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Tribune

Le sport, ça suffit


Le sport est devenu un tabou plus indiscutable encore que la croissance. Pour être rangé parmi les associaux demi-fous et sans doute dangereux, il suffit de bailler devant Roland Garros, de déplorer la prostitution pécuniaire du rugby, de s’ennuyer des matchs de football répétitifs. « La critique est devenue impossible, dit Marc Perelman, auteur du Sport barbare (éd. Michalon, 208 p., 16 €). Le sport est devenu une seconde nature, c’est comme le soleil, on ne critique pas le soleil ».

Les valeurs de compétition, d’avidité, de triche, de corruption peuvent donc être répandues sans complexe ni remords. En Italie, vient de révéler la police, l’encadrement médical de plusieurs équipes de football a drogué ses propres joueurs pour qu’ils perdent des matches, moyen de garantir l’issue des paris sportifs.

Le sport est devenu l’opium des classes moyennes, la morphine des classes populaires. Mais si Marx jugeait que la religion était l’opium du peuple (dans sa Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel), du moins notait-il qu’elle exprimait aussi une « protestation contre la détresse ». Le sport n’exprime aucune protestation, seulement la soumission à l’ordre établi. Celui-ci, au demeurant, s’en sert contre le peuple. Le gouvernement québécois accuse les étudiants d’incivisme, parce qu’ils pourraient perturber le Grand prix de Montréal – la Formule 1, d’ailleurs, n’est au fond qu’une propagande en faveur du changement climatique.

Si le sport est une des plus vicieuses pollutions mentales, il détruit aussi l’environnement par ses installations monumentales. A Lille, le Grand stade est suspecté de menacer la nappe phréatique par les matériaux utilisés – un recours est par ailleurs engagé contre la procédure de passation des marchés, qui serait déloyale. A Lyon, le maire veut urbaniser cinquante hectares agricoles pour un autre Grand Stade, avec moult fonds publics destinés à un Olympique lyonnais déclinant. A Paris, les courts de Roland Garros veulent s’étendre sur les magnifiques serres d’Auteuil. La Fédération de rugby rêve d’un stade géant, alors que le Stade de France, notoirement sous-utilisé, est déjà en déficit - couvert par les finances publiques, bien sûr.

Que les pseudo sportifs animés par l’esprit de lucre continuent leur commerce de lavage de cerveaux, on n’y peut mais. Du moins est-il temps de les empêcher de bétonner les abords des métropoles.


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