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Tribune

La raison cachée de l’intérêt de Vinci pour Notre Dame des Landes

Pourquoi Vinci s’intéresse-t-il tant à Notre Dame des Landes ? Au-delà de la bonne opération financière sur le dos de la collectivité, le développement de la concurrence internationale entre aéroports donne un intérêt stratégique au projet.


A Notre Dame des Landes, le combat qui a pris l’allure d’un affrontement est réellement un combat pour la démocratie, au-delà de ses aspects écologiques ou simplement humains.

Pour autant, il ne faut pas que l’arbre nous cache la forêt. Il ne s’agit pas seulement d’une entreprise prédatrice, ni d’un premier ministre en mal d’autorité qui s’est engagé personnellement dans une opération vaseuse à relents de corruption et de collusion public-privé.

La justification officielle du besoin d’agrandir l’aéroport existant pour faire face à une augmentation du trafic aérien ne tient pas non plus si l’on se réfère aux dernières statistiques de la DGAC.

Alors qu’est-ce qui fait qu’un projet d’aéroport vieux de quarante ans, plusieurs fois rejeté, devient comme par magie en 2010 « le projet d’Aéroport du grand Ouest », priorité nationale qu’on finira par défendre les armes lacrymogènes à la main, quitte à sacrifier des milliers d’hectares de terres arables et de zones humides, au mépris des principes écologiques énoncés au Grenelle de l’environnement et de la population locale agricole ?

Ce pourrait-être le robuste appétit de Vinci, grand bétonneur devant l’éternel et déjà gestionnaire de l’aéroport actuel à Nantes, dans le cadre d’une « délégation de service public », ceci simplement pour agrandir son territoire.

Bien sûr, ce pourrait être la raison, d’autant qu’il se murmure que l’opération pourrait être à double détente, l’espace libéré par l’ancien aéroport désaffecté pouvant être l’occasion d’une fantastique opération immobilière.

Pourtant, on peut s’étonner qu’une entreprise comme Vinci, malgré les bénéfices immédiats qu’elle tirerait de l’activité de construction, s’intéresse de si près et avec tant d’énergie à une activité de transport aérien qui, certes n’est pas en perdition, mais dont l’activité à long terme semble tout de même devoir être freinée par l’état récessif de l’activité générale dans le monde, et par la crise écologique qui se profile sur les ressources et les matières premières.

A moins que…, à moins que d’autres considérations ne fassent peser sur ses activités et possessions actuelles quelques menaces significatives.

Rappelons que depuis les années 1990, la libre concurrence est devenue l’alpha et l’oméga de l’obsession néo-libérale, non pas pour augmenter les profits de chacun sur un marché en expansion infinie, mais bel et bien pour assurer que des profits soient toujours possibles dans n’importe quelles conditions, y compris récessionnistes pour les plus malins et les mieux organisés.

Dans le domaine du transport aérien, un événement significatif a pris la forme de l’accord Open Sky (ciel ouvert) signé le 30 avril 2007 à Washington par les Etats-Unis et les pays de l’Union européenne, engageant chacun d’eux et l’Union dans son ensemble.

Avant cet accord, la circulation aérienne était réglée par des accords bilatéraux, entre les Etats-Unis et chacun des pays concernés, les aéroports desservis par chaque compagnie au départ des Etats-Unis étant fixés par l’accord applicable.

L’accord, qui permet aux capitaux étrangers de s’investir dans un aéroport national privé, autorise aussi le libre choix d’un aéroport de destination et à la rigueur le cabotage en Europe.

Pour autant, sa caractéristique la plus importante, et sans doute la moins médiatisée, est d’ouvrir la concurrence entre les aéroports européens, et de pousser à leur privatisation.
Il suffit pour s’en convaincre de parcourir cet avis de l’autorité de la concurrence Française, daté du 22 février 2010.

Dès lors, on comprend mieux pourquoi le gérant et le propriétaire de l’aéroport local de Nantes souhaitent lui donner le statut régional d’aéroport grand Ouest : cela permettra de le positionner dans la grande concurrence aéroportuaire de l’Union européenne.

Le combat de Notre Dame des Landes n’est donc pas régional. Il a des implications nationales et européennes.

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Post-scriptum :

Je viens de découvrir le texte d’une LOI n° 2005-357 du 20 avril 2005 relative aux aéroports, votée sous Chirac et définissant les modalités de transformation des aéroports publics en sociétés anonymes accessibles aux capitaux privés. Voir aussi ce dossier de presse de la DGAC du 15 mars 2007 sur la décentralisation des aéroports publics et le transfert de leur propriété à des sociétés territoriales "entièrement détenues , dans un premier temps, par des capitaux publics" à l’exception, dit le texte, de l’aéroport de Nantes, qui, dans son avatar de NDDL pourrait bien être parmi les premiers à incorporer Vinci comme propriétaire privé et non plus comme gestionnaire.


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