Tribune —
PMA et critique de la technique : au nom de quelle nature ?
Durée de lecture : 21 minutes
Le débat au sein des écologistes sur les conséquences du mariage homosexuel continue sur Reporterre. Voici, en réponse à Jacques Testart et à Michel Sourrouille, une analyse qui interroge la conception de la « nature » chez les contempteurs de la technique.
L’écologie politique a notamment vocation à critiquer l’emprise de la technique sur nos vies, de leur organisation sociale à ce qu’elles ont de plus intimes. Nous nous retrouvons avec Jacques Testart et Michel Sourrouille pour nous inquiéter, à la suite d’Ellul, d’une technique qui s’insinue de plus en plus tôt dans la vie – dès la conception – et nous poursuit jusqu’à notre dernier souffle (la fin de vie hypermédicalisée). Nous nous inquiétons de son autonomie vis-à-vis de la démocratie et du social.
Nous nous retrouvons avec eux sur les thèses d’Illich sur les deux sortes d’outils, ceux qui permettent à tout être humain, plus ou moins quand il veut, de satisfaire les besoins qu’il éprouve (le livre), et ceux qui créent des besoins qu’eux seuls peuvent satisfaire (la voiture).
Nous nous retrouvons dans les thèses de Kaczynski sur les deux types de technologies : la cloisonnée et la systémique.
Nous rajouterions volontiers l’idée de la micro-biologiste et historienne des sciences Annick Jacq pour qui toute technique est soumise en même temps à deux régimes : la technique comme médiation par rapport à la nature pour une espèce humaine qui (née prématurée) a besoin d’être protégée ; la technique comme satisfaisant le désir de toute puissance par rapport à la finitude.
Ces réflexions, comment les appliquer à la procréation médicalement assistée (PMA) ?
Le risque est d’aller trop vite en besogne. Restant à ce niveau de généralité de dire un accord ou un refus. Et de faire de la PMA un nouveau diable, un nouveau « passé les bornes, il n’y a plus de limite », un « repentez-vous, la fin du monde est proche ». Le tout agrémenté d’exemples aussi extrêmes que peu vérifiés (1). Tout cela n’aide pas à penser.... Il y a des étapes de prudence dans la réflexion à ne pas sauter si on ne veut pas jouer à bon compte les héros de la critique de la technique (et de la publicisation d’une nouvelle association) sur le dos d’une minorité sexuelle.
Prenez vos précautions !
Il est en effet étonnant que cette technique ne nous interroge dans le débat qu’aujourd’hui, pas tant comme technicisation de la reproduction entamée depuis au moins 1978 et le premier bébé-éprouvette, mais en tant qu’un des outils qui permet aux couples homosexuels d’accéder à la parentalité.
Soyons justes : les écologistes et les critiques de la technique (hormis Jacques Testart dont nous aurions dû relayer plus tôt la critique pour ne pas nous retrouver dans la nasse actuelle) s’intéressaient moins à ces techniques quand elles permettent à des couples hétérosexuels stériles de devenir parents. Nous ne pouvons imaginer qu’il s’agirait de s’abriter derrière ce discours critique pour justifier un inconfort devant l’idée qu’on puisse aimer et vouloir partager sa vie avec une personne de son propre sexe.
On peut, bien sûr, être contre la PMA, tout en n’étant pas homophobe. Cela revient à une figure connue : un•e anarchiste qui appelle à l’abstention est-il ou elle pour autant opposé•e au droit de votre des étranger•e•s ? Un e antimilitariste est-il contre l’accès des femmes à l’armée ? Nous savons dissocier la question de l’égalité et celle de la finalité des pratiques permises par l’égalité. Pourquoi ne le ferions-nous pas dans le cas de la PMA puisque nous ne sommes pas homophobes ?
Une fois cette première précaution prise, prenons-en une deuxième, pour ne pas traiter ce sujet à la truelle : prenons en compte la complexité de la réalité à laquelle s’applique le débat. Passer de la généralité des théories à leur confrontation à la complexité de la réalité technique, humaine, sociale.
Le texte de Jacques Testart nous montre qu’il y a une vraie complexité des techniques de PMA. Qu’il y en a plusieurs, mettant en jeu différents patrimoines génétiques, étant plus ou moins compliquées ou lourdes pour les parents. Qu’il y a la procréation aléatoire et la reproduction normative, etc.
Le savoir du scientifique nous intéresse. Nous voulons en savoir plus. Mais il y a aussi celui des sociologues de la famille, des pédopsychiatres, des philosophes, des militant•e•s et bien sûr, au premier chef, n’en déplaise à certains, des personnes concernées...
N’est-ce pas cela l’approche citoyenne de la science ? Celle que nous défendons dans les conventions de citoyens ou dans le combat antinucléaire ? Pourquoi cela ne serait-il plus le cas quand il s’agit de PMA et d’homosexuel•le•s ? Car si la PMA implique de faire appel au savoir du biologiste, le fait qu’elle s’applique à un groupe social précis – les familles, les couples, les personnes homosexuelles – implique de faire appel aux sciences humaines et à la parole des personnes.
Peut-on parler de ces techniques de reproduction sans travailler en même temps avec les sciences humaines, les études de genre, les études queer, l’anthropologie, qui nous ont montré à quel point la différence des genres était construite et renforcée par les sociétés humaines ? Avec les féministes qui nous avertissent des usages politiques de cette différence pour justifier les inégalités socio-économiques et la domination masculine ?
Les stéréotypes de genre et de race ne sont jamais mieux réactivés que par les sociétés en crise, et c’est le cas de la nôtre aujourd’hui, où les désarrois de la classe moyenne et l’écrasement des classes populaires par la fin de l’ère du pétrole bon marché peuvent être compris à la manière des désarrois concernant l’identité masculine, mise à mal par le féminisme et l’homosexualité. Il est certes réconfortant d’imaginer un monde où l’hétérosexualité serait le seul régime de relations amoureuses et sexuelles et où chacun•e serait à la place bien comprise où son sexe l’a assigné•e.
Pouvons-nous travailler ces questions sans intégrer des réflexions politiques et philosophiques sur les dominations, l’égalité, la justice ? Quid de la liberté individuelle, qui n’est pas l’alpha et l’oméga de notre pensée du politique, mais doit être prise en compte dans la société que nous souhaitons construire ? Quid de la variété et de la diversité humaines, dont nous déplorons la perte quand elles sont biologiques ?
Pour réfléchir à la PMA, il faut étudier la technique en question mais aussi ce qu’elle bouge ou non dans la société et dans le groupe qui y fera appel. N’est-ce pas dans son interaction, dans sa façon de s’appliquer à la réalité sociale, qu’on peut vérifier qu’une technique est conviviale ou non, cloisonnée ou systémique ?
Logique de l’outil et réalité sociale
Il est étonnant par exemple de voir dans un texte quasi pornographique un auteur (qui ne signe pas, mais dont on retrouve des exemples et des expressions dans le texte de Michel Sourrouille) projeter sur les homosexuel•le•s les fantasmes de sa propre sexualité (visiblement) hétérosexuelle, uniquement basée sur la pénétration (caresses et clitoris, connaît pas). Le voilà décrétant que celle des homosexuel•le•s ne serait pas « naturelle » (2), puisque différente de la sienne.
Exit les travaux de Foucault sur la scientia sexualis et l’ars erotica dans son histoire de la sexualité qui montre que la sexualité et ses configurations sont hautement culturelles et loin d’être des éternels naturels... Guère plus étudiées, les études scientifiques en la matière : la pénétration anale n’est, par exemple, pas le mode de relation sexuelle le plus pratiqué entre hommes gays (3) et il n’y a pas que les lesbiennes qui ont des godemichés...
Cette connaissance de la réalité sociale à laquelle s’applique la PMA est importante, par exemple pour savoir si une technique est « conviviale » ou non au sens d’Illich, dans la réalité de son application.
Jacques Testart avance ainsi – si nous avons bien compris - que la PMA créerait le besoin d’enfant pour les personnes homosexuelles en le rendant réalisable et que pour cela, en s’inspirant d’Illich, il y résiste : « Pour poursuivre la réflexion induite par Illich, "l’effet de seuil" en AMP se situe pour moi dans son recours soit hors stérilité (GPA pour les homos mais aussi "gardiennage" des ovules de jeunes femmes pour plus tard) ».
Cela correspond-il à la réalité sociale ? Le fait que 2000 enfants naissent déjà ainsi chaque année nous donne un terrain. Ce que nous pouvons observer des couples que nous avons accompagnés, c’est que la plupart du temps les couples ont ce désir en dehors de tout choix technique. Pour eux comme pour les hétéros, pour reprendre les beaux mots de Testart, « il n’y a ni caprice ni perversion, seulement l’expression ancestrale d’un désir obscur et partagé ».
Ils tentent les différentes possibilités qui s’offrent à eux : adoption, PMA, coparentalité... Et y réussissent plutôt : 15 000 à 350 000 enfants selon les études déjà dans des familles homoparentales. L’ouverture de la PMA en France, ne va sans doute pas, en elle-même, créer de nouveaux besoins. Elle ajoutera seulement un moyen possible pour un désir qui se serait de toute façon réalisé d’une manière ou d’une autre.
Elle va seulement éviter – et c’est déjà pas mal ! - que les couples aillent le faire en Espagne ou en Belgique, dans une grande situation d’inégalité économique, dans une dépense financière qui fait peser sur l’enfant une envie de « retour sur investissement » défavorable à son éducation... Mais les enfants sont déjà là, et l’auraient été de toutes façons. Ils auront juste à faire moins de chemin. N’est-on pas pour la réduction des mobilités inutiles ?
En dehors de cette dernière plaisanterie, cela nous amène à une réflexion sur la logique de l’outil : sans doute avons-nous trop tendance à la penser en dehors de son contexte social d’utilisation et en omettant ce que les usager•e•s en feront ou les contraintes sociales qu’elle rencontrera.
Nous le faisons spontanément pour l’automobile : nous ne la pensons pas de la même manière en ville et à la campagne, selon qu’il s’agisse d’un taxi ou d’une voiture individuelle. Pourquoi pas cette intelligence pour la PMA ?
Mais de manière générale, le filtre des dominations de classe, de genre, de race sont les grandes absentes de la réflexion écologiste sur la technique.
Technique systémique : la paille et la poutre
Michel Sourrouille fait grand cas de la classification de Theodore J. Kaczynski entre la technologie cloisonnée (au niveau de petites cellules circonscrites, grande autonomie et ne nécessitant pas d’aide extérieure) et technique systémique (s’appuyant sur une organisation sociale complexe, faite de réseaux interconnectés).
En gros, la première serait acceptable, pas la seconde, et c’est par ce qu’elle appartiendrait à la seconde catégorie que la PMA devrait être condamnée : « Appliquons maintenant notre raisonnement – trop de complexité nuit à la durabilité – à la procréation médicalement assistée. » Internet, la télévision, la radio, la presse écrite... ne sont-elles pas des techniques systémiques ? Michel Sourrouille n’a-t-il pas publié son texte sur un site Internet et ne lui répondons-nous pas sur ce même support ?
Il nous semble léger de condamner une technique sur cette simple base. C’est bien la difficulté de notre époque : l’omnipotence et omniprésence des techniques systémiques. On est à la limite de la tautologie : pour Ellul, la technique qui fait problème c’est celle qui fait système. Et c’est bien parce qu’elle fait système qu’il est difficile de la faire reculer. Mais pourquoi alors s’en prendre à celle là – dont l’élargissement ne va concerner que 2 à 3000 enfants – et pas Internet ou la télévision qui en lobotomisent tous les jours bien plus ? Pourquoi le faire justement quand elle s’ouvre à une minorité sexuelle ?
Transcendances laïques
Un autre risque nous apparaît à la lecture de ces textes, que nous avions pointé dans le passé dans les pensées (4) de Vincent Cheynet et Paul Ariès (ce dernier a changé de position depuis) : celui de faire appel à une transcendance pour trancher la question.
En lisant les textes évoqués, nous avons l’impression de trouver en milieu laïcs certaines des tournures de nos adversaires religieux conservateurs. Dans ces milieux, les choses sont simples : l’homosexualité ne correspond pas au « projet de Dieu » (que eux seuls connaissent, trop forts !), il faut la condamner.
Là, d’autres concepts sont invoqués – y compris par un député PS ou un ancien socialiste passé à EELV – comme des transcendances aussi indépassables et incriticables que la transcendance technique : la différence des sexes, la barrière des espèces, l’œdipe, l’ordre naturel, le genre humain, le normal, la nature... Qui définira leur contenu ? Leurs limites ? Qui se fera le grand prêtre de ces boites fourre-tout et dira qui tombe dedans et qui tombe à côté ? Qui a droit à la PMA et qui n’y a pas droit ?
Rien que sur la nature, de quoi parlons-nous ? De la nature conservatrice selon un Robert Hainard qui pensait que la nature existait identique de tout temps à jamais (comme « La-Femme », « L-Homme » etc.) ? De la nature subversive d’un Serge Moscovici qui montrait que la nature avait une historicité et que la coupure humain-nature était d’abord le résultat d’une histoire humaine de la nature ? De la création chrétienne comme pensée métaphysique ? De la nature critiquée comme une notion occidentalo-centrée, coupure colonialiste arbitraire avec les êtres vivants non-humains, comme nous l’apprennent l’anthropologie et la philosophie de la nature, en lien avec les peuples d’Amérique du Sud ?
De même, le terme de technique que nous utilisons à tout bout de champ. Les lecteurs et lectrices d’Ellul savent qu’une des difficultés est qu’elle n’est jamais réellement définie mais saisie par ses effets. C’est une position critique, qui constate ce que fait la technique. Elle critique radicalement ses effets, bien plus qu’elle ne met au pilori telle ou telle méthode (« le tire-bouchon n’est pas l’ennemi ! »).
Le risque de remplir La Technique d’un contenu précis, c’est d’en faire l’idole, un négatif parallèle de la transcendance... et de raisonner avec des grosses boites, trop grosses pour ne pas écraser les personnes et l’intelligence...
Nature fantasmée, technique incertaine...
Cet appel inquiétant aux transcendances montre une étrange alliance – que personnalisent des soi-disant « Chrétiens indignés » ou « Poissons roses », faux chrétiens de gauche, vrais réacs – entre certains écolos et les plus conservateurs de la théologie catholique romaine : dans les exigences d’égalité des personnes et des couples homo, il y aurait une hubris, un mépris de la Nature. Qui ne porterait pas seulement sur les questions débattues en ce moment (le droit à l’adoption et à la PMA qui pourraient être acquis suite à l’extension des droits des personnes LGBT) mais sur l’homosexualité en tant que telle.
La sexualité entre femmes ou entre hommes serait moins naturelle que l’hétérosexualité ? Dans certains textes, les auteurs (en recherche d’une hypothétique « nature de l’homme ») s’y prennent les pieds : une ligne disant que « le comportement des humains n’est pas fixé par la nature, mais par la culture », puis quelques lignes plus bas que « la nature nous a fait homme et femme pour faire l’amour ensemble, sinon nous serions unisexe » ! Le roulis donne la nausée...
D’où vient cet appel à une Nature fantasmée, à une Biologie naïve ? Quand bien même aucune relation entre individu•e•s de même sexe ne serait documentée chez aucune espèce de mammifère (ce qui est loin d’être le cas !), le registre qui confond naturel et bon, et artificiel et mauvais, ne serait-il pas une manière simpliste d’ordonner le monde ?
Les écolos disent ce qui est juste et bon, et comme les grands prêtres de l’Ancien Israël affolés par les écoulements des femmes (qui s’ils ne sont pas contrôlés vont entraîner un nouveau déluge !), ils et elles commenteraient les différentes positions sexuelles pour déterminer laquelle est la plus « naturelle », donc la plus irréprochable moralement ? La capote, oui, mais pas la pilule, en latex équitable et bio, et dans la position du missionnaire...
Quel rôle faisons-nous tenir à la Nature dans notre discours pour pouvoir désavouer le mode de vie d’une part importante de notre humanité ? Quel est ce retour du biologique fantasmé qui veut réordonner le monde, qui nous dit que le vrai père d’un enfant est celui qui lui a donné son spermatozoïde et pas celui qui l’a élevé ? Il faut revoir de toute urgence les films de Pagnol !
Questions sur les questions
Une fois déblayés ces gravats, peut-être pouvons-nous alors accéder aux nœuds des questions compliquées. A celles qui méritent d’être poursuivies par l’échange. On pourrait aussi discuter l’idée que (comme le défend Jacques Testart) la PMA serait légitime pour soigner la stérilité mais pas comme technique procréatrice. Réfléchir si l’effet de seuil se trouve vraiment là. Sauf que.
La PMA (sauf si on y inclut la chirurgie réparatrice des trompes de la mère, mais est-ce de la PMA ?) ne soigne à proprement parler aucune stérilité : le couple stérile avant la naissance par PMA le sera encore après. La PMA est bien, dans le cas des couples hétérosexuels comme des couples homosexuels, une technique palliative pour faire naître des enfants. Pourquoi une réponse différente à un problème plus similaire qu’il n’y paraît ? En droit français, deux situations identiques doivent se voir appliquer une même réponse juridique. Une fois les couples mariés, pourquoi y-aurait-il une différence ?
Cela veut-il dire que nous défendions la PMA à tout crin, comme nous en soupçonne déjà certains lecteurs ? Pas forcément. Mais nous ne voudrions pas la condamner pour de mauvaises raisons. Ainsi, d’un point de vue humain, on peut s’interroger sur les conséquences pour les couples d’un niveau d’échec de plus de 80 % des parcours en PMA.
Des couples ont renoncé au projet d’enfant, puis pensent à la PMA et y croient à nouveau à fond (le facteur psychologique de réussite : il faut y croire !). Puis sont déçus dans 8 cas sur 10. Comment un couple résiste-t-il à un tel yoyo ? Quel pourcentage de séparations à l’issu d’un tel lessivage ? Faut-il plus de moyens pour plus de réussite, comme le demande le docteur Frydman ? Ou contester (avec les féministes et l’éthique protestante de la famille quand elle n’a pas rendu les armes face aux évangéliques) l’idée qu’un couple ne serait légitime que parent ?
Nous voulons critiquer cette norme de « un papa, une maman, des enfants » pour laquelle les médias, l’Église catholique, le code civil (lecture obligatoire des articles sur les enfants au moment du passage en mairie !) et les zélateurs de la PMA se tiennent la main... en tenant le plus loin possible les couples homos qui n’ont comme tort que de vouloir être comme tout le monde.
Une autre question se profile de manière dangereuse compte tenu des évolutions de la génétique : la calibration de l’enfant à naître. Comment penser toutes les pratiques basées sur la PMA qui tendent à sélectionner les caractéristiques des enfants à naître (et qui sont déjà présentes avec le choix des donneurs et donneuses de sperme ou d’ovocytes) (6) ?
Une prise de position n’est pas un jeu
On le voit, les débats sont en série et ne peuvent se régler d’un coup de goupillon au nom d’un discours surplombant anti-technique. Une prise de position sur ce sujet ne peut pas se faire uniquement sur la base d’une critique de la technique. Pas plus qu’une critique de la bagnole ne peut faire l’économie d’une critique de la géographie capitaliste de la ville ou de la question de la reconversion des usines.
Nous nous étonnons d’une certaine légèreté dans les prises de position que nous discutons. Prendre position ne devrait pas être un exercice de style, une publicisation gratuite de soi et d’une nouvelle association. Car elle n’est jamais sans conséquence sur les débats et la réalité.
D’abord parce que l’inégalité des droits est toujours une violence concrète faite à des personnes réelles et que si on doit la défendre, on devrait toujours le faire avec une extrême prudence car sa défense même produit une violence psychologique (et à vrai dire, nous ne voyons jamais aucun cas où elle se justifie).
Ensuite parce que le débat est loin d’être tranché. Les sondages donnent une opinion très favorable au mariage, moins à l’adoption et à la PMA. Le Parti socialiste a déjà – quelle surprise ! – reculé en scindant le projet en deux, alors que PMA et statut du beau-parent auraient du se trouver dans le même wagon (et ça aurait été le meilleur de moyen de favoriser les projets « bios » de co-parentalité (4) contre la technicienne PMA).
Dans ce contexte fragile quels seront les dégâts créés par des médias relayant, dans leur frénésie technicienne ignorante de la finesse de la pensée, une « info » du genre « Jacques Testart est contre » ? Et cela a commencé...
Les critiques de la technique sont-ils et elles obligé•e•s de se laisser piéger par la politique technicisée – l’illusion politique ! – qui veut que l’on tombe dans le fonctionnement technicien du « un problème, une réponse », « un débat, une position » ? Un groupe de réflexion est-il obligé d’adopter les mauvaises manières des partis politiques, obsédés par la publicité, le rapport de force, la petite phrase et la prise de position obligatoire donc le contraire de la pensée ? Les critiques de la technique – comme des religieux – ne seraient-ils pas plus utiles à faire réfléchir qu’à choisir un camp... au demeurant le plus mal fréquenté !
L’écologisme est à la croisée des chemins. Elle fut un mouvement social qui apprenait des mouvements féministes, homosexuels ou régionalistes pour remettre en cause les évidences de l’industrie, de la bourgeoisie, de la technique et du capitalisme. Une articulation entre monde naturel et monde social, aussi attentive à la domination de l’être humain sur la Nature qu’à la domination que des êtres humains peuvent exercer sur d’autres. Aussi prompte à dénoncer le capitalisme qu’à refuser un socialisme productiviste.
L’égalité entre les personnes, leur autonomie, la préservation de la diversité humaine, tant culturelle que sexuelle, nous tiennent à cœur et c’est au nom de ces valeurs, tout aussi importantes à nos yeux que la préservation de l’environnement, que nous sommes favorables au mariage et à la parentalité homosexuelles.
La PMA pour tous ou plus de PMA du tout ! Le droit pour tou•te•s à être soldat ou plus d’armée du tout !
....................................................
Notes
(1) « La volonté des gays et lesbiennes d’avoir un enfant n’est qu’un symptôme de cette dérive de la pensée qui découle à la fois du libéralisme moral (tout découle de la volonté humaine) et de la technique extrême (tout est possible) (…) Il existe même actuellement un cas de lesbiennes aux États-Unis qui font prendre des hormones à leur fils dans l’attente de l’opération qui fera de lui l’objet de leur espérance, une fille. Où est la limite à notre volonté de toute puissance favorisée par les avancées technoscientifiques ? » - Citation du texte de Michel Sourrouille.
(2) « Sexe et enfant, l’homosexualité en lutte contre la nature »
(3) Institut national de veille sanitaire, ANRS, avec la presse gay, Recrudescence des prises de risque parmi les gays
(4) Stéphane Lavignotte, La décroissance est-elle souhaitable ?, Textuel, 2008.
(5) La coparentalité est la situation où un couple d’hommes et un couple de femmes se mettent ensemble pour concevoir et élever un enfant. Il y a ainsi deux parents de sexe et genre différents et deux beaux-parents participant à l’éducation. La question est de savoir comment ne pas laisser ces situations dans le vide juridique et comment donner un statut aux beaux-parents, des droits et des devoirs qui permettent de sécuriser le cadre au profit de la tranquillité de l’enfant. Cette évolution juridique profiterait également aux familles recomposées hétérosexuelles.
(6) Voir Catherine Bourgain, L’ADN, superstar ou superflic. Les Citoyens face à une molécule envahissante. Le Seuil, 2013.