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Le bisphénol A serait aussi mauvais pour... les dents


Les dents seraient-elles les nouvelles victimes du Bisphénol A ? Oui, selon les conclusions des travaux de l’équipe de chercheurs dirigés par Ariane Berdal de l’Université Paris-Diderot et Sylvie Babajko, directrice de recherche Inserm au sein de l’Unité Inserm 872 « Centre des cordeliers ».

Les chercheurs ont montré que les dents de rats traités avec de faibles doses journalières de BPA pouvaient être altérées. L’analyse de ces altérations montre de nombreuses caractéristiques communes avec une pathologie de l’émail des dents récemment décrite et affectant environ 18% des enfants de 6 à 8 ans.
Ces résultats sont publiés dans American Journal of Pathology.

Le bisphénol A (BPA) est un composé chimique qui entre dans la composition de plastiques et de résines. Il est utilisé par exemple dans la fabrication de récipients alimentaires tels que les bouteilles et biberons. On le retrouve également dans les films de protection à l’intérieur des canettes et des boîtes de conserves ou encore sur les tickets de caisse où il est utilisé comme révélateur.

Des taux significatifs de BPA ont d’ailleurs été retrouvés dans le sang, les urines, le liquide amniotique et le placenta humains. De récentes études ont montré que ce composé industriel induit des effets néfastes sur la reproduction, le développement et le métabolisme d’animaux de laboratoire. Il est fortement suspecté d’avoir les mêmes conséquences sur l’homme.

Par mesure de précaution, la fabrication et la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A sont interdites depuis janvier 2011 en Europe. Cette interdiction s’étendra à tous les contenants alimentaires à partir de juillet 2015 en France.

Dans cette étude, la dent vient s’ajouter à la liste déjà longue des cibles du BPA. Les chercheurs de l’Inserm ont montré que les incisives de rats traités avec de faibles doses journalières (5 microgrammes/kg/jour) de BPA pouvaient être altérées. Cet effet est observé dans une fenêtre de développement qui ne dépasse pas 30 jours post-natals chez le rat traduisant une fenêtre de sensibilité à l’exposition.

L’analyse de ces dents montre de nombreuses caractéristiques communes avec une pathologie de l’émail appelée MIH (Molar Incisor Hypomineralization) qui affecte sélectivement les premières molaires et incisives permanentes. Cette pathologie de l’émail est retrouvée chez environ 18% des enfants de 6 à 8 ans. Les enfants atteints par cette pathologie présentent des dents hypersensibles à la douleur et susceptibles aux caries.

Il est intéressant de remarquer que la période de formation de ces dents (premières années de la vie) correspond à celle où l’individu est le plus susceptible au bisphenol A.

Des premières observations de chercheurs faisaient états de « taches blanches » sur les incisives des rats traités avec des perturbateurs endocriniens dont le bisphénol A (BPA). Les chercheurs ont décidé de définir les caractéristiques des incisives de rats traités avec du BPA à faible dose, et de les comparer à celles des dents humaines atteintes de MIH.

L’observation macroscopique des taches sur les deux séries de dents montre des similitudes, notamment un émail fragile et fracturé.

Au niveau microscopique, l’analyse de l’émail a montré une diminution significative du rapport Ca/P et Ca/C dans les dents atteintes. Ceci se traduit par une baisse de la quantité de minéral rendant les dents plus fragiles et susceptibles aux caries.

Enfin, l’analyse des protéines présentes dans la matrice des dents de rats a montré l’augmentation de la quantité d’énaméline une protéine clé de l’émail en formation, et l’accumulation d’albumine traduisant une hypominéralisation. L’analyse de l’expression des gènes clés de l’émail a permis de mettre en évidence deux gènes cibles du BPA : l’énaméline et la kallicréine 4.

Pour Sylvie Babajko, dernier auteur de cet article, « Dans la mesure où le BPA aurait le même mécanisme d’action chez le rat et chez l’homme, il pourrait être un agent causal du MIH. La dent pourrait donc être utilisée comme marqueur précoce d’exposition aux perturbateurs endocriniens agissant comme le BPA et aiderait ainsi à dépister des pathologies lourdes apparaissant plusieurs années après. »


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