Les agrocarburants et la consommation de viande aggravent le réchauffement climatique
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Si la planète pousse les feux des agrocarburants et mange toujours plus de viande, la déforestation et le réchauffement risquent de s’amplifier, indique un nouveau modèle scientifique.
Pour Thierry Brunelle, chercheur au Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (Cired), et Nicolas Vuichard, chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE), il n’y a guère de doute : le changement climatique est enclenché. L’atmosphère se charge en gaz à effet de serre. Ils sont émis pour les deux tiers par les transports, l’industrie et pour un tiers par l’agriculture. Les températures grimpent, les accidents météo (tempêtes, canicules, sécheresses, pluies diluviennes...) gagnent en intensité et en fréquence.
« Cette évolution dessine une nouvelle géographie mondiale des cultures et de la gestion de l’eau », a déclaré l’agronome Michel Griffon, lors des Entretiens de l’agriculture écologiquement intensive, à Angers, les 25 et 26 octobre. Les modèles prévisionnels circulant jusqu’à présent dans la sphère des climatologues se fondent exclusivement sur des paramètres météo (températures, pluies..). Ils anticipent « une évolution favorable pour l’agriculture des zones septentrionales de la planète, mais une détérioration pour le Brésil, l’Inde, l’Afrique, le bassin méditerranéen », résume l’agronome, directeur adjoint de l’Agence nationale de la recherche.
Sous l’impulsion de celle-ci, le Centre international de recherche sur l’environnement et le développement (Cired), à Nogent-sur-Marne, et le Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE), à Gif-sur-Yvette, en région parisienne, ont construit un nouveau modèle baptisé « Autrement ».
Il dessine la carte mondiale des cultures et des écosystèmes, à l’horizon 2070. Il tient compte d’« une triple contrainte : nourrir une population croissante dans les pays émergents ; séquestrer le carbone dans les forêts pour limiter les gaz à effet de serre ; produire des énergies renouvelables pour remplacer le pétrole », énumère Thierry Brunelle, chercheur au Cired. « Nous avons voulu savoir si ces trois objectifs étaient réalisables », complète Nicolas Vuichard, du LSCE.
Les deux scientifiques se gardent d’émettre des conclusions définitives. « Nos travaux sont à prendre avec des pincettes. Mais ils mettent en évidence des tendances significatives. On sait que, si la production d’agrocarburants augmente en Europe ou aux États-Unis, que si la consommation mondiale de viande continue de progresser au même rythme, le prix du blé, maïs, soja va tripler, incitant les paysans brésiliens à déforester l’Amazonie. »
D’où une dégradation accélérée du climat. Inversement, un régime alimentaire, tout aussi calorique, mais mieux équilibré entre protéines végétales et animales, permettrait aux populations d’accéder à une alimentation moins chère et à notre planète de garder son poumon vert. « Nous sommes un peu les versions modernes de la Pythie de Delphes, sourit Thierry. On cherche à stimuler la réflexion, sans a priori. Oui, nous sommes des lanceurs d’alerte. »