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Lyon : les opposants au stade ont bloqué le chantier

C’est par surprise qu’un groupe d’opposant-e-s a réussi à bloquer partiellement l’entrée du chantier de construction du « grand stade » de l’Olympique Lyonnais ainsi qu’une grue, ce lundi 13 janvier 2014 dès l’aube. Reporterre y était et raconte l’action.


-  Lyon, Reportage

Il fait encore nuit, ce lundi matin 13 janvier, quand un groupe discret s’approche de l’une des grilles d’entrée du chantier du stade qui se trouve rue Sully, à Décines, dans l’est lyonnais. En quelques minutes, l’entrée du parking pour les véhicules légers et les livraisons est bloquée par une poignée d’entre eux, amarrés aux grilles du portail à l’aide de chaînes et de cadenas en « U » fixés autour du cou, les bras soudés ensemble par des « arm locks », ces tubes métalliques qui rendent laborieux le déblocage par la police.

- Enchainés aux grilles -

Au-dessus et devant eux, des banderoles, « Les moutons, pas le béton » et « Stoppons OL Land ». Autour d’eux, un groupe d’opposant-e-s s’activent, bien organisés : ils disposent des barrières quelques mètres devant les bloqueurs afin de leur assurer une certaine sécurité, tandis que d’autres, vêtus de gilets fluorescents, renseignent sur la chaussée les automobilistes qui passent par là et les ouvriers qui arrivent.

Occupation d’une grue illégale

A quelques centaines de mètres de là, trois opposant-e-s ont réussi parallèlement à occuper une grue. Ils ont déployé en haut de celle-ci des banderoles bien visibles depuis les bouchons automobiles matinaux qui longent la palissade du chantier vers la rocade Est : « Grand projet inutile ». De l’autre côté de la grue, une autre banderole, comme l’envers de la même pièce : « Soutien aux résistants de Notre-Dame-des-Landes contre l’Ayraultport ».

« En plus d’être illégitime car accaparant l’argent public pour les intérêts privés et initié dans le refus de toute consultation de la population, ce chantier est également illégal, pour ce qui concerne la construction des voies d’accès », explique Laure (prénom changé), membre du collectif d’opposant-e-s. Pour le moment, les autorisations pour le raccordement de la ligne de tram sont bloquées par la justice (la déclaration d’utilité publique des travaux de l’extension de la ligne T3 a été retoquée par le tribunal administratif), mais les travaux se poursuivent en toute illégalité. C’est qu’il faut à tout prix avancer pour être prêts pour l’Euro 2016. « Tous les moyens sont bons », s’exclamait il y a quelques mois Gérard Colomb, sénateur-maire de Lyon et instigateur de ce projet pharaonique main dans la main avec Michel Aulas, patron de l’Olympique Lyonnais, dans le journal officiel du Grand Lyon. C’est justement la grue dédiée à la construction des voies d’accès par le raccordement du tram, parmi la douzaine d’autres en activité sur le chantier, qui est occupée et bloquée.

« Vous revenez demain ? »

Retour sur les lieux du blocage de la grille d’entrée du chantier. A quelques mètres des opposants, de l’autre côté de la chaussée, une trentaine d’ouvriers venant travailler vers 7 h du matin se tiennent debout, étonnés, mais plus amusés qu’en colère. Il n’y aura pas de tension de ce côté-là. Un groupe d’entre eux, proches de l’âge de la retraite, issus de la région lyonnaise, acquiesce lorsque les activistes expliquent que le projet s’est construit sur des mensonges, de nombreux emplois locaux étant initialement promis. « On ne peut qu’être d’accord avec vous et vous soutenir sur ce point », regrette l’un d’eux, amer.

Plus loin, un groupe, bien plus nombreux, de jeunes ouvriers de toutes origines, certains venant du sud de la France, d’autres parlant peu le français car venant d’autres pays européens, attend aussi. C’est une partie notable du contingent embauché par Vinci pour faire avancer le chantier : des ouvriers issus d’autres pays de l’Union Européenne, certains vraisemblablement « détachés » et donc travaillant à moindre coût.

Là encore, pas de panique. Certains se résignent à aller faire le tour du chantier pour entrer, ils en seront quittes pour une petite ballade matinale. D’autres attendent : « De toutes façons je suis payé, les patrons sont au courant, c’est à eux de réagir », sourit un maçon. D’autres savourent cette pause opportune qui leur est donnée de bon matin : « Vous revenez demain ? Et tous les autres jours de la semaine ? Dans ce cas, bloquez aussi l’entrée des poids lourds ! »

Gérard Colomb, le onzième interpellé de l’affaire

La police municipale observe la situation, puis relève les identités de la majorité de la cinquantaine de personnes qui se trouve sur les lieux. Des agents de la BAC (brigade anti-criminalité) procèdent à des fouilles au corps aléatoires tout autour du chantier. L’ambiance reste bon enfant. Les bloqueurs et leurs soutiens actifs sont jeunes pour la plupart, le profil militant ou étudiant, mais ils semblent ne pas vouloir la confrontation stérile avec la police et les ouvriers, privilégiant le dialogue.

Autour d’eux, quelques personnes venues en soutien, parmi lesquels quelques militants peu nombreux de l’association Carton Rouge qui lutte historiquement contre le stade.

Vers 10h, la pluie commence à tomber à fines gouttes. Quelques médias sont venus recueillir de l’information et prendre des photos, cela fait trois heures que l’entrée est bloqué, il ne reste plus qu’une dizaine d’ouvriers en attente, il est temps de se détacher. Une dernière photo de famille pour la route, les cinq enchaînés se détachent… et n’ont le temps que de faire quelques pas avant de se faire embarquer par la police et par la BAC, menottes aux poignets. Direction le commissariat de Meyzieux.

Le reste du groupe se rend devant les grues à l’extérieur des palissades. Le GIPN (Groupe d’Intervention de la Police Nationale, unités régionales chargées d’intervenir dans des conditions extrêmes) arrive sur les lieux en vue d’une intervention pour déloger les trois activistes toujours sur la plateforme supérieure de la grue. Ceux-ci décident alors de descendre après avoir allumé un feu de Bengale et, accompagnés d’un militant resté en bas de la grue, ils se font emmener à leur tour au commissariat, rejoints par une dixième personne venue en soutien.

Le onzième et principal « interpellé » par cette action, c’est Gérard Colomb, sénateur-maire de Lyon, qui doit voir d’un oeil inquiet un regain de l’opposition à son projet inutile phare alors que la campagne pour les élections municipales de 2014 a débuté. Mercredi 8 janvier déjà, des opposants s’étaient invités à l’inauguration d’une nouvelle boutique de l’OL à Lyon en tapant sur des casseroles aux cris de « Colomb = corruption ».

Une rentrée 2014 qui s’annonce plus chaude que l’automne pour les promoteurs d’OL Land, complexe commercial, hôtelier et d’affaires porté par le groupe boursier de Jean-Michel Aulas. Le chantier avance à grands pas, mais les opposants au projet font la preuve qu’il est possible de déposer quelques cailloux dans sa chaussure.

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