Les émissions africaines représentent de 5 à 20 % de la pollution atmosphérique mondiale

On considérait jusqu’à présent l’Afrique comme un pollueur minime, en raison de sa pauvreté. Mais une nouvelle étude change cette image : le continent africain est devenu un pollueur notable. Et à l’horizon 2050, les émissions africaines de gaz à effet de serre pourraient dépasser 20 % du total mondial.
Les activités anthropiques en Afrique contribuent de façon importante à la pollution atmosphérique. Pourtant, jusqu’à présent, il n’y avait pas de données précises quant aux émissions de polluants pays par pays sur ce continent. Pour pallier ce déficit d’information, une équipe franco-ivoirienne pilotée par le Laboratoire d’aérologie (CNRS / Université Toulouse III – Paul Sabatier)1 a réalisé des cartes des émissions polluantes en Afrique pour l’année 2005, puis estimé ces émissions pour 2030 en s’appuyant sur trois scénarios.

- Carte des émissions estimées de carbone organique. -
Les chercheurs ont ainsi montré que les modèles de changement climatique sur lesquels s’appuient actuellement le GIEC sous-estiment les émissions polluantes africaines à l’horizon 2030. Celles-ci pourraient alors contribuer pour 20 à 55 % des émissions globales anthropiques des polluants gazeux et particulaires.
Ces travaux, publiés le 11 mars 2014 dans la revue Environmental Research Letters, serviront à améliorer ces modèles climatiques, mais aussi à évaluer les impacts sur la santé de la pollution dans les zones urbaines d’Afrique. Les inventaires d’émissions des polluants dans l’air sont un passage obligé pour mesurer l’impact de la pollution sur la qualité de l’air et le climat. Ces données alimentent en effet les modèles atmosphériques et climatiques, et permettent de faire des projections sur le futur. Les inventaires régionaux sont très précis pour l’Europe, l’Asie, ou l’Amérique du Nord. En revanche, jusqu’à présent, pour l’Afrique on ne disposait que d’inventaires globaux.
C’est pour répondre à ce déficit d’information que les chercheurs ont développé des cartes d’émissions anthropiques pour l’année 2005 pour l’ensemble des pays africains. Pour cela, ils se sont appuyés sur des données diverses : questionnaires de la consommation de fuels soumis aux autorités de différents pays, enquêtes de terrain, résultats de programmes de recherche tels que AMMA (programme sur la mousson ouest-africaine) et POLCA (programme sur la pollution des capitales africaines).
Vieilles voitures et charbon de bois

Les chercheurs ont également pris en compte des sources d’émission de gaz et de particules particulièrement polluantes en Afrique : d’une part les véhicules à deux roues, les vieilles voitures et les vieux camions dans les villes, et d’autre part, la fabrication de charbon de bois pour la cuisine. Aujourd’hui, l’ensemble des sources d’émission anthropique représentent, selon les particules ou les gaz considérés (carbone suie, carbone organique, dioxyde de soufre, dioxyde d’azote, monoxyde de carbone…) entre 5 et 20 % de la pollution mondiale. La contribution de l’Afrique au changement climatique ne peut donc être négligée.
A partir de ces inventaires pour l’année 2005, les chercheurs ont estimé les émissions polluantes africaines en 2030 en s’appuyant sur trois scénarios. Les deux premiers sont ceux du modèle économique POLES, scénarios de référence décrivant soit un monde sans politique environnementale, soit un monde incluant les engagements du protocole de Kyoto (autrement dit une réduction de 5,5 % des émissions de gaz à effet de serre sur la période 2008-2012 par rapport au niveau atteint en 1990). Les scientifiques ont construit un troisième scénario incluant des réductions d’émissions spécifiques.
Principal résultat de cette évaluation : en l’absence de toute mesure de régulation efficace, le continent africain pourrait contribuer pour 20 à 55 % des émissions globales anthropiques des polluants gazeux et particulaires à l’horizon 2030. Ces chiffres sont nettement au-dessus des estimations sur lesquels se basent actuellement les modèles de changement climatique.
Ces travaux vont permettre d’améliorer ces modèles de par leur utilisation dans les futures publications du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat). Les chercheurs pensent aussi utiliser ces inventaires pour mieux évaluer l’impact de ces émissions polluantes sur la santé des populations urbaines d’Afrique. Ils espèrent que leurs résultats aideront les décideurs africains à faire des choix sur le parc véhiculaire et les combustibles utilisés afin d’améliorer la qualité de l’air dans les villes africaines.
Estimations régionales des émissions de particules de carbone organique issu des combustions de fuels fossiles et de biofuels en tonnes de carbone par an, pour un scénario de l’année 2030.