Les Indiens d’Equateur veulent la télévision
Les mirages de la consommation et du crédit facile accélèrent la paupérisation des Indiens et la déforestation.
Les communautés Kichwas d’Amazonie Equatorienne, mêmes les plus éloignées des centres urbains disposent de plus en plus d’électricité et ont donc accès aux médias télévisuels.
Ces mêmes communautés ne sont plus isolées. Des réseaux routiers de bonne qualité les relient vers des villes telles que Tena ou Archidona. De même, les jeunes générations sont de plein pied dans le XXIe siècle via internet, le Web 2.0 et la boisson gazeuse consommée par le monde entier. Nous sommes loin des clichés romantiques habituellement véhiculés par la presse internationale de la bonne conscience. La réalité est différente.
Ces populations ne vivent plus en pagne végétal et ne sont plus parées de plumes d’oiseaux et autres images d’Epinal à la mode amazonienne. Si les Amérindiens conservent leur tradition, c’est au même titre que les coiffes bretonnes et alsaciennes ou les pow-wow des indiens nord américains.
Il est temps de regarder les faits en face. Sollicités par tous les médias, les Kichwas souhaitent aussi profiter du progrès qu’offre le monde occidental et asiatique. Disposer d’un confort ménager est devenu un besoin social et un signe de la modernité. Les jeunes générations, ouvertes sur le monde de la consommation, désirent elles aussi disposer d’équipements sportifs personnels de marques connues. La coupe du monde de football en Afrique du Sud a été un vecteur important dans ce domaine. L’un des Français les plus connu s’appelle Thierry Henry et pour la Grande Bretagne : David Beeckman. Tous les deux sont des figures emblématiques de grandes marques connues.
Pour les opérateurs téléphoniques, les jeunes sont une cible privilégiée. Il n’y a pas un jour sans une promotion alléchante. Le tout à crédit.
Pressées de toutes parts, ces populations sont soumises aux mirages de la consommation et les institutions financières jouent leur rôle par des propositions à travers des crédits à la consommation. Malheureusement les revenus ne sont pas à la hauteur de ces nouvelles propositions. Pour ne citer que quelques exemples :
- Le salaire moyen mensuel est d’environ 220 $
- Le prix de vente comptant d’un réfrigérateur : 600 $ - A crédit : 1000 $
- Si la scolarité est gratuite, les frais scolaires sont de l’ordre de 150 $ par enfant. Une famille étant composée de 6 enfants, le coût d’un rentrée scolaire revient à 900 $.
Une des pires solutions est proposée : l’endettement à travers les crédits à la consommation ; le surendettement chronique ; la confiscation des biens et finalement l’obligation de vendre à des prix bradés des terres agricoles. Non seulement la déforestation continue pour faire face aux besoins quotidiens mais les sollicitations pour des achats de consommations accroissent et accélèrent la paupérisation des familles Kichwas.
Si les grandes compagnies forestières et pétrolières sont responsables de la déforestation, un nouvel acteur entre dans le jeu : les grandes entreprises financières et leur cortège de propositions attractives. Pour une population non avertie ni formée, la catastrophe environnementale, sociale et économique s’amplifie quotidiennement. La déforestation continue pour pouvoir s’offrir les gadgets téléphoniques ou tout autre objet de consommation que nous réglons avec nos cartes de paiement ; les populations indigènes par la coupe d’un arbre de leur finca.
Jusqu’à quand ? Il suffit de se déplacer dans les communautés et de regarder les coupes sauvages dans les forets.
En France il existe des lois qui protègent les familles en situation de faiblesse contre les abus des crédits à la consommation. Il est urgent que les autorités locales, nationales et internationales s’emparent de ce dossier afin de protéger cette population fragile. Il ne s’agit pas d’une exclusivité équatorienne. Toutes les populations des pays en voie de développement sont victimes de leur propre surendettement.
Le développement du tourisme est une activité en pleine croissance, apporte également sa cohorte de touristes occidentaux qui ne sont pas toujours aux faits des problématiques locales. Ils sont aussi des acteurs qui véhiculent des clichés surannés et des poncifs sur les « bons Indiens d’Amazonie ». Ils viennent et partent la tête pleine de souvenirs exotiques, n’ayant pas eu le temps de se rendre compte de l’impact social ni environnemental qu’ils laissaient derrière eux.
A la suite de ce constat, il ne suffit pas d’évoquer de bonnes intentions mais également de proposer aux populations de tout âge d’apprendre à gérer leur patrimoine en fonction de leurs revenus qui croissent trop lentement par rapport aux mirages de la consommation à outrance. Former les populations à gérer l’économie familiale par l’épargne (même modeste) contre l’économie de la consommation effrénée n’est pas une utopie, mais une nécessité à répandre dans les communautés.