Tribune —
Le gaz, ma non troppo
La lutte contre le gaz de schiste n’a pas de sens si elle oublie l’appel à la sobriété énergétique.
Il y a des bonnes nouvelles : en quelques semaines, des milliers de citoyens ont obtenu un tournant radical dans la politique des autorités. En Tunisie, en Egypte ? Certes. Mais aussi, plus modestement, dans le sud de la France, en Ardèche, dans la Drôme, l’Aveyron, les Cévennes. Une mobilisation contre la prospection de gaz de schiste y a pris comme une traînée de poudre... et, le 2 février, la ministre de l’écologie annonçait la suspension - provisoire - de l’exploration de ce gaz, dont la production requiert des quantités massives d’eau et de produits chimiques et de nombreux puits qui défigurent le paysage.
Qui aurait pu l’imaginer ? Pas le chroniqueur, auteur d’un des premiers articles en France sur le gaz de schiste (Le Monde des 21-22 mars 2010). Ni les animateurs de cette révolte populaire, à commencer par José Bové, qui reconnaît avoir été surpris par la rapidité de réaction de ses concitoyens. Que s’est-il passé ? Sans doute le refus du secret dans lequel les habitants ont le sentiment que l’affaire était enrobée. Refus aussi d’un « développement » qui se traduit par le saccage de l’environnement. Affirmation, enfin, de l’identité de territoires qui cherchent un destin autre que l’étalement urbain et une production matérielle illimitée. Mais cette rébellion serait stérile si elle en restait au refus et à la dénonciation du « coup de force oligarchique », selon les mots du journaliste Fabrice Nicolino. Car, quel que soit l’opprobre que pourraient mériter des gouvernants secrets, des experts partiaux et des compagnies avides de profit, il n’en reste pas moins que le gaz sert à se chauffer, à s’éclairer et à se nourrir.
Or, indique la dernière note de conjoncture énergétique du Commissariat au développement durable, la consommation de gaz en France a augmenté de 3 % en 2010 (en données corrigées du climat). De même, selon Réseau de transport d’électricité (RTE), la consommation française d’électricité a battu tous ses records en atteignant 513 térawatts-heure en 2010.
Si la consommation ne diminue pas, il sera impossible d’empêcher la prospection de gaz (et de nouveaux réacteurs nucléaires, et plus d’agrocarburants, et le pétrole arctique, etc.). Autrement dit, la revendication de la réduction de la consommation d’énergie est inséparable de la lutte contre le gaz de schiste.
Une étude du Centre for Economics and Business Research, au Royaume-Uni, vient de montrer qu’entre 2006 et 2010 les ménages anglais ont réduit leur consommation de gaz de 17 %, aux trois quarts grâce à des mesures d’efficacité énergétique. Si impossible n’est pas anglais, pourquoi serait-il français ?