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Tribune

Pour en finir avec le chômage, il faut instaurer le revenu universel

La semaine internationale du revenu de base s’est achevé dimanche 22 septembre. « Après le suffrage universel acquis en 1789, après la mise en place de la Sécurité sociale, il faut donner sa pleine mesure à la consolidation démocratique de la citoyenneté en mettant en place un revenu universel. »


Depuis les années 1970 le plein emploi est un horizon toujours recherché, mais jamais atteint. Ni les emplois jeunes, aidés ou d’avenir, ni les exonérations offertes aux entreprises, ni les baisses de cotisations sociales n’ont permis d’offrir un emploi à chacun. Le marché de l’emploi est saturé, concentré sur quelques “heureux” locataires de leurs emplois et pousse des millions d’”inutiles au monde” à Pôle Emploi.

Dans le même temps, l’accès à la solidarité nationale reste semé d’embûches. Ainsi, une personne sans emploi, n’ayant pas assez cotisé à l’assurance chômage, n’aura droit à rien si son conjoint travaille. Aujourd’hui, les allocations relevant du régime de solidarité nationale, comme le RSA [revenu de solidarité active], ne sont pas individualisées, mais données en fonction des ressources du foyer. Le chômeur ou l’inactif du couple n’a pas droit à l’autonomie financière que procure tout de même le RSA. Encore plus discriminant, un jeune de moins de 26 ans n’a pas droit au RSA... On donne la majorité politique à 18 ans, pas la majorité économique : charge à sa famille de subvenir à ses besoins s’il n’arrive pas à trouver un emploi ou un revenu suffisant pour vivre.

L’Etat fait la guerre aux pauvres

S’ajoute qu’avec la crise et l’austérité promue comme choix politique, les ressources baissent. Tout est fait pour diminuer l’accès et le montant des allocations chômage, à tel point que c’est moins d’un chômeur sur deux qui est indemnisé et à chaque nouvelle réforme il l’est moins longtemps. L’État fait la guerre aux pauvres, alors même qu’ils sont toujours plus nombreux : plus de huit millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté dans notre pays.

C’est la faute à la crise qui fragilise les revenus... mais seulement ceux des plus pauvres.

Face à ce constat, l’écologie politique propose de sortir chaque individu de la pauvreté en instaurant la distribution à chacun d’un revenu inconditionnel permettant de vivre décemment. C’est un outil constitutif de la citoyenneté. Après le suffrage universel acquis en 1789, après la mise en place de la sécurité sociale, il s’agit de donner sa pleine mesure à la consolidation démocratique de la citoyenneté en mettant en place un “revenu universel".

Chaque individu, chaque citoyen, qu’il soit jeune ou vieux, homme ou femme, travailleur ou non, riche ou pauvre, percevrait un revenu du niveau du seuil de pauvreté. Ce revenu doit être suffisant pour permettre à chacun de se loger, de se nourrir et de se déplacer sans pour autant vendre sa force de travail sur le marché de l’emploi réglé par la logique capitaliste néo-libérale.

La logique marchande ne donne pas sa juste valeur au travail - pourquoi un trader serait-il mieux payé qu’une infirmière ? - et impose une nouvelle règle, celle de la précarité. Or, en distribuant à chacun un revenu garanti, on protège les individus face aux discontinuités de l’emploi, on donne la possibilité d’entreprendre sans pour autant prendre le risque de se retrouver sans rien.

Les effets bénéfiques du revenu universel

Des expérimentations de revenu universel ont été menées dans différents pays : les gens n’ont pas cessé de travailler, mais ont réduit leur temps de travail pour gagner en qualité de vie. Le revenu de base a cet avantage : il encourage les travailleurs à libérer du temps de travail qui profitera à ceux qui ont envie de travailler. Plutôt que de réduire par la loi le temps de travail, on incite : il s’agit d’une méthode douce et choisie de réduction et de partage du temps de travail.

Avec le revenu universel, on travaillerait moins, mais aussi mieux : pourquoi accepter un travail peu valorisant s’il est mal rémunéré ? Pourquoi accepter un emploi mécanique ou répétitif si on a de quoi vivre décemment ? Le rapport de force employeur-salarié serait rééquilibré en faveur de ces derniers. Les emplois pénibles devront alors être revalorisés et les emplois peu intéressants rendus plus attractifs.

La question du financement

D’où viendrait l’argent pour financer cette utopie ? Nous pouvons dégager deux ressources principales, la première vient de la taxation du capital. Depuis les années 70, le partage des plus-values entre capital et travail s’est dégradé largement en faveur du premier, ainsi une partie des ressources nécessaires pourraient être récupérées au dépend des actionnaires et du patronat. Et la mise en place d’un revenu maximum - en plus de réduire les inégalités et d’empêcher les distorsion de démocratie - est également une piste pour financer le revenu universel.

Mais, à l’instar du régime des intermittents du spectacle ou de la sécurité sociale, c’est surtout la socialisation des revenus qui permettra de financer un revenu pour tous. Pour un revenu universel de 900 euros, il sera nécessaire de socialiser en moyenne 40 % du salaire. Si les individus sans ressources seront les grands gagnants de la mise en place d’un revenu universel, c’est toutes les personnes ayant un salaire en-dessous de 2 240 euros qui gagneront à cette mise en place, c’est-à-dire plus de 70 % de la population française. Quant à ceux qui y perdront en revenu, ils y gagneront en sécurité. Eux aussi obtiendront un droit de s’arrêter de travailler sans risque, de travailler moins, ou de se former pour mieux s’adapter aux évolutions.

Le Conseil National de la Résistance nous a légué un héritage important, avec la sécurité sociale et des idéaux comme le droit au logement ou le droit au revenu - tous deux encore inappliqués. En portant l’idée de revenu universel, il s’agit de proposer un nouveau contrat social, moderne, respectueux des individus et de la planète ; une troisième voie, une utopie réaliste, tirant les leçons des échecs du capitalisme et du communisme. Il s’agit, selon la formule consacrée par Philippe Van Parijs, d’écrire sur les bannières de notre société « de chacun (volontairement) selon ses capacités, à chacun (inconditionnellement) selon ses besoins », et de faire vivre cette idée.

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