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Les sans terre indiens ont pris la route

Des dizaines de milliers de paysans se sont retrouvés Gwalior. Ils ont entamé la marche vers New Delhi. Le récit du premier jour.


-  Reportage à Gwalior (Madhya Pradesh, Inde)

Réveil ce matin 2 octobre à 5h45 par la télévision du voisin. Le temps d’un petit déjeuner sur le bord de la route (riz parfumé aux oignons et autres épices) et d’un verre de « tchaï » au lait. On voit passer un premier cortège de Sikhs, aux couleurs violettes, slogans et drapeaux levés.

On arrive au grand QG d’Ekta Parishad, Mela Ground, immense esplanade publique où sont installés entre 50 et 65 000 indiens venus de tout le pays. Et il en arrive de plus en plus, défilant en rangées ordonnées avec les drapeaux blanc et vert d’Ekta Parishad. Des hommes et des femmes se préparent de part et d’autre, se lavent, s’organisent, répètent les chants.

On va s’installer sous une immense tente (4 jours de montage). Rajagopal, le leader d’Ekta Parishad, et sa femme Jill, qui est canadienne, nous accueillent chaleureusement. Nous nous installons en retrait (après les négociations difficiles de ces derniers mois entre Ekta Parishad et les autorités, les internationaux ne sont autorisés que comme observateurs) et assistons à l’arrivée sous ce grand préau de tous les groupes les uns derrière les autres et à des démonstrations de musique et de danse. Impressionnant de voir toutes ces femmes et tous ces hommes, tous mandatés par leurs communautés locales pour venir des 4 coins de ce pays grand comme 17 fois la France. Une grande harmonie de couleurs, de visages et de slogans bien répétés.

La police (ou l’armée ?) est présente avec ses grands bâtons, mais relativement discrète. Enfin pour l’instant, car trois ministres sont attendus dans quelques heures pour les réponses du gouvernement aux revendications du mouvement.

Dans le discours de Rajagopal, prononcé en hindi, je relève en anglais : « Nous voulons la sécurité, l’identité et la dignité. »

D’autres discours que nous ne comprenons pas, entrecoupés de chants et de slogans.

Karima Delli, jeune députée européenne d’Europe Écologie, est assise à la tribune.
Il fait une chaleur accablante mais les gens sont très attentifs.

Discours du Ministre du développement rural, tout de blanc vêtu. On me traduit qu’il accepte les revendications du mouvement, et il enchaîne sur une conférence de presse toujours devant l’assemblée générale. Mais aucun applaudissement spécifique, ni acclamations, cela se passe dans un calme morne. Que pensent les gens ? Petit moment de flottement...

La conférence de presse est agitée, le ton monte et les gens commencent à se lever, mécontents. Difficile de voir ce qui se passe derrière la nuée des journalistes. Finalement, on nous explique qu’en fait le ministre ne s’est engagé sur rien de concret, qu’il dit qu’il va falloir du temps pour mettre les réformes en route, il ne peut rien signer aujourd’hui... Un temps de concertation des dirigeants d’Ekta Parishad est donc entamé, micro ouvert pour que l’assemblée puisse suivre. Nous quittons le lieu pour déjeuner et apprenons plus tard que, de l’avis général de tous les représentants d’Ekta Parishad, les déclarations du gouvernement n’ont pas convaincu et que la marche est maintenue et commencera demain matin.

Le soir - après une petite échappée au fort de Gwalior et ma première confrontation avec les temples indiens et les statues géantes - les internationaux ont rendez-vous autour de Jill et Rajagopal pour un résumé de la journée et les consignes pour la Marche. On nous explique aussi qu’ils n’ont de la nourriture que pour 10 jours de marche (1€/jour/personne). Les consignes de sécurité sont importantes car les étrangers n’ont pas le droit en Inde de participer à des actions politiques, nous ne devons être que des observateurs et respecter une charte stricte pour ne pas risquer de nous faire expulser et surtout de causer des problèmes à Ekta Parishad. La soirée se termine en débat sur la stratégie à tenir et la tactique du mouvement.

Les paysans indiens ne se laisseront pas marcher sur les pieds et on ne les fera pas marcher... Ils marcheront d’eux-mêmes jusqu’à Delhi pour que leurs demandes soient sérieusement entendues et fassent l’objet d’un vrai engagement.


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