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Tribune

Les subventions aux énergies renouvelables sont trop élevées

L’investissement dans les énergies renouvelables n’est pas le moyen le plus efficace de réduire les émissions de gaz à effet de serre.


L’obligation d’achat joue-t-elle contre les filières renouvelables nationales ?

Du fait des effets d’échelle et d’« apprentissage » industriel, on aurait pu s’attendre à une baisse continue et prononcée du coût d’investissement de l’électricité d’origine éolienne ramené à la puissance dont elle est capable (l’investissement unitaire, Iu exprimé en €/kW installé). Or, au terme d’une enquête [1] appuyée sur un échantillon d’une cinquantaine de projets, français ou étrangers, on observe le contraire : après une décroissance régulière depuis le début des années 90, le coût moyen d’investissement de l’éolien est passé de 850 €/kW en 2001 à plus de 1600 €/kW aujourd’hui, soit une hausse moyenne d’environ 7,5 % par an.

Par ailleurs, alors que la filière devient techniquement mature (quelque 100 000 éoliennes sont en service dans le monde) et que, en bonne logique, ses prix auraient dû fortement chuter puisque l’amortissement des investissements représente environ les trois-quarts du prix de revient (en €/kWh), on constate l’augmentation de cet investissement unitaire. La parfaite coïncidence entre les augmentations constatées et les étapes de mise en place d’un généreux système d’obligation d’achat ne peut donc être esquivée au-delà des hausses des cours de l’acier, du cuivre, etc. et des fluctuations du baril de pétrole.

Il s’agit là d’un constat qui conforte les réserves émises par « Sauvons le Climat » sur le niveau des tarifs octroyés dans le cadre du système d’obligation d’achat. Au niveau ou ils se trouvent, ces tarifs créent un effet d’aubaine, générateur de profits excessifs pour les constructeurs [2] et promoteurs, d’autant moins justifiés, qu’ils sont, en France, sans réelle retombée pour l’emploi, ni pour les émissions de gaz à effet de serre.

On ne peut que constater que la politique de soutien massif à l’éolien, initiée en France en 2001 et renforcée en 2006 [3], ne semble pas avoir rapproché cette filière de la compétitivité et a échoué dans son objectif de structuration d’une véritable industrie française du secteur. Il est à craindre que le « cercle vertueux », auquel se référaient les écologistes pour en appeler au soutien de cette énergie, se mue en cercle vicieux : n’a-t-on pas vu nos voisins allemands, en proie au doute, revaloriser de près de 30% leurs tarifs d’achat de l’éolien terrestre, à effet du 1er janvier 2009 ?

Les mêmes causes pouvant conduire aux mêmes effets, il convient de s’interroger sur l’adéquation du niveau des tarifs d’achat appliqués au photovoltaïque, parmi les plus élevés au monde [4]. Prenons garde aux conséquences de ces « libéralités » : si les objectifs fixés par le Grenelle, pour les seuls secteurs de l’éolien et du photovoltaïque étaient atteints dans le contexte tarifaire actuel, ce serait une hausse d’environ 50% de leur facture annuelle que les consommateurs auraient à subir [5]. Cette hausse sera d’autant plus importante que d’autres facteurs, notamment les quotas carbone, vont aussi contribuer à relever les prix de l’électricité, sans parler des effets de la déréglementation...

Nul doute que les généreux tarifs d’obligation d’achat actuels ne pourront être longtemps maintenus (les Danois pour l’éolien, les Espagnols pour le solaire, ont déjà dû en revenir !). Si, contre toute logique, ils devaient l’être, nous assisterions, tôt ou tard, dans les secteurs concernés à ce qui risquerait fort de s’apparenter à l’explosion d’une bulle spéculative, avec toutes ses conséquences.

Il serait sain que le législateur fasse en sorte qu’une plus grande proportion des capitaux susceptibles d’être investis dans les solutions énergétiques « bas carbone » le soit en tenant compte de critères objectifs de rentabilité pour la collectivité dans son ensemble. Il est également impératif que davantage de capitaux soient dirigés vers la recherche, non seulement en matière de photovoltaïque, mais aussi de stockage des productions électriques intermittentes (comme le solaire et, plus encore, l’éolien dont l’imprévisibilité est le handicap majeur).

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Notes :

[1] Cf l’étude intitulée « L’apprentissage de la subvention durable » sur le site de « Sauvons le Climat » http://sauvonsleclimat.org/new/spip...

[2] En dépit de la mainmise d’Areva sur l’allemand Multibrid, aucun constructeur français ne « joue dans la cour des grands » à une exception près : Vergnet S.A. leader mondial de la production, en France, des seules éoliennes adaptées aux régions exposées aux cyclones ou difficilement accessibles (concept de « Far Wind »). Ces engins ont leur pleine justification dans des zones insulaires (DOM, Corse, îles bretonnes) pour lesquelles les seules alternatives au fossile sont, évidemment, les énergies renouvelables.

[3] Arrêtés tarifaires des 8 juin 2001 et 10 juillet 2006 (l’invalidation en Conseil d’Etat de celui-ci n’a pas affecté les tarifs).

[4] Arrêtés des 13 mars 2002 et 10 juillet 2006 (ce dernier accordant un tarif presque un triple).

[5] Dans sa lettre « Décryptages n°15 », la Commission de Régulation de l’Energie annonce un surcoût potentiel de 2,25 milliards du seul fait des tarifs d’achat de l’électricité photovoltaïque. Réparti sur quelque 25 millions de ménages, ce surcoût, dû aux 5400 MW solaires prévus, induirait une majoration moyenne de facture d’électricité annuelle de 120 € par ménage (TVA et Taxes Locales d’Electricité incluses). Et, en 2020, il est aussi prévu 25000 MW d’éolien bénéficiant de l’obligation d’achat. Pour mémoire, la facture EDF moyenne actuelle avoisine les 500 €TTC/ménage !
Voir aussi, sur le site de « Sauvons le Climat », l’étude sur le « surcoût des énergies éolienne et photovoltaïque à l’échéance 2020, selon l’ADEME » http://sauvonsleclimat.org/new/spip....


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