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Tribune

Les axes d’une politique de transformation énergétique

« La société de l’abondance énergétique et du gaspillage pénalise les populations les plus vulnérables et menace l’équilibre social. »


L’annonce par Angela Merkel, la chancelière allemande, de l’arrêt total du nucléaire d’ici à 2022 ouvre un chantier colossal, celui des énergies de substitution qui permettront de satisfaire les besoins. Et si on ajoute à cette nouvelle donne le réchauffement climatique, la raréfaction des ressources fossiles, on perçoit qu’une transformation radicale de nos modes de production énergétique doit être engagée. Il faudra néanmoins ne prendre en otages ni la planète ni les citoyens les plus vulnérables. Nous devrons donc concevoir un ensemble de politiques indissociables les unes des autres, en y associant largement les citoyens, afin d’assurer collectivement la transition vers une société de progrès écologique et social qui responsabilise chacun sans en exclure personne.

Le premier écueil est d’attendre une révolution du seul développement des énergies vertes, comme si l’énoncé de l’expression symbolique « énergie renouvelable » possédait un pouvoir magique. Car certaines de ces énergies parmi les plus emblématiques nécessitent, en raison de leur production intermittente, le recours à des centrales thermiques polluantes pour assurer l’équilibre permanent du réseau. La capture et le stockage de CO2, tout comme le stockage de l’électricité représentent des solutions qui nous permettront de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Or, dans ces deux secteurs, nous accusons des retards importants. Il nous faut donc conforter la recherche de toute urgence.

La puissance publique doit rester soucieuse de la distribution des subventions. Il lui faudra donc mieux réguler les implantations en fonction des ressources (vent, ensoleillement, nappes d’eau chaude…), pour optimiser les filières. Elle devra rapprocher les lieux de production des zones de consommation afin de limiter les pertes en ligne et les surcoûts financiers qu’elles provoquent. La puissance publique devra enfin puissamment inciter à l’autoconsommation des productions d’énergie renouvelable. D’abord, parce qu’une telle stimulation ouvrirait la possibilité d’alléger les effets de la politique des tarifs d’achat assumée par l’ensemble des consommateurs (via la contribution au service public de l’électricité) et de mieux rémunérer les excédents. En second lieu, parce qu’elle favoriserait la maîtrise des consommations tout en permettant le développement des structures à énergie « positive ».

Le deuxième écueil est de continuer à jouer « petit bras » en matière de réduction de nos consommations d’énergie. La société de l’abondance énergétique et du gaspillage pénalise les populations les plus vulnérables et menace l’équilibre social. Pourquoi ? Parce que le pillage des ressources naturelles des pays en voie de développement et des puissances émergentes provoquent des tensions géopolitiques qui entretiennent la flambée des prix des carburants ou des matières premières agricoles. Il est devenu vital de maîtriser notre demande d’énergie, pour préserver l’environnement bien sûr, mais aussi pour nous-mêmes.

Le champ d’action est vaste, les investissements sont importants mais négligeables comparés au coût environnemental, économique, sanitaire et social du statu quo. L’investissement massif dans la rénovation thermique du bâti existant, les meilleurs usages de l’électricité, la formation professionnelle, l’éducation et l’ingénierie publique sont indispensables. Modifier nos usages et nos modes de consommation et de déplacement ne l’est pas moins.

Le dernier écueil consisterait à vouloir conduire la transition vers une économie plus sobre en énergie et en carbone à marche forcée, sans prendre en compte les difficultés de nombre de nos concitoyens, aggravées par la crise.

Au-delà des dispositifs de solidarité envers les personnes en situation de précarité, la mise en place d’un tarif de base pour l’énergie nécessaire aux besoins vitaux (se chauffer, se laver, s’éclairer) permettra d’éradiquer les situations d’exclusion en fournissant à chacun un droit d’accès à un volume fixé en fonction du nombre de personnes composant le foyer. Pour inciter les usagers à réduire leur consommation ou à investir dans de l’autoconsommation, le prix des consommations « au-delà de l’essentiel » agira comme un signal intégrant le coût du CO2.

Déjà proposé par les députés socialistes lors de la loi « Grenelle de l’environnement », ce dispositif innovant, complété notamment d’une contribution énergie-climat sur les énergies fossiles, et d’un « Pass mobilité intermodal » abordable incluant le carburant lorsqu’il n’existe pas de solution alternative de transport en commun, permettra de responsabiliser chacun en n’excluant personne. Trois curseurs sont essentiels : la consommation, l’efficacité énergétique et le mélange énergétique.

Loin d’une négociation réduite aux symboles, l’ensemble de la gauche doit travailler sur les scénarios de simulation, afin de proposer un échéancier pour ce nouveau mélange énergétique. Un débat national sur la transition énergétique s’imposera dès 2012, associant largement les acteurs socio-économiques. Les décisions lourdes qui en résulteront engageront notre avenir commun pour plusieurs décennies.


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