Tribune —
Nos amis les vautours
Durée de lecture : 2 minutes
C’était il y a quelques années. Sur la route de Yako, au Burkina Faso, nous nous arrêtons pour boire un verre dans une bourgade. Et là, surprise : parmi les clients installés sous la tôle ondulée, des vautours passent entre les tables avec la plus parfaite nonchalance. « Ce sont... des vautours ? », m’enquiers-je, un brin inquiet. « Oui, bien sûr », répond mon compagnon, pas plus impressionné qu’un Parisien observant un moineau.
La situation a peut-être changé depuis. Je téléphone à un ami demeurant à Gourcy, au Burkina. « Maurice, il y a des vautours, chez toi ? - A Ouagadougou, on n’en voit plus depuis quelques mois, on ne sait pas pourquoi, mais ici, oui. Il y en a dans ma cour, et on les croise souvent au marché. »
Nous l’avons oublié, mais ces oiseaux, qui sont parmi les plus grands du monde, atteignant parfois trois mètres d’envergure, vivent en bonne intelligence avec les hommes : indépendants, mais voisins intéressés. En purs charognards, les vautours débarrassent leurs commensaux des carcasses putrides et infectes que l’élevage génère inéluctablement. Pas d’animal plus pacifique que ce grand rapace. Et pourtant, il en est peu qui soient aussi décriés.
On en comptait, jusqu’à récemment, des millions en Asie, notamment en Inde. Mais leur nombre s’est effondré en une ou deux décennies. Peut-être le diclofenac (ou Voltaren), un anti-inflammatoire utilisé par les éleveurs indiens pour leurs vaches, a-t-il empoisonné les rapaces. Le point est débattu. En Europe du Sud, le vautour ne se porte pas trop mal : près de 20 000 individus - des vautours fauves - étaient recensés jusqu’à récemment en Espagne. Mais, en 2006, le pays a appliqué, avec retard, une réglementation européenne sur les résidus d’élevage. Fin de la prospérité pour les nécrophages ailés. Beaucoup ont disparu, plusieurs sont venus en France. On en compterait environ 2 000 au nord des Pyrénées.
Des éleveurs s’indignent : « Les vautours attaquent nos bêtes ! Débarrassez-nous de ce fléau ! » Certains affirment que - par un miracle de l’évolution - de charognards, les rapaces seraient devenus prédateurs. Les attaques ne sont pas attestées, les scientifiques discutent. Mais pendant l’été, la secrétaire d’Etat à l’écologie, Chantal Jouanno, a recommandé « d’expérimenter des tirs d’effarouchement ».
Pauvres vautours ! Dans les Causses, ceux des gorges de la Jonte sont protégés. Je téléphone à une amie qui y élève des brebis. « Pas de problème, ici, on a des placettes sur lesquelles on dépose les animaux morts, les vautours viennent les manger. C’est bien, ça évite d’attendre l’équarrisseur. » Vérité dans les Causses, erreur dans les Pyrénées ?