Les surprises de « L’homme aux serpents »

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Le film L’homme aux serpents est un voyage initiatique et politique au cœur de la Colombie. Reporterre l’a vu et a aimé. A voir à Paris jusqu’au 29 janvier
Un vieux bus déglingué transporte de curieux passagers : boa, crotale, anaconda, une trentaine de serpents, trimbalés à travers la Colombie. Le chauffeur du bus est vétérinaire, aventurier, et passionné de nature. Il s’appelle Franz Florez et dirige le Serpentarium national. Sa mission : dénicher des spécimens rares aux quatre coins du pays, et sensibiliser la population à la protection de l’environnement. Lui et ses reptiles nous emmènent dans un voyage initiatique à la rencontre des Colombiens. Guérilleros et militaires, indigènes, paysans et citadins. Derrière les combats, un autre visage de la Colombie se dessine. Celui d’un territoire riche d’une faune et d’une flore exceptionnelles (10% de al biodiversité mondiale), et d’un peuple attachant et résolument optimiste. Un pays envoûtant, presque hypnotique.
Sans la guerre civile, les forêts colombiennes seraient vendues et détruites
Premier quart d’heure, une succession de scènes de foire. Sourire inquiet d’une jeune Colombienne, un serpent dans le cou. Déjeuner d’un boa, qui étouffe et avale une souris. On se croirait dans un reportage animalier. Mais petit à petit, le film prend une autre tournure. Plus politique. Un militaire désabusé, puis deux guérilleros de l’Ejercito de liberacion nacional. Tous racontent une même histoire : sans la guerre civile, les forêts colombiennes seraient vendues, exploitées et détruites. La peur du conflit freine les investisseurs étrangers. « Ce qui m’intéresse dans ce documentaire, ce sont les enjeux politiques. Nous avons voulus nous extraire du débat et mettre tout le monde d’accord sur un thème, la conservation de la nature », explique Éric Flandin, le réalisateur.
Réalisme magique
Le récit poursuit son chemin, sinueux. Des personnages tout droit sortis d’un roman de Gabriel Garcia Marquez surgissent au fur et à mesure. Un vieux qui veille sur une réserve de la Sierra Nevada. Un indigène aveugle. « Nous avons voulu amener le spectateur à quelque chose à la fois d’exceptionnel et de quotidien, l’embarquer dans un voyage », raconte le réalisateur. Une progression presque initiatique. On se perd parfois dans les méandres de cette histoire, dense comme une forêt vierge. D’où la nécessité d’avoir une boussole, un fil d’Ariane. « Le film a une structure en forme de serpent », explique Eric Flandin.
Beaucoup de détours, pour un objectif : nous interroger sur notre relation à la nature. « À cause de la peur, nous cherchons à maîtriser et à détruire la vie sauvage », raconte Franz dans le film. Quelques minutes plus tard, le voilà qui transporte un jeune anaconda puis qui se fait mordre par un autre reptile. Même pas peur !
Un film artisanal
Avant d’être un film, L’homme aux serpents est d’abord le fruit d’une rencontre d’aventuriers. Éric Flandin fait la connaissance de Franz Florez à Leticia, dans l’extrême sud de la Colombie, en 2009. De la rencontre inopinée nait l’amitié et ils décident de faire un périple dans le bus à serpents. Le Français achète une caméra, et les voilà partis. Pas de subventions, ni de preneur de son. « J’ai voulu garder l’idée que je voyage et pas que je filme », précise le réalisateur. Capter l’intensité des discussions, même si l’image n’est pas léchée. Un film artisanal, jusque dans sa diffusion. Quelques affiches, collées par des amis, un compte Facebook, et une sortie à Paris dans une seule salle, au Nouvel Odéon. « Nous comptons sur le bouche-à-oreille, et nous espérons un effet boule-de-neige », conclut Éric Flandin.
L’homme aux serpents, d’Éric Flandin. Du 22 janvier au 29 janvier 2014 au Nouvel Odéon, 6 rue de l’Ecole de Médecine, Paris Ve. Puis à Toulouse au printemps.