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Tribune

Les déchets renaissants


C’est un cargo. Un cargo semblable aux milliers de cargos qui parcourent inlassablement les mers du globe. Il devait arriver à destination, à Saint-Pétersbourg, en Russie, mardi 13 avril, à moins que ce soit mercredi 14. Il s’appelle Kapitan Kuroptev. Que transporte-t-il ? De l’uranium appauvri sans utilité. Normalement, sa cargaison sera débarquée puis expédiée en Sibérie, à Tomsk. Elle y sera entreposée à l’air libre, dégageant, pour des milliers d’années, sa faible radioactivité.

Et d’où vient-il, cet uranium appauvri ? De France. Un pays merveilleux illuminé par l’énergie nucléaire, une énergie nucléaire qui ne produirait pas de déchets, ou si peu, grâce à la merveilleuse invention du « retraitement des combustibles irradiés ».

Citons un personnage de haute culture, Nicolas Sarkozy, le 8 mars : « Il est commun de dire aujourd’hui que nous sommes entrés dans une nouvelle ère nucléaire, celle de sa »Renaissance« . L’analogie avec cette période glorieuse de l’histoire européenne suscitera sans doute bien des débats. Mais il y a des éléments communs avec la Renaissance : la remise en cause de schémas de pensée anciens, la remise en cause de peurs irrationnelles, la foi dans la science, la foi dans la technique, qui étaient les éléments de la Renaissance. Il nous appartient de faire que cette redécouverte de l’énergie nucléaire soit une chance de progrès et de coopération pour l’humanité. »

La Renaissance ! La comparaison paraît extravagante. Pour preuve de coopération, la France envoie des déchets radioactifs en Russie. De l’uranium appauvri, issu de la fabrication de combustible nucléaire avec de l’uranium naturel, ou du retraitement des combustibles irradiés. En quatre ans, de 2006 à fin 2009, selon le Haut Comité pour la transparence et l’information sur la sécurité nucléaire, Areva et EDF ont expédié 32 200 tonnes d’uranium appauvri vers la Russie. En principe, celle-ci doit le réenrichir et le réexpédier en France. Mais comme cela coûte très cher, seules 310 tonnes sont revenues vers l’usine FBCF de Romans-sur-Isère (Drôme). Moins de 1 %. Le reste ? On n’en a pas l’usage, et il dégage, à Tomsk, pour des milliers d’années, sa faible radioactivité.

Mais il ne s’agit pas de déchets, vous dira-t-on. Ce sont des matières va-lo-ri-sa-bles ! Peut-être, dans cinquante ou dans cent ans, la science - ayez « foi dans la science, foi dans la technique » - trouvera-t-elle un moyen d’utiliser cet uranium dans de nouveaux réacteurs. En attendant, comme le répète Greenpeace avec raison, il s’agit de déchets, et la réalité est que la France, qui ne sait qu’en faire, va les cacher en Russie.

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Références

-  Discours de Nicolas Sarkozy : http://www.elysee.fr/president/les-...

-  Document du Haut comité pour la transparence et l’information sur la sûreté nucléaire : http://www.hctisn.fr/documentation/...

-  Actions de Greenpeace : http://energie-climat.greenpeace.fr...

Suites de l’histoire

-  Areva arrête les exportations en juillet 2010 : http://www.areva.com/FR/actualites-....

Voir aussi la version de Greenpeace : http://energie-climat.greenpeace.fr...


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