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Tribune

Le parti croissanciste


Expérience simple : vous prenez le texte du « Projet socialiste 2012 » dans sa version PDF, et vous cherchez des mots intéressants. Par exemple, celui de « croissance ». On en retrouve 26 occurrences dans le texte, une des fréquences les plus importantes. « Justice » le dépasse, avec 28 occurrences. Mais « inégalité » n’apparaît que 13 fois. Et « écologie », « écologiste » ou « écologique » seulement 12.

Que cela signifie-t-il sur la vision du monde du Parti socialiste ? Qu’il reste animé par l’idéal de la justice sociale, mais compte beaucoup plus sur la croissance que sur la lutte contre les inégalités pour s’en approcher, l’écologie n’étant qu’une préoccupation de second rang. Voilà qui est ennuyeux, d’autant plus que ledit parti fixe son objectif de « croissance durable » à 2,5 % par an.

Pourquoi est-ce ennuyeux ? Pour une raison de fond, qui est que la croissance du produit intérieur brut n’est pas compatible avec le maintien de l’équilibre écologique. Et d’autant moins si l’on rêve, comme Jean-Marc Ayrault, député socialiste de Loire-Atlantique et maire de Nantes, de bétonner les terres agricoles pour construire un aéroport, ou comme le président socialiste de la région Aquitaine, Alain Rousset, de construire de nouvelles lignes à grande vitesse après avoir inauguré une autoroute désastreuse entre Pau et Langon.

C’est aussi ennuyeux si l’on considère qu’historiquement la croissance en France tend à se ralentir inexorablement : elle était en moyenne annuelle de 5,4 % dans la décennie 1960, de 4,15 % dans la décennie 1970, de 2,3 % dans la décennie 1980, de 1,85 % dans la décennie 1990 et de 1,45 % dans la décennie 2000.

Ce ralentissement a une raison assez simple, qui est que les besoins d’équipement du pays sont bien moindres qu’ils n’étaient. Enfin, le retournement qui s’est produit depuis le début des années 2000 sur le prix de l’énergie signifie que ce paramètre essentiel de l’activité économique va exercer une influence dépressive, sauf à entreprendre une vraie politique d’économies d’énergie.

On regrette que le Parti socialiste ne parvienne pas davantage que ses comparses de la droite ou du centre à se libérer intellectuellement de l’oukase de la croissance. Car il se prépare aux mêmes désillusions que ceux qui prétendaient « aller la chercher avec les dents ». Mieux vaudrait ne pas reculer l’instant de vérité : celui où l’on dit aux classes moyennes qu’il faut diminuer franchement la consommation d’énergie. Mais, pour pouvoir le dire, il faudrait avoir une vraie politique de partage. De « justice »  !


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