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Tribune

Non, les OGM ne sont toujours pas une solution à la faim dans le monde

La World Food Prize Foundation (Fondation du Prix mondial de l’alimentation), fondée par l’homme d’affaires américain John Ruan vient d’octroyer son prix annuel à trois scientifiques spécialistes des OGM dont deux employés par les multinationales agroalimentaires Monsanto et Syngenta. Face au lobbying toujours puissant des biotechnologies agricoles, il faut rappeler... que les OGM ne peuvent pas résoudre la question de la faim, qui est d’abord un enjeu politique.


Les OGM se trouvent au centre de multiples polémiques, dont la plus récente est la conséquence de l’étude menée par le professeur Séralini sur l’effet de la consommation du maïs NK603 de la firme Monsanto sur la santé. Les partisans des OGM soulignent leur potentialité en terme de lutte contre les ravageurs, résistance aux herbicides, à la sécheresse, amélioration de l’assimilation des éléments (phosphore, azote) ou amélioration de la valeur nutritive du produit. Les opposants aux OGM insistent sur les risques environnementaux (par exemple l’utilisation accrue de pesticides) et de santé publique que ces organismes peuvent créer ainsi que sur la question de l’appropriation du vivant par des intérêts privés (par exemples les semenciers tels que la firme Monsanto).

Du point de vue de la faim dans le monde, il s’agit de voir si les OGM peuvent constituer une solution. Sachant que la faim est essentiellement une question de répartition des richesses, de difficultés d’accès à l’alimentation par une proportion importante de la population mondiale du fait de sa pauvreté, et qu’une partie importante de la population sous-alimentée vit de l’agriculture, on peut dire :

-  Il est fort peu probable que les OGM puissent constituer une solution pour les populations vivant de l’agriculture qui souffrent de la faim. En effet, les OGM sont accessibles uniquement par achat de semences dans le commerce, ce qui nécessite des moyens financiers que les populations concernées n’ont pas. Et elles sont bien plus chères que les semences conventionnelles. Ainsi les semences de coton OGM coutaient 41€ le sac au Burkina Faso début 2012 contre 1,2€ pour les semences conventionnelles.

-  De plus, la plupart des semences d’OGM ne sont utilisables que sur une saison (les semences éventuellement récupérées à partir d’une récolte d’OGM n’ont en général pas les caractéristiques qu’ont les semences initialement achetées - dans le cas contraire, le producteur devrait payer une redevance puisque les OGM font l’objet de brevets appropriés par les firmes privées). Le coût d’utilisation des OGM est donc rédhibitoire pour les paysans les plus pauvres.

-  La généralisation éventuelle de l’utilisation des OGM par les producteurs capables de les acheter risque d’entrainer une baisse des prix des produits alimentaires. Les producteurs les plus pauvres auront donc plus de mal à vendre leurs produits à un bon prix et verront leur revenu diminuer, les enfonçant davantage dans la pauvreté, ou les poussant à accélérer leur mouvement de sortie de l’agriculture.

-  Pour ceux des personnes souffrant de la faim et ne vivant pas de l’agriculture, la baisse des prix découlant de la généralisation éventuelle des OGM aurait un effet positif sur leur revenu réel (pouvoir d’achat), mais au risque d’effets négatifs sur leur santé.

Il ne parait donc pas que l’utilisation des OGM soit une solution à la faim, bien au contraire !


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