Tribune —
Le marché international du nucléaire périclite

Les perspectives de nouveaux réacteurs en Angleterre, Roumanie, Bulgarie, Lituanie sont de plus en plus incertaines
Mycle Schneider [1] est revenu récemment sur la posture de plus en plus inconfortable et acrobatique d’un village nucléaire dont les perspectives d’avenir pourraient encore se restreindre après l’abandon probable du chantier d’extension de la centrale Tchèque de Temelin.
Le projet de Temelin pourrait capoter, miné par les crises électronucléaire et financière
Le projet de centrale nucléaire de Temelin, au Sud de la République Tchèque, avait récemment fait les choux gras de la presse française à l’occasion de l’affaire de la mise au placard de notre spécialiste national AREVA qu’un Premier Tchèque Petr Necas très remonté pour l’occasion jugeait “incompétent” à la suite de la remise d’une offre manifestement bâclée.

Bigre, l’AFP utilise là une expression que nous n’aurions jamais, jamais oser cautionner !
Notre EPR national ainsi éconduit de Tchéquie avec perte et fracas, les candidats survivants (le russe Atomstroïeport et le nippo-américain Toshiba-Westinghouse) sentaient déjà un vent favorable orienter finalement vers l’un d’entre eux [2] la dizaine de milliards d’Euros d’investissements prévus pour la réalisation de deux réacteurs nucléaires supplémentaires [3] ; las, le projet pourrait finalement capoter après que de nombreuses voix Tchèques se soient élevées pour remettre en cause l’utilité même du projet.

Temelin : deux réacteurs mais 4 tours aéro-réfrigérantes, cherchez l’erreur ?
Cinq puis deux puis… zéro réacteur ?
A l’origine, l’appel d’offres lancé par CEZ [4] portait sur la fourniture “ferme” de deux réacteurs accompagnés d’une “option” sur 3 autres unités pour un total de cinq tranches à réaliser d’ici à 2025.
Début janvier 2012, l’Etat Tchèque, les poches sensiblement percées, revenait manifestement en arrière après le vote d’une nouvelle loi organique ad’hoc interdisant désormais les options futures sur les marchés publics.

Une modification législative “sur mesures” ?
L’un des actionnaires du groupe mixte CEZ a déclaré à Bloomberg qu’il estimait que “le projet de Temelin ne présentait à ce jour plus aucun aspect logique” et que “la construction des réacteurs présenterait désormais un risque énorme pour CEZ et, de manière plus générale, pour la république Tchèque.” Fermez le ban !

Angleterre, Roumanie, Bulgarie, Lituanie… Autant de projets électronucléaires abandonnés ?
Toujours d’après Bloomberg, le projet anglais d’implanter quatre réacteurs EPR, désormais soutenu par le seul EDF Energy après que son partenaire Centrica PLC se soit habilement “faufilé” hors du montage le 4 février dernier, semble s’orienter vers la même destination, l’opérateur historique français, soutenant désormais l’ensemble des risques liés au projet, souhaitant désormais obtenir des garanties de la part du gouvernement anglais qu’il n’a bien évidemment aucune chance de recueillir.

En Roumanie, le projet d’extension du site nucléaire de Cernavoda (4 milliards de dollars) a vu les investisseurs Européens potentiels se défiler en 2011 alors que le projet Bulgare de Belene (US$ 8 milliards) ne parvient même pas de son côté à recueillir la moindre offre de financement, “crise” oblige.

La Lituanie aurait de son côté probablement été confrontée aux mêmes aléas de financement si le référendum du 14 octobre 2012 portant sur l’extension du parc électronucléaire n’avait pas fait capoter prématurément le projet d’installation d’un réacteur nucléaire à Visaginas. Ah, si le peuple s’en mêle maintenant…

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Compléments d’information :
Bio Mycle Schneider – cartografailpresente
L’émission “Retour sur Fukushima” – franceculture, 28112, avec Mycle Shneider
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Notes
[1] Mycle Schneider a fondé WISE-Paris en 1983, il est consultant indépendant et enseigne à l’école des Mines de Nantes ; il a co-reçu le prix Livelihood 1997 (prix Nobel alternatif) avec Jinzaburo Takagi pour leur travail commun traitant des dangers “sans précédent” représentés par le Plutonium.
[2] Voire les deux comme c’était le cas pour les premières unités de Temelin qui ont été fournies par les russes et aussitôt “modernisées” par les américains.
[3] Le site nucléaire de Temelin accueille déjà 2 unités VVER-320 de 912 MWe.
[4] České Energetické Závody, Opérateur Mixte d’Energie Tchèque détenu à 70% par l’Etat.