Pierre Rabhi en Margeride
Durée de lecture : 5 minutes

Présentation
Pierre Rabhi, un sage à Saint Symphorien
Conférence-débat : La sobriété heureuse
Vendredi 22 juin à 20h30 à la salle des fêtes de Saint-Symphorien (Lozère).
C’est un sage et un paysan qui animera la Soirée de Saint Symphorien, en Margeride, le vendredi 22 juin. Pierre Rabhi viendra en effet discuter de la « sobriété heureuse » avec les Lozériens, ses voisins, puisque ce paysan vit à Montchamp, en Ardèche.
Pierre Rabhi est devenu un des meilleurs porte-voix en France d’une écologie renouvelée. Né en 1938, il a grandi dans une double culture du Sahara et de la France, de l’islam et du christianisme, quand, après le décès de sa mère, il a été adopté par des parents français. Il est venu en France à vingt ans, et y a travaillé comme ouvrier. Mais la froideur de la ville et la déshumanisation des machines l’ont attristé, et il a choisi, avec sa femme Michèle, de venir s’installer en Ardèche et de travailler la terre. C’était bien avant 1968, et à une époque où, en sens inverse, l’exode rural vers la ville battait son plein. Sur ces terres pauvres, la famille a vécu chichement, quinze ans sans électricité. Appliquant les méthodes de l’agriculture biologique, Pierre Rabhi a peu à peu régénéré la terre et en a fait un riche lieu pour ses cinq enfants et ses amis.
En 1983, il a écrit un beau livre, Du Sahara aux Cévennes (Albin Michel), dans lequel il retrace son expérience et exprime sa vision du monde. Partageant son savoir agricole au Burkina Faso et au Maroc, sa réputation a commencé à grandir. Il a élargi la portée de sa parole, montrant comment « la modernité nous prive de l’essentiel » et que la société ne peut pas être humaine quand les hommes détruisent la terre. Il promeut des petites exploitations agricoles à taille humaine, appelle à « l’insurrection des consciences », et explique que chacun, malgré l’immensité du monde qui semble rendre nos efforts vains, peut agir pour changer les choses.
En 2002, Pierre Rabhi s’est présenté à l’élection présidentielle : il n’a pu atteindre les 500 signatures d’élus nécessaires, mais il a acquis une grande notoriété. Depuis, il parcourt la France pour éveiller ses concitoyens au respect de la planète et au changement intérieur. En Ardèche, il a créé avec ses amis un centre de démonstration de l’agriculture biologique. Et c’est en paysan qu’il viendra parler à Saint Symphorien, à l’invitation de l’AME (Association Margeride Environnement).
Compte-rendu
Pierre Rabhi a semé le bonheur à Saint Symphorien
La salle était comble, vendredi 22 juin, lors de la Soirée de Saint Symphorien organisée par l’AME (Association Margeride Environnement) : plus de 170 personnes sont venues du canton de Grandrieu, mais aussi de toute la Lozère, de Haute-Loire et même… de Moselle, pour écouter Pierre Rabhi, paysan écologiste et philosophe.
Il a raconté avec beaucoup de simplicité son parcours depuis le Sahara jusqu’à l’Ardèche où il vit maintenant, en racontant son expérience de l’agro-écologie et la façon dont il a transformé des terres rocailleuses et sèches en une terre fertile. Il a aussi exposé sa philosophie de l’existence. Si son discours était grave, il était ponctué d’humour, et l’on a souvent ri – au point que le thème de la soirée, « la sobriété heureuse », aurait pu s’intituler « la sobriété joyeuse ».
Car selon Pierre Rabhi, notre société souffre de boulimie, d’illimitation, du règne de l’argent qui détruit le monde. « Tout ce qui n’est pas chiffré n’est pas considéré comme économie, a-t-il dit, si bien que le paysage, l’air pur, le silence sont jugés sans valeur ». Pourtant « nous sommes ici-bas pour jouir de la beauté de la vie ». Au passage, évoquant la splendeur des paysages de Margeride, Pierre Rabhi a jugé que « l’on a raison de se battre pour qu’il n’y ait pas d’éoliennes ».
Le sage pense que le monde moderne est dans une crise très grave : « On vit dans l’illusion que le modèle occidental est généralisable. Il ne l’est pas parce qu’il est dispendieux. Où va-t-on prendre les ressources pour satisfaire tout le monde, s’ils sont aussi boulimiques que nous ? » Selon lui, il faut aller vers la modération, l’auto-limitation, le contentement. Et si le système doit changer, cela dépend aussi de la transformation interieure de chacun : « Le système ne changera pas si les êtres humains ne changent pas ».
Un débat a suivi la conférence, et l’on a discuté de l’éducation, de l’agriculture, de la peur qui imprègne nos sociétés, de la crise. Pour Pierre Rabhi, « une issue est le retour à la terre, une grande partie des citoyens devra envisager de réapprendre à cultiver ». Mais il observe aussi l’espoir dans les tourments de l’époque : « La société bouillonne d’initiatives et d’alternatives. Au fur à mesure que le modèle dominant se dégrade, un autre modèle se prépare ».
Un pot amical a suivi la soirée, avant que tout le monde reparte heureux sous le beau ciel étoilé.
• Voir aussi article dans Le Midi Libre