positions sur des points clés de l’accord.
De manière inédite, un sommet des chefs d’Etat a lieu lundi 30 novembre sur le site du Bourget. 140 chefs d’Etat sont attendus. La cérémonie d’ouverture commence à 11 h avec un hommage aux victimes des attentats du 13 décembre. Ensuite, les allocutions de François Hollande, du secrétaire général de l’ONU Ban Ki-Moon et de Laurent Fabius seront suivies par les déclarations de tous les chefs d’Etat et de gouvernement rassemblés dans les deux salles plénières du site.
Mais les négociations à proprement parler auront commencé le dimanche 29 novembre à 17 h, sur le site du Bourget. Soit 24 h plus tôt que prévu, parce que les coprésidents des négociations Ahmed Djoghlaf et Daniel Reifsynder « ont estimé qu’un début anticipé de la session offrirait l’occasion d’utiliser de la meilleure façon possible le temps très limité à disposition pour finaliser les négociations sur le projet d’accord de Paris », rapporte le secrétaire exécutive de la CCNUCC Christiana Figueres.
La première semaine, le « segment technique » des négociations se déroulera. L’ADP (plate-forme de Durban pour une action renforcée), le groupe de travail chargé en 2011 lors de la conférence de Durban de conclure un accord universel de 2015, sera à pied d’oeuvre jusqu’au samedi soir.
La deuxième semaine sera plus politique, avec le début du « segment ministériel ». Après les déclarations des ministres lundi 7 décembre, des discussions informelles auront lieu jusqu’à mercredi soir. « C’est un sas de sécurité pour revoir certains éléments du texte qui restent problématique », indique Alix Mazounie, du Réseau Action Climat.
Puis, dès le jeudi 10 décembre au matin seront adoptées les décisions et les conclusions, jusqu’à l’adoption de l’accord vendredi 11 décembre en début de soirée. Ce qui est en tout cas prévu par Laurent Fabius – mais toutes les COP précédentes se sont prolongées tard dans la nuit, voire jusqu’au samedi dans l’après-midi.